Une inadéquation qui pénalise le monde du travail

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Dans le même souci de renforcer l’insertion a ordonné au gouvernement de  » veiller à ce que les diplômés de la formation et de l’enseignement professionnels soient également parmi les candidats prioritaires au bénéfice des encouragements publics à la création d’emplois, que ce soit par la voie du micro-crédit ou des aides apportées à l’agriculture et à l’artisanat « .

Il y a lieu de noter le souci de  » nécessité de développer le secteur de la formation dans le but de couvrir les besoins actuels et futurs de l’Algérie en matière de main-d’œuvre qualifiée « . L’on apprend, lors de l’examen du secteur par le président de la République en septembre dernier, que le nombre de formations manuelles offertes a été haussé à 80 pour cette année. Le président a aussi eu à aborder le sujet de la formation continue des travailleurs, parent pauvre de la formation en Algérie. 192 000 travailleurs ont subi ce genre de formation spéciale et, d’après le programme tracé pour les prochaines années, cent mille autres travailleurs vont en bénéficier. Car, la spécificité du chômage en Algérie, comme ont eu à le souligner des études économiques, est qu’il est principalement généré par un énorme déficit de qualification. Ce phénomène a été particulièrement mis à nu depuis l’ouverture de notre économie sur le marché et l’initiative privée. Des entreprises passent des mois, parfois des années, à chercher des détenteurs de métiers d’exécution (chauffagistes, charpentiers, électriciens bâtiment, chefs d’équipes, contre-maîtres dans un quelconque métier) sans être récompensés en retour. Des offres d’emploi se répètent indéfiniment dans les journaux sans que des ouvriers spécialisés de qualité ou des agents maîtrisant parfaitement leur activité soient dénichés. Là se pose avec acuité le problème de la qualité de l’enseignement reçu dans les centres de formation, sachant que des dizaines de centres sont parfois démunis du minimum d’équipement ou outillage didactique nécessaire à une solide formation.

Dans le cadre de la loi de Finances 2009, il est alloué au ministère de la Formation professionnelle une enveloppe financière de 23 milliards de dinars (crédit annuel d’équipement) et un montant de 26 milliards de dinars au titre du budget de fonctionnement. Le nombre d’établissements de formation a plus que doublé entre 1999 et 2008. Il est passé de 492 à 1.035, en attendant la livraison de 116 autres unités en cours de réalisation. Le nombre d’élèves-stagiaires pour la rentrée de cette année est évalué à 650 000 (dont 200 000 nouveaux), nombre auquel s’ajoute les 40 000 élèves qui suivent une formation dans les 537 établissement privés de formation professionnelle. Les capacités d’hébergement sont de 45 000 lits, alors que le nombre d’enseignants exerçant dans ce type d’établissement est aujourd’hui de 13 400.

Un volet primordial dans la promotion de l’emploi

L’on ne peut focaliser les regards sur la réhabilitation des valeurs du travail, l’insertion dans l’économie mondiale et la recherches de politique alternative à la rente pétrolière sans prendre en compte le volet de la formation qui est considérée aujourd’hui de par le monde comme une condition sine qua non de tout progrès économique et social. Au lieu qu’elle soit un choix dicté par les préférences d’un cycle court ou par des prédispositions et aptitudes particulières- comme cela se passe dans les autres pays du mode-, la formation professionnelle en Algérie est vécue plutôt comme un moindre mal par rapport à l’exclusion scolaire et un morose stand-by avant le service national et l’âge adulte. Il faut dire aussi que cette médiocrité et cette faillite sont les conséquences d’un système rentier qui avait plutôt besoin d’un personnel docile que d’un personnel qualifié. Aujourd’hui, les données sont en train de changer radicalement. Face à une vague sans précédent de techniciens, personnels d’exécution, cadres et même ouvriers étrangers ramenés ou recrutés par les sociétés étrangères travaillant en Algérie (chantiers des bâtiments, de l’autoroute, des barrages, du tramway,…), les responsables de la formation sont plus que jamais interpellés pour révolutionner le secteur par de nouvelles méthodes de formation et une nouvelle pédagogie qui allient la nécessité de qualification aux besoins de l’économie nationale. Les analystes nationaux et les institutions financières internationales ont acquis la conviction que l’Algérie bénéficie actuellement de circonstances financières exceptionnellement favorables pour relancer son économie sur une base plus juste et plus rationnelle. Les rigueurs de l’orthodoxie financière- issue des conditionnalités du rééchelonnement de la dette extérieure au milieu des années 1990- et les réserves de change générées par les exportations pétrolières bien cotées au cours de ces quatre dernières années sont indubitablement des facteurs encourageants pour sortir de l’underground de l’informel et pour encadrer les nouvelles transformations économiques dans le sens de meilleurs investissements créateurs d’emplois, de pertinentes lois sociales libératrices d’initiative et porteuses de dignité humaine et, enfin, de développement durable, concept moderne impliquant une symbiose entre l’homme et la nature.

