Plongée au fin fond des camps de réfugiés sahraouis

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Le nouvel envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU au Sahara occidental, Christopher Ross, y est également attendu ces jours-ci. Après quatre heures de vol nous voilà enfin à l’aéroport de Tindouf. Après les formalités d’usage, notre équipe embarque à bord d’un autobus pour rejoindre Smara, un camp de réfugiés sahraouis situé à 50 km. La circulation est fluide, à « Smara » la température est brûlante dans la journée, même durant ces journées hivernales. Des organisateurs nous conduisent vers une vieille bâtisse, « c’est le siège de la wilaya de Smara », nous explique un habitant. Un laps de temps s’écoule un autre organisateur revient pour nous demander de nous constituer en groupes de cinq personnes chacun afin de nous répartir pour l’hébergement entre les foyers Sahraouis. Les représentants des ONG (Organisation non gouvernementale) ont été accueillis et hébergés dans les mêmes conditions. Les Sahraouis ont une attitude particulièrement amicale envers les Algériens au vu de leur position à leur cause « l’Algérie a été toujours présente quand il s’agit de plaider une cause noble, notamment son soutien inconditionnel à la cause du Polisario », exprime un Sahraoui rencontré sur les lieux. Sans difficulté particulière de communication les Sahraouis parlant el hassania mélange d’arabe et de berbère, notre équipe a tissé des liens avec les réfugiés sahraouis, ces derniers nous ont invité à siroter du thé trois au minimum, tout en discutant de leur quotidien. « Ici dans le camp de Smara vivent plus de 30 000 personnes, les jeunes sont majoritaires, les femmes veillent sur les foyers, les hommes se chargent de la nourriture et de tout le reste » nous explique Aaidati un soldat du Front Polisario.

Qui sont les réfugiés sahraouis ?

La plupart des réfugiés sahraouis ont fui la répression accompagnant l’invasion de l’armée marocaine au Sahara Occidental, juste après la Marche verte. La majorité a donc rejoint les camps vers la fin des années 70, terrorisés et torturés par les forces marocaines. Il y a eu également des déportés, selon quelques témoignages récoltés auprès des réfugiés. Enfin, il y a eu également la vague de jeunes Sahraouis lesquels ont découvert le sentiment révolutionnaire au milieu des années 80, et qui ont rejoint le Front Polisario.

Certains d’entre eux n’ont pas vu leurs familles depuis le début du conflit en 1976, à l’exemple de Limam militant de la cause sahraouie, âgé aujourd’hui d’une soixantaine d’années, il nous parle de son malheur en fulminant « je n’ai pas revu ma famille depuis trente-trois ans, j’ai demandé plusieurs fois un laisser-passer pour pouvoir les rejoindre mais en vain. Les réfugiés n’ont pas le droit de rester plus de cinq jours sur les terres occupées ». En fait, en dépit de ces va-et-vient limités, il faut le signaler, le contact entre les familles n’a jamais été vraiment rompu. Après une première période de rupture totale (durant la guerre), il y a eu des courriers, avant l’ouverture des lignes téléphoniques (mobile).

Du côté de Tindouf, des quartiers de tentes

Les camps de Tindouf sont au nombre de cinq, tous portent des noms de villes du Sahara Occidental occupées actuellement par l’état marocain : Rabouni et El Ayoune (40 km de Tindouf), Smara, Aousserd et Dakhla (170 km de Tindouf). Chaque wilaya se compose de plusieurs arrondissements (daïra), qui sont à leur tour divisés en quartiers. Le quartier est en fait un ensemble de tentes. Chaque arrondissement a un chef, un encadreur, un secrétariat et des commissions, exclusivement féminines, chargées de la gestion, au quotidien, des camps. Il y a, par exemple, celles de l’alimentation, sanitaire, l’éducation, etc. Le wali est généralement membre du bureau politique, le mouhafed de la wilaya est le chargé de la sécurité et des renseignements. Concernant la santé, chaque arrondissement (daïra) a son propre centre sanitaire. Il y a également les hôpitaux centraux des wilayas, au nombre de cinq « tous les soins sont gratuits, il y a même ceux qui sont dirigés vers l’hôpital militaire de Aïn Naadja à Alger si leurs cas le nécessite », nous a éclairés Limam, un assistant du médecin à l’hôpital de Rabouni. Chaque daïra dispose d’une école, d’une garderie ou d’un jardin d’enfants. Il y a également les écoles nationales comme celle du 9-Juin, du 12-Octobre… Certaines sont semi-militaires. L’arabe et l’espagnol sont les langues officielles de la République sahraouie. Les écoliers sahraouis sont invités par des familles d’accueil espagnoles durant leurs vacances. Dyana, une écolière nous apprend qu’elle passe chaque année ses vacances en Espagne dans une famille d’accueil. Le collège et les études secondaires se font généralement dans des écoles algériennes. Les bacheliers sahraouis sont admis à poursuivre leurs études supérieures au sein des universités algériennes et libyennes, d’autres pays contribuent également avec quelques places pédagogiques à l’exemple de l’Espagne et de Cuba. Les étudiants sahraouis peuvent résider loin de chez eux plus de 16 ans, avant de rejoindre les camps ou une représentation du Front à l’étranger.

