Une fête symbole de beauté !

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n Par Samia A. B.

Les hommes visiblement subjugués par autant de beauté, et pour certains intimidés par le déluge inhabituel de femmes, en regroupement ou en solitaires, venues de toutes parts célébrer le jour qui a été témoin de leurs engagements, ainsi que la lutte de leurs compères pour l’obtention des droits dont elles jouissent aujourd’hui. Symbole de la lutte pour la condition de la femme dans le monde et durant le siècle dernier, la célébration de la Journée internationale de la femme peut se fêter d’une manière simple et simple et pratique.

Flâner, assister aux différents programmes conçus pour l’occasion ou tout simplement faire du shopping, à chacune son programme et ses priorités. Une journée entière à s’occuper de sa petite personne peut être la meilleure manière de célébrer le 8 Mars pour celles qui ne sont pas trop branchées cérémonies, collations au travail et autres discours. C’est le cas de Djazia, 34 ans, secrétaire chez un notaire de la ville. Djazia a choisi de passer la demi-journée libre, que son employeur a bien voulu lui accorder, chez sa coiffeuse et son esthéticienne. « Je n’ai que les vendredis pour m’occuper de moi.

Et les vendredis le salon de coiffure que je fréquente est fermé. Alors je bricole un peu ma face à la maison en attendant le samedi en fin d’après-midi à la sortie du boulot. Et là j’ai juste le temps de faire un brushing et je tire le rideau généralement avec ma coiffeuse pour fermer. Je n’ai jamais le temps de me permettre d’autres soins. Aujourd’hui, j’ai droit à la totale. A chacun sa manière de célébrer le 8 Mars. Ma fête n’aurait de goût que si je suis radieuse. Et je m’en occupe justement ! », nous confie Djazia. D’autres femmes ont choisi d’investir les rues comme pour démontrer leur force.

Accompagnée d’autres femmes, tous âges confondus, elles occupent entièrement les trottoirs et forcent certains à descendre et se disputer la voie avec les véhicules. Elles trimbalent, pour une partie, leurs progénitures comme pour crier au monde qu’être mère n’empêche pas d’être femme. Les enfants ont fêté la Journée internationale de leurs procréatrices.

Ces dernières choisissent d’associer leurs enfants, non scolarisés, parce qu’elles n’ont pas d’alternatives pour les faire garder. C’est le cas de Nadia, femme au foyer. « Mon petit de deux ans et demi se régale. J’aurai aimé profiter de cette journée sans lui, j’avoue, mais je n’ai pas trouvé de nourrice pour me le garder. Mes sœurs sont avec moi. Nous sommes venues assister à un gala à la maison de la culture », nous raconte Nadia qui aurait préféré épargner à son fils l’encombrement de la file d’attente pour l’accès à la salle des spectacles de la Maison de la culture. Ce n’est pas seulement à la Maison de la culture qu’on se bouscule. Il faut se servir des coudes et savoir zigzaguer pour se frayer un chemin parmi l’amas de femmes occupées à fêter leur féminité. Cette dernière était d’ailleurs au rendez-vous. Habillées, maquillées et brushinguées pour l’occasion, les femmes étaient resplendissantes au même titre que les centaines de vieilles dames, habillées en robes traditionnelles aux mille couleurs et nuances, qui arpentaient les rues de Tizi.

Venues avec leurs filles, leurs belles-filles ou même des nièces, le bonheur et la satisfaction, ne serait-ce que de couper avec la routine, se lisait sur leurs visages. « Je suis venue avec mes deux filles. On a assisté au gala. J’ai dansé comme une petite jeunette. Je suis contente que mes filles aient pensé à me faire sortir aujourd’hui. Je sors rarement. Au fait, juste pour aller chez le médecin. Je viens de terminer la cueillette des olives. Cela fait exactement trois jours. Mes filles ont récompensé mes efforts », nous raconte Na Ouiza, 79 ans, qui avoue que même si ses filles ont dû insister, elle mourrait d’envie de faire cette sortie même si ses articulations ne devaient pas être d’accord hier soir.

Elles sont nombreuses à partager également cette fête avec leurs maris. Si on ne flâne pas, on s’attable pour prendre un petit pot avant de reprendre la marche pour profiter de la douce journée que la météo avait annoncée la veille. Il faut dire que le climat était clément et favorable aux défilés improvisés au grand bonheur de la gent masculine. Les couples mariés n’étaient pas les seuls paires à célébrer la journée du 8 Mars.