Des choix difficiles

La création de l’emploi en Algérie a connu un premier bond avec la mise en œuvre du PSRE (Plan de soutien à la relance économique) à la fin de l’année 1999. Alors que le taux de chômage était à la fin du siècle dernier de 30 % de la population active, il a pu redescendre jusqu’à 15 % au moment où le PCSCE (Plan complémentaire de soutien à la croissance) a été conçu, c’est-à-dire en 2005.

Les chiffres du chômage de 2008 donnent un taux de 12 % de la population active. Il y a deux semaines, ce chiffre a été révisé à la baisse par le directeur de l’ANEM. Mais, il y a lieu de noter que ce taux est gonflé par l’emploi temporaire et les différents dispositifs sociaux destinés aux jeunes chômeurs. Certains analystes font monter le taux de chômage, en excluant les dispositifs sociaux d’emploi, jusqu’à 30 % de la population active. Donc, sur le plan de la stricte logique économique, il importe de prendre ces chiffres avec des pincettes. En tous cas, d’autres indices de mal-vie et de chômage sont connus dans notre pays en dehors des seuls chiffres de l’emploi. La violence sociale, la ‘’harga’’, le suicide,…ne sont pas tout à fait étrangers au phénomène du chômage et du désœuvrement même si d’autres éléments de la crise sociale et culturelle viennent s’y greffer.

Sur le plan politique et institutionnel, il est généralement établi que les données les plus déterminantes qu’un gouvernement se doit d’intégrer dans sa stratégie de gestion est, sans aucun doute, la situation de l’emploi. Facteur de cohésion sociale et de dignité individuelle, le travail constitue la véritable, sinon la seule source de richesse des ménages, des nations et des peuples. Les risques qui pèsent actuellement sur l’emploi sont induits par l’éventualité d’une remise en cause des financements des grands projets initiés dans le cadre du quinquennat en cours.

Ahmed Ouyahia, vient, certes, de rassurer les populations quant à l’impact de la crise sur l’économie algérienne. Cependant, le même Ouyahia n’a pas manqué de mettre à l’index les travers et les dysfonctionnements de l’économie nationale qui risquent, s’ils ne sont pas neutralisés dans le cours terme, mettre en péril le processus d’investissement et la création d’emploi.

Les investissements publics- dans le cadre de la politique de la mise en place des grandes infrastructures et de lourds équipements- ne peuvent pas assurer éternellement l’emploi. Ils sont destinés à faciliter l’accès à l’investissement privé (tissus conséquent de PMI/PME) lequel, à son tour, générera les véritables emplois permanents. La logique économique actuellement adoptée par la quasi-totalité des pays qui cherchent à enrayer, ou, à tout le moins, réduire l’ampleur du chômage, consiste dans la création d’un dense tissus de petites et moyennes entreprises orientées préférentiellement vers la fabrication de semi-produits ou de produits finis. Ces entreprises sont assistées sur le plan fiscal et sur le plan d’accès au marché extérieur de façon à ce qu’elles puissent exporter une partie de leurs produits.

La qualification et la compétence, clefs de la réussite

Le défi qui se pose aux responsables et décideurs du pays en vue de créer une adéquation entre les besoins de l’économie et le système de formation est de créer un cadre institutionnel et pédagogique idoine pour former les techniciens et les cadres dont aura besoin l’économie nationale dans quelques années, économie soumise à rude épreuve par les impératifs de productivité, d’efficacité technique et d’innovation ainsi que par la mondialisation des échanges de plus en plus offensive.

