Villas, bistrots, mariages, euros et misère

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Cité parallélipipédique où le quotidien s’effondre dans les ornières poussiéreuses, tandis que crevant les décors, un rodéo de voitures de luxe, dans une mise en scène impeccable, traversant le vieux fort Napoléon datant de 1857, aujourd’hui réduit à néant. C’est là aussi que cette cité, ville au regard délavé par les temps, a élevé un rempart entre elle et ceux qu’elle marginalise. Un étranger se rendant pour la première fois dans cette localité, remarquera d’emblée qu’il s’agit d’une région à forte émigration, principalement de première génération. Cela se remarque d’une part à travers la multitude de voitures dernier cri ou immatriculées en Europe, particulièrement en Hexagone. D’autre part nul ne peut passer sans être attiré par toutes ces constructions à la fois immenses et somptueuses, et ne sont habitées qu’en cette période de vacances. Mais ce qui attire aussi le plus dans le chef-lieu, ce sont les cafés ultra-modernes qui poussent à chaque coin de rues comme des champignons. Durant toute la journée, ils sont constamment bondés de monde, consommant sans faire attention au porte monnaie, café, boissons rafraîchissantes, gâteaux etc… Les jeux de cartes ou de dominos ne sont l’apanage que de certains établissements, lieu de prédilection de nos vieux retraités. A Larbaâ Nath Irathen, ces derniers temps, le commerce est devenu florissant. Tout se vend ou s’achète, mariages bruyants et coûteux obligent. L’été à Larbaâ Nath Irathen est surtout synonyme de mariages qui se succèdent chaque week-end, des fois pendant toute la semaine. Les samedi et dimanche y sont privilégiés. Si cette année, le nombre de mariages est en déclin, par rapport, d’il y a deux ans, il n’en demeure pas moins que leur bruit n’a pas baissé d’un décibel. Des cortèges incessants défilent à travers les routes mal en point de la commune. Depuis quelques années, on s’est habitués à la tournée de la mariée qui consiste l’emmener à faire un tour d’honneur en traversant la ville de rempart en rempart. Alors, les cortèges se croisent dans un assourdissant bruit de klaxons et de youyous. Au croisement des voitures nuptiales, les nouvelles mariées se jettent à travers les vitres des regards qui en disent long. Si la longueur du cortège importe peu, la voiture de la mariée est souvent choisie parmi les grosses cylindrées. Le traditionnel accoutrement de la mariée (haïk, foudha…) a disparu et a laissé place au voile. Mais on assiste parfois, à Fort-National, à de réelles extravagances. Jugez-en ! La mariée est dans une voiture décapotable avec son bien-aimé et deux demoiselles d’honneur. La mariée porte une incroyable robe de bal dessinée par Gérard Pipart. Un chapeau de Jean Barthet au large bord, couvert de cerises et le traditionnel bouquet. Le marié, lui, adopte un blazer de chez Dior sur un pantalon et des mocassins blancs. Devant et derrière la voiture, une foule de photographes et de cameramen. “Tous ces cortèges sous leurs apparences” bon chic, bon genre, ils restent une plaie nous dit avec un air pincé un dignitaire de la cité, habitué de l’une des artères de la ville. “La moindre fête de nos jours peut facilement revenir à 50 millions de centimes en ajoutant “que les gars sachent que ce qui importe c’est la paix (l’hna) c’est tout. Tout ce que nous voyons devant nous n’est que du superflu” si la plupart des comités de villages tendent à imposer une certaine limite (réduction du nombre d’invités et du trousseau de la mariée) à l’image du grand village de Taourirt Amokrane dans la même commune, il est quasiment impossible de mettre un frein à certaines habitudes indélébiles. On pourrait peut-être un jour imaginer l’organisation d’un mariage collectif à LNI, comme cela se fait dans d’autres régions du pays. Un bureau qui sera érigé spécialement à l’APC, s’occupera de recenser tous les futurs mariages. Ces derniers seront célébrés collectivement, moyennant une participation financière qui ne dépasserait pas les 5000 dinars par couple. Cela permettrait à beaucoup de jeunes, notamment ceux dépourvus de moyens de se trouver des dulcinées avec lesquelles ils s’uniraient pour le meilleur et pour le pire. Ce n’est pas pour demain.. vu les circonstances dans la commune, mais il n’est pas interdit de rêver.

S. K. S.

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