Le terrible châtiment

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Dans la majorité des contes kabyles, les méchants auteurs de crimes payent chèrement leurs forfaits. Les personnages de ce conte ne vont pas y échapper, suivez-nous et vous saurez tout.Jadis, les hommes se mariaient à plusieurs femmes pour avoir de nombreux enfants pour défricher, labourer et semer la terre, et, en même temps, la peupler. Car, au commencement du monde, il n’y avait pas beaucoup d’habitants. C’est ainsi qu’un homme épouse en premières noces une jeune femme qui lui donne un garçon et une fille. Quelques années plus tard, il décide de se marier une seconde fois. De son union avec cette seconde femme naquit une petite fille.La seconde épouse est très jeune et a des mains de fée. Aucune autre femme du pays ne peut l’égaler dans la manière de tisser des burnous (Avarnous – pluriel Ivarnas). Dotée d’une dextérité et d’une habilité hors du commun, elle a réussi à se rendre très célèbre dans la contrée, au point où on la cite comme exemple. Elle est très fière, de même que son mari. Quand sa fille eut six ans et ses demi-frères huit et dix ans, elle les appelle un jour dans un coin reculé et leur dit en aparté :- “Loukan atsaghem ray inou Aoun z’dhagh sim ivarnasKhir bouin ilsa ouargaz inouAqchich ad’youghal d’atharasD’i thejmaâth ats oughal khir n thoullas(Si vous voulez m’écouter, je vais vous tisser deux habits mieux que celui que porte mon mari. Le garçon sera un homme accompli, alors il pourra se vanter, de même de sa sœur, qui sera la plus belle des filles)”.Les deux enfants qui sont enchantés de mettre de beaux burnous à la place de leurs guenilles par ce froid glacial qui les fait trembler, acceptent de leur marâtre tout ce qu’elle leur dit, même l’impossible matricide qu’elle désire leur faire accomplir.Après les avoir intéressés et amadoués, elle leur dit : “Si vous voulez vous habiller chaudement et devenir les amis de ma fille, En gheth yemmath-ouen ! (Tuez votre mère !)”Les deux enfants, inconscients de la manipulation, sont ravis. Munis d’une outre (Aydid’), faite en peau de bouc ou de chèvre, ils se rendent dans un endroit pierreux où, dès le moindre rayon du soleil, des vipères cornues sortent pour se chauffer. A l’aide de roseaux taillés en biseaux, ils attrapent les reptiles en leur coinçant la tête et les mettent dans l’outre.De retour à la maison, ils montrent à leur mère, l’outre où s’agitent dedans des bestioles.Ils lui disent avoir attrapé une perdrix et ses petits, et lui demandent de les retirer. Dès qu’elle plonge la main dedans, elle est mortellement mordue.Se sachant perdue, avant de rendre l’âme, elle dit à ses deux enfants, qu’elle devine avoir été trompés :- “Avec l’argent de ma dot, votre père m’a acheté une vache. C’est votre bien, désormais. Ne lui permettez jamais de la vendre, la marâtre va vous affamer, mais grâce à son lait, vous allez vivre, même si les quantités de nourriture vont diminuer ! Après mon enterrement, si vous avez besoin d’aide, venez pleurer sur ma tombe. Mon âme sera là, et vous conseillera”.

Benrejdal Lounès (A suivre)

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