Pour réussir un tel pari, les réformes de l’enseignement ne pourront plus se limiter aux établissements gérés par le ministère de l’Éducation (école primaire, collège et lycée), mais devraient englober- par une vision stratégique d’articulation et de juxtaposition des synergies-les différents secteurs qui concourent à cet objectif et l’ensemble des segments de la formation, qu’ils soient pilotés par l’Éducation nationale, l’Université, les Instituts relevant des autres départements ministériels ou par la Formation professionnelle. C’est dans le cadre de cette politique de complémentarité et d’intégration que l’Enseignement technique a fait l’objet en 2006 d’un repositionnement le faisant passer de l’Éducation nationale vers la Formation professionnelle.

L’effort de la collectivité a hissé la Formation professionnelle en un secteur stratégique de premier plan. Le ministre en charge de ce département, El Hadi Khaldi, révéla, à la fin de l’été dernier, le chiffre de la croissance des capacités d’accueil des différents centres du pays. Par rapport à 2007, l’offre en formation professionnelle a progressé de 19%, atteignant ainsi, pour l’ensemble du territoire national et toutes formules confondues, quelque 188 000 postes. Il demeure évident que l’offre, particulièrement dans un domaine aussi sensible et aussi délicat que la formation, ne saurait se réduire à la seule infrastructure, à la bourse ou au pensionnat. L’offre, c’est aussi et surtout le niveau de formation, son degré d’insertion dans le monde du travail et les moyens pédagogiques mobilisés pour ce grand dessein. N’avons-nous pas vu des ateliers d’apprentissage électronique complètement dépourvus de matériel adéquat ? L’administration publique n’emploie-t-elle pas des agents de saisie et des informaticiens qui découvrent pour la première fois la forme de l’écran d’ordinateur ?

Le ministère de tutelle a établi ces chiffres de la croissance de l’offre sur la base des propositions des différents acteurs au niveau des wilayas (entreprises, administrations, artisanat,…). Cela permet, en premier lieu, de cerner les besoins réels de différents corps de métiers, et ensuite de cibler les qualifications appropriées.

Une formation en manque d’intégration

Cependant, si, jusqu’à ce jour, la formation professionnelle en Algérie n’a pas bénéficié des avancées et performances telles qu’elles sont vécues en Europe ou en Amérique du Nord depuis près d’un siècle, la faute ne revient ni aux candidats à l’apprentissage ni aux moyens financiers, colossaux mobilisés pour ce secteur. L’ancien système économique, basé exclusivement sur la rente pétrolière a, comme dans l’enseignement général, nivelé par le bas la connaissance et le savoir. Résultat : la critique et les griefs ne viennent pas seulement de la presse ou de la société ; ils sortent de la bouche de El Hadi Khaldi lui-même :  » ce secteur offre à la société un produit périmé qui ne trouve pas d’acquéreur sur le marché du travail « . Peut-on avoir meilleure sentence que cette formule ramassée et lapidaire par laquelle le ministre a voulu, lors d’une visite à Ouargla en mars 2007, attirer l’attention des différents acteurs sur la décrépitude d’un secteur dont la jeunesse et toute la société attendent beaucoup de choses pour insérer, dès l’adolescence, les jeunes dans le monde du travail et de la production et leur faire éviter, du même coup, les déviations et les maux sociaux qui les guettent à chaque coin de rue.

La première question qui se pose à l’esprit devant une actualité problématique de la formation professionnelle est celle-ci : comment gérer cette évidente et amère contradiction, à savoir une offre qui augmente de 19% et le caractère ‘’périmé’’ du produit qui en sort ? En tout cas, le produit qui en sort offre une image peu adaptée aux exigences de l’économie algérienne moderne. Cette dernière, même si elle est en voie de formation, commence déjà à montrer son impatience de bénéficier des ressources humaines les plus aguerries. Ses structures (entreprises privées ou publiques, ateliers, usines, chantiers de construction) réclament des ouvriers spécialisés, des conducteurs de travaux, des charpentiers,…que le secteur de la Formation professionnelle n’a pas su mettre à leur disposition, du moins en qualité et en nombre suffisants.

Amar Naït Messaoud

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