9 500 cas de femmes violentées en 2008

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La violence contre les femmes ne cesse ces dernières années de prendre des proportions alarmantes dans la société algérienne. La gent féminine subit la violence même au sein de son domicile qui devait lui fournir la sécurité et la protection. Mais hélas, nombreuses sont les femmes qui sont violentées par leurs propres pères et frères et même par des étrangers. La Journée internationale de la femme, qui coïncide avec le 8 mars de chaque année, représente la seule journée où l’on rend hommage à la femme, alors que le monde entier l’oublie durant toute une année. L’Algérie célèbre cette journée dans un contexte caractérisé par un accroissement de ce phénomène. La violence sous ses différentes formes, qu’elle soit conjugale, sexuelle ou autre, est un acte abominable que subit la femme généralement en silence.

A noter que la violence entraîne toujours des conséquences dramatiques sur la santé aussi bien physique que mentale de la victime. Ce phénomène peut aller même jusqu’à détruire l’avenir socioprofessionnel de la femme, pour ne pas dire son avenir tout entier.

Des victimes pour soulager les douleurs des auteurs

De l’avis d’une psychologue, les femmes battues ou maltraitées souffrent de différents troubles psychiques, à savoir troubles du sommeil, de l’alimentation et troubles émotionnels et de dépressions nerveuses.  » Après avoir été maltraitées, malmenées et battues, ces femmes se sentent dépourvues de leur dignité « , dira la psychologue. D’après elle, il existe plusieurs facteurs qui poussent les hommes à s’acharner sur la gent féminine. L’enfance de cet homme peut être la cause de sa violence.  » Durant son enfance, il a probablement grandi dans un milieu où le père ne respecte pas sa femme en la tabassant devant son enfant ou en tabassant ses sœurs devant lui « , explique-t-elle. Elle enchaîne que  » l’enfant qui a été battu par son père devient violent en grandissant.” “Les maux sociaux peuvent aussi conduire les hommes à être plus violents « , a-t-elle ajouté. Selon la même source, « cette violence trouve son origine dans la situation économique, le chômage, les psychotropes, la crise du logement…. « .

Nombreuses sont les femmes qui se rapprochent de la police pour déposer plainte, mais elles n’y retournent jamais pour déposer le certificat de maladie comme on le leur demande au commissariat. La femme ne peut pas briser le silence car la société algérienne tient les femmes victimes de la violence pour principales responsables de leur sort. La violence en milieu familial est à l’origine de la fugue de plusieurs filles. Mais une fois à la rue, ces dernières seront exposées à toutes sortes de dangers. Elles seront par la suite victimes de violence par les étrangers. Ces derniers ne seront pas moins agressifs que leurs pères et frères.

La violence contre les femmes en hausse

Les statistiques 2008 inquiètent de plus en plus la société civile. Ces statistiques données par la police judiciaire ont révélé qu’il a été enregistré 9 500 cas de femmes victimes de violence en 2008 contre 8 277 victimes en 2007. Sur les 9 500 femmes battues, 6 180 de cas ont subi des sévices corporels, 280 ont subi des harcèlements sexuels.

Outre cela, la police judiciaire a fait état également de 2 805 cas de maltraitance, 226 cas de harcèlement et 9 cas d’homicide.

Les mêmes statistiques précisent que la violence conjugale est estimée à 1 505 cas, dont les cas de violence commis par les frères passent en tête avec 360 cas, 287 cas de femmes battues par leurs propres fils, 305 par leurs amants et 78 cas de femmes victimes de violence par les pères.

A Alger-Centre, la police judiciaire compte 1780 cas de violence à l’égard de la gent féminine, 680 cas à Oran, et 587 cas à la wilaya d’Annaba, a-t-on appris auprès de la police judiciaire. Ces chiffres rendus publics par la Direction de la police judiciaire (DPJ) sont malheureusement encore loin de la réalité, car seuls les dépôts de plainte sont comptabilisés. Du fait qu’elles sont nombreuses, les victimes ne se rapprochent pas de la police pour dénoncer leurs bourreaux, sous le poids de la peur et des interdits de la société.

Un avocat nous a expliqué que la violence verbale est la plus dangereuse par rapport aux autres cas de violence, car la victime n’a aucune preuve pour déposer plainte.

Pour la violence conjugale, les femmes battues par leurs conjoints ne se rapprochent pas de la police et elles n’essayent même pas de briser le silence par crainte du rejet familial et des représailles, tandis que d’autres ne le font pas pour conserver leurs familles. En faisant cela, les femmes victimes de violence pensent à l’intérêt de leurs enfants en premier lieu et parce qu’elle n’ont pas où aller avec leurs enfants et aussi de peur qu’elles se retrouvent dans la rue.

Difficile encore de briser le silence

Des associations féminines et des cellules d’écoute existent en Algérie, mais bon nombre de femmes évitent de déposer plainte contre leurs bourreaux de peur de représailles.

Nous avons pu rencontrer un nombre de femmes victimes de violence, qui nous ont ouvert leurs cœurs et livré leurs témoignages. Nadia, âgée de 19 ans, nous a ouvert son cœur et partagé avec nous ses peines en nous relatant son histoire.  » J’ai trois frères et je suis la fille unique, mon histoire a commencé quand j’ai eu mon bac, mes frères ne voulaient pas que je mette les pieds à l’université sous prétexte que c’est un milieu non respectueux. Mais heureusement que mon père n’était pas tout à fait d’accord avec eux. Je subissais tous les jours un interrogatoire du matin au soir. Ils n’ont jamais accepté l’idée que j’aille à l’université. Ils me battent pour n’importe quelle raison pourvu qu’ils se vengent. Un jour, mon frère a inventé une histoire en disant à mon père qu’il m’a vu monter dans une voiture avec un étranger. Je n’ai pas remis les pieds à la fac depuis ce jour-là. Ils ont abusé de ma faiblesse et la faiblesse de ma mère pour être entièrement à leur service à la maison comme une esclave et non comme un membre de leur famille « , a ajouté Nadia d’un ton assez triste. Quant à la violence sur ascendant, Fadila, âgée de 45 ans, mère de quatre garçons et une fille, nous confie son histoire. « Mon fils aîné me bat régulièrement, cela dure depuis qu’il est au chômage, mais je ne peux pas le dénoncer, je crains qu’il ne soit placé en prison. Mon mari me tabasse souvent, sans aucune raison précise. Il me donne des coups de pied et de poing partout. Je souffre et j’ai peur pour mes deux enfants car je deviens de plus en plus dure avec eux à cause du comportement de mon mari. Je ne peux pas le dénoncer car, chez nous, le divorce demeure toujours une honte pour la famille. » Ce sont là les propos de Safia qui souffre de dépression nerveuse suite au comportement de son mari qui lui avait auparavant promis une belle vie.

Ces victimes-là et plusieurs autres se demandent si un jour la femme parviendra à vivre dans la paix et à avoir ses droits, car la femme algérienne, quelle que soit sa place dans la société, a toujours vécu dans l’angoisse, la peur et la  » hogra « . Mais nonobstant tout cela, il lui reste à espérer qu’il viendra le jour où elle sera bien honorée et respectée par son entourage.

Lemya Ouchenir

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