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«Maintenant, vous pouvez vivre tranquille, Monsieur le Président !»

Ainsi donc, la majorité des Algériens qui se sont dirigés jeudi dernier aux bureaux de vote, a décidé de porter Abdelaziz Bouteflika à la magistrature suprême, et ce pour la troisième fois. L’enjeu central de ce rendez-vous électoral était sans nul doute, le taux de participation ou d’abstention, c’est selon. La deuxième jauge était la réaction des électeurs de Kabylie face à ce scrutin présidentiel. Il faut dire que le succès de la virée du candidat Bouteflika dans la région a poussé les partisans du boycott à réagir vivement et par n’importe quel moyen. De l’insulte et de l’invective du premier secrétaire du FFS à l’égard du directeur de campagne de Bouteflika à Tizi-Ouzou, jusqu’au scandale de substitution de l’emblème national par un chiffon noir au siège du RCD. Après avoir constaté l’accueil reservé par la population de la région à Bouteflika, les boycotteurs avaient compris que les choses changeaient et qu’une mutation s’opérait devant leurs yeux. Mutations qu’ils n’ont ni vu venir ni jugulées ou contenues. Ce changement qui n’a pas fini son processus est dû à plusieurs facteurs. Les partis politiques classiques, à savoir le FFS et le RCD, utilisent des référents immuables, dans leurs discours qui n’interpellent plus la jeunesse kabyle. Cette dernière qui a payé un lourd tribut durant sa révolte du Printemps noir de 2001, ne comprend toujours pas son éternelle mise sous tutelle, et le paternalisme des deux partis envers elles. Ces derniers ne cessent de seriner les quelques mois d’emprisonnement au début des années 80 pour certains, les sacrifices et l’historicité de leur opposition pour les autres. Les jeunes Kabyles qui ont fait le Printemps noir, trouvent ces discours indécents et insultants devant le sacrifice suprême de 126 d’entre eux. Ces jeunes, même s’ils ont intégré et assument les luttes et les combats de leurs aînés, que ce soit la révolte de 1963 ou le Printemps amazigh de 1980, refusent d’en être prisonniers et revendiquent la reconnaissance à leur tour de leurs combats