Dakhla a fêté le 27 février

De Smara à Dakhla, il y a environ 200 km, notre équipe monte à bord d’un 4X4 Nissan, on nous distribue des bouteilles d’eau. Il règne une chaleur caniculaire, un organisateur nous annonce que le départ vers Dakhla se fera à 17 h, c’est-à-dire une demi-heure plus tard. Les véhicules et les autobus sont alignés formant un cortège qui s’ébranle dans les champs sahariens déserts, caillouteux ou sablonneux, les manœuvres brutales du chauffeur brinquebalent, tout le long du voyage, les passagers, certains d’entre eux ont même manqué de vomir.

Notre cortège s’arrête à Dakhla à 0h, les youyous lancés par les femmes sahraouies nous accueillent. Après avoir conduit les hôtes à leurs lieux d’hébergement, le douar retrouve enfin son calme, dans l’attente des festivités du 33e anniversaire de la proclamation de la République arabe sahraouie.

Le lendemain, notre équipe est sortie pour découvrir ce camp de réfugiés sahraouis, afin de découvrir le quotidien de cette société déracinée par les Marocains, il y a déjà plus de trente ans. Au cours de notre randonnée une bande d’enfants nous accoste, “Ola” nous saluent-ils (salut espagnol), pensant que nous sommes Espagnols ou (Nasrani), comme ils surnomment les étrangers, on leur apprends que nous sommes des journalistes algériens. « Vous êtes nos frères alors », lâche l’un d’eux. Le 27 février, la matinée semble bien animée, les habitants de la wilaya de Dakhla se sont rassemblés dans la cour de la wilaya, dite (Al Minassa) l’estrade, pour observer les défilés organisés à l’occasion de la 33e commémoration de la proclamation de la RSDA, en présence du président de la République sahraouie Mohamed Abdelaziz. Les manifestations débutent par un défilé des élèves de l’école militaire qui exécuteront quelques exhibitions suivis par les Scouts sahraouis et des infirmières. Sous les chants sahraouis, des danses sahraouies sont exécutées par les femmes sahraouies, avant de terminer par l’allocution du président Mohamed Abdelaziz lequel a exhorté, durant tout son discours, à préserver la cause du Front Polisario. « Notre nation s’unifie chaque jour davantage pour montrer aux Marocains que nous sommes un peuple capable de regagner son droit, aliéné il y a plus de trente ans », martèle-t-il. Durant le discours les femmes n’ont pas cessé de lâcher des youyous suivis des slogans hostiles à l’état marocain.

Tout le monde solidaire avec les sahraouis

A El Ayoun, au cours de la semaine des préparatifs de la célébration du 27 février, étaient présents plusieurs participants venus des quatre coins du monde : Espagne, Cuba, Suède, Angleterre, Canada, Brésil…apportant ainsi leur soutien aux réfugiés sahraouis. Plusieurs festivités culturelles et sportives étaient également au programme. Les marathons organisés ont vu la participation de plus de 500 coureurs.

M. Andrea, professeur à l’université de Rome, en compagnie d’une équipe de jeunes Italiens, a organisé un match de foot face à une équipe sahraouie, « cela fait partie de nos actions de solidarité avec le peuple sahraoui », déclare M. Andrea, « nous, nous sommes aussi venus pour prendre en charge les malades mentaux sahraouis, nous leur offrant une prise en charge pour être soignés en Italie », a-t-il expliqué. Une forte présence des Espagnols était remarquée même si l’état espagnol est connu pour ses positions promarocaines.

Cette année, c’est les élus français qui ont affiché leur soutien à la cause sahraoui, s’opposant à la politique de leur gouvernement à l’égard de cette question, de ce fait une importante délégation a sillonné les camps de réfugiés, son objectif étant de transmettre le cri des réfugiés sahraouis afin de sensibiliser la société française à cette juste cause.

Akli Slimani

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