(3e partie)
Le visage plein de sang, la fille court avertir sa mère du malheur qui lui est arrivé. Folle de rage, elle alla aussitôt voir son mari et exiger de lui de la vendre dès le lendemain au marché.L’homme n’étant au courant de rien, croit ce qu’elle lui dit. Une vache aussi hargneuse que celle-ci, vaut mieux s’en débarrasser. Prenant un coin du marché, il attend les acheteurs potentiels, mais personne ne vient lui offrir le moindre prix. A la fermeture du marché, il ramène la vache chez lui.En le voyant précédé de la vache, sa femme pique une crise de nerfs et lui dit : “Demain tu la ramèneras dans un autre marché, tu la vendras même à vil prix, mais je ne veux plus d’elle ici !”. Mais pendant une semaine, la vache n’a pu être vendue. Déterminée coûte que coûte à se débarrasser de la vache, la marâtre cherche une idée. Le jour suivant, quand la vache est présentée aux acheteurs, un homme se présente à lui et la lui achète sans même marchander. Il est enfin heureux de cette vente. Sa femme va maintenant le laisser tranquille. Mais, ce qu’il ignore le pauvre, c’est que l’acheteur de tout à l’heure n’est autre que son épouse déguisée. La marâtre déguisée emmène la vache directement chez un boucher et lui demande de l’égorger et de la vendre à son compte. En apprenant la terrible nouvelle, le frère et la sœur sont paniqués. Avec la perte de la vache, ils ne pourront plus rien manger. La marâtre a trouvé le moyen de les tuer sans même être soupçonnée. Aussitôt, ils se rendent sur la tombe de leur mère. Le garçon lui dit :“A Yemma idhra oukheçarThafounasth enni igh-d djidhAtsan izlats oug’ezarLih’ala negh la thetsghidhThamenvavats oud’em n charIfghits laâqel irekvits içidh(Mère, un grand malheur est arrivéLa vache que tu nous as laisséeA été égorgée et vendue par le boucherNotre situation laisse à désirerLa marâtre au cœur de pierreA perdu la raison, elle est enragée !)D’outre-tombe, l’âme de la mère tressaille d’entendre de si mauvaises nouvelles. Après un bref instant de silence, la voix de leur mère se fit entendre et leur dit :Rouh’eth ar oug’ezar agiInthas aound ifk akarchiou nèsSmireth f-ouz’oukkaou ig lan d’ges !(Allez voir le boucherDites-lui de vous donner la panseEt versez sur ma tombe son contenu !)Le frère et la sœur se rendent chez le boucher et lui demandent gentiment la panse de la vache pour la laver de son contenu et ne réclameront aucun prix. Le boucher, heureux de trouver quelqu’un pour faire à sa place la corvée, la leur remet. Après avoir versé le contenu sur la tombe, ils passent à la rivière et la lavent avec minutie et la remettent ensuite au boucher qui est content du travail accompli.Quelques jours plus tard, sur la tombe de la mère, le contenu de la panse devenu fumier, deux roseaux ont poussé. Le premier contient du miel et le second du beurre. Dès que les deux enfants s’approchent d’eux, la voix de leur mère les invite à les sucer.La marâtre qui leur donnait peu à manger, s’attendait à les voir mourir d’inanition (si char), les voit au contraire embellir et grandir. Ils s’offrent même le luxe de refuser la galette rassie et les figues pourries qu’elle leur tend en présence de leur père, pour lui faire croire que tout le monde est soumis au même régime.
Lounès Benradjdal (A suivre)
