“Des enfants sont utilisés par leurs parents…”

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Dans cet entretien, M. Tigha, directeur de l’action sociale à Tizi-Ouzou, revient sur la journée de l’information contre le travail, organisée hier, et sur les voies et moyens d’endiguer le phénomène en Algérie, plus particulièrement dans la ville des Genêts.

La Dépêche de Kabylie : Qu’est-ce qui a motivé l’idée d’organiser une journée contre le travail des enfants ?

M. Tigha : Cette journée entre dans le cadre d’une campagne nationale de sensibilisation contre le travail des enfants qui s’étalera sur un mois. C’est plus une action intersectorielle qu’un mouvement associatif crédible. Pour notre wilaya, la programmation d’une telle journée est une bonne opportunité pour discuter d’un tel sujet. Plusieurs directions participent à cette journée à l’image de la DAS, de la santé, de l’Inspection du travail… des secteurs qui ont une responsabilité dans la prévention contre ce phénomène. Il y a eu des exposition de différentes structures de prise en charge de l’enfance et d’association, qui activent dans le domaine pour expliquer les raisons du phénomène. Je dois dire que le travail des enfants en Algérie n’atteint pas encore un seuil important comparativement aux autres pays.

Justement, comment estimez-vous l’ampleur du phénomène à Tizi-Ouzou?

Selon les communications présentées à l’association par les différentes parties, le phénomène n’est pas tellement important dans notre wilaya. En ce qui concerne les activités de la DAS et du Samu social, nous avons fait un travail de trois mois, où nous avons pu identifier une dizaine d’enfants issus des familles très démunies originaires de certaines localités telles que Oued Aïssi, Drâa Ben Khedda ou encore Draâ El Mizan. Ces enfants sont utilisés par leurs parents et quelques proches pour quémander.

Justement, la mendicité, on le constate à Tizi-Ouzou, “absorbe” plusieurs enfants qui s’y adonnent presque quotidiennement, qu’en pensez-vous?

Non ! Par rapport à d’autres régions, je dois dire que le phénomène n’atteint pas des proportions graves, le problème qui se pose est que ces enfants sont utilisés par leurs proches…

Et le rôle de l’Etat…

La contribution de la cellule familiale est indispensable pour que l’arsenal juridique puisse être renforcé selon les recommandations de la journée d’aujourd’hui.

Lors de votre intervention, vous avez analysé les causes du phénomène en mettant en exergue le volet social. Pensez-vous que la situation sociale d’une famille puisse la pousser à “ faire travailler” ses enfants?

Absolument ! La situation sociale et familiale peut, selon les conclusion de notre travail sur le terrain, influencer sensiblement le processus qui conduit l’enfant au marché du travail. Le volet économique est donc un élément important dans l’équation, cela n’empêche pas certains d’utiliser et de profiter de la misère des uns et de la générosité des autres pour s’enrichir.

Dans cette campagne de prévention contre le travail des enfants, les acteurs économiques sont-ils associés à la démarche ?

Oui, surtout que le représentant de l’Inspection du travail a souligné clairement que les opérations de contrôle se font régulièrement afin d’empêcher le recrutement des enfants de moins de 18 ans.

Si, pour les garçons, le CSR de Boukhalfa se charge de la prise en charge des cas en danger moral, qu’en est-il pour les filles ?

Les chiffres recueillis après l’établissement de la carte sociale de la wilaya indiquent que le nombre de filles est vraiment minime par rapport aux garçons.

Il est prévu la création d’un autre établissement pour la prise en charge des jeunes de 6 à 11 ans en danger moral, c’est un CSP (Centre spécialisé de protection). En même temps, il est prévu la mise en place d’une section pour les filles des sections de jour. On a pris en charge 128 enfants en difficulté sociale. Il est également prévu, dans le cadre du Plan quinquennal 2009-2013, la création de deux antennes à Tigzirt et à Drâa El Mizan pour la prise en charge de cette frange juvénile

Et pour ceux dont l’âge dépasse 18 ans ?

C’est là une question pertinente. Notre rôle est également d’aider à leur insertion. On n’a jamais dit que nos établissements sont fermés à cette frange. Notre mission est de les insérer avant cet âge. Le travail des enfants est une résultante de sa mauvaise prise en charge. S’il est mal pris en charge, il sera orienté vers le travail ou pire vers des fléaux sociaux.

Que préconisez-vous pour endiguer définitivement le phénomène ?

Je pense que le rôle de l’école est très important. La famille aussi ne doit pas délaisser le côté éducatif, elle doit s’inquiéter des absences répétées des enfants, les suivre dans leurs cursus scolaires. Ces journées sont d’antant plus intéressantes qu’elles permettent de cerner la question, de proposer des solutions. Nous envisageons, dans les quelques mois à venir d’autres rencontres pour évaluer le travail qui a été fait. S’inscrire dans la continuité est à notre objectif.

Propos recueillis par A. Z.

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