Les couples « clandestins » étaient également au rendez-vous mais loin de la clarté, us et traditions exigent. Les salons de thés reculés et de la périphérie étaient bondés de couples. Les filles, roses à la main, ont choisi cette drôle de manière pour célébrer la journée significative de liberté et d’émancipation de la femme ! Toujours est-il les hommes en véritables gentlemen ont su faire plaisir à leur tendres moitiés…pour 40 dinars ! Difficile de rater les milliers de roses, pour la plupart en plastiques, proposées ça et là à travers les grandes artères de la ville.

Les articles pour femmes étaient particulièrement visibles également sur les étals des marchands libres. On met en évidence le prix et on crie presque les qualités du produit magique. Les femmes étaient les cibles de tous les marchands de la ville. « J’ai doublé ma marchandise aujourd’hui. Je savais qu’il y aurait autant de femmes.

Je vends des gaines et des ceintures amincissantes. Je vous assure qu’en une demi-journée j’ai doublé mes ventes. Mon voisin qui vend des pulls a déjà épuisé tout son stock et regrette de ne pas avoir pensé à proposer plus de marchandises », nous raconte Khaled, 29 ans. Si Khaled a raté une cliente c’est bien de Hayet qu’il s’agit. Déterminée à ne pas accorder d’importance à cette journée qu’elle considère accessoire, en absence de concret en termes de textes de loi permettant l’égalité et d’une volonté de modifier le code de la famille, Hayet reste au bureau et travaille jusque tard dans la soirée. « Je ne suis pas de celles qui prétendent que le 8 Mars c’est tus les jours de l’année. Je ne suis pas également en traine de dénigrer ce que les femmes ont su décrocher auparavant. Mais célébrer le 8 Mars alors que les droits de la femme sont quasi inexistants, sinon piétinés même par les femmes elles-mêmes, serait absurde. Mes droits, moi, c’est en travaillant que je les décroche. Ce n’est pas une demi-journée libre qui changerait ma vie », nous raconte Safia, 35 ans, avocate installée à son propre compte.

Si le 8 Mars a été pour certains une aubaine pour doubler leur chiffre d’affaire, une occasion de se défouler, de profiter de sa famille ou une supplémentaire pour travailler, le 8 Mars a été pour certaines femmes déterminant de leur condition actuelle. Cette journée trouve son origine dans les manifestations de femmes au début du XXe siècle en Europe et aux États-Unis, réclamant des meilleures conditions de travail et le droit de vote.

La création d’une Journée internationale des femmes a été proposée pour la première fois en 1910, lors de la Conférence internationale des femmes socialistes, par Clara Zetkin, et s’inscrivait alors dans une perspective révolutionnaire. La date qui n’a pas été fixée au départ l’a été partir de 1917, avec la grève des ouvrières de Saint Pétersbourg.

C’est ainsi, que la tradition du 8 Mars s’est mise en place. Il faut dire que les événements qui ont marqué cette période devaient aller dans ce sens. En Mars 1911, un million de femmes manifestent en Europe. Le 8 Mars 1913, des femmes russes organisent des rassemblements clandestins. Le 8 Mars 1914, les femmes réclament le droit de vote en Allemagne. Le 8 mars 1915, des femmes défendent leurs droits et réclament la paix à Oslo. Le 8 mars 1917, des ouvrières manifestent pour réclamer du pain et le retour de leurs maris partis au front. Cela s’est passé à St Petersbourg. Le 8 Mars 1921, Lénine décrète le 8 Mars Journée des femmes. En 1946, la journée est célébrée dans les pays de l’Est. C’est ainsi, qu’après 1945, la Journée internationale des femmes devient une tradition dans le monde entier.

La légende veut que l’origine du 8 Mars remonte à une manifestation d’ouvrières américaines du textile en 1857. Certains historiens assurent l’inexistence de cet événement. Par contre, l’origine de cette journée s’ancre bel et bien dans les luttes ouvrières et les nombreuses manifestations de femmes réclamant le droit de vote, de meilleures conditions de travail et l’égalité entre les hommes et les femmes, qui agitèrent l’Europe, au début du XXe siècle.

La date est réinvestie avec le regain féministe des années 70 et la Journée internationale des femmes est reconnue officiellement par les Nations unies en 1977. C’est une journée de manifestations à travers le monde. C’est également et surtout l’occasion de faire un bilan des réalisations au profit de la condition de la femme.

La Journée internationale des femmes reste aujourd’hui d’actualité. Faut-il ou pas la célébrer ? Car tant que l’égalité entre les hommes et les femmes ne sera pas atteinte, nous aurons besoin de la célébrer, pensent la plupart des femmes. En effet, si en un siècle, les femmes ont conquis l’égalité juridique et législative dans la plupart des pays du monde, il leur reste à conquérir l’égalité dans les faits. La réalité est, malheureusement, souvent autre que les textes.

Samia A-B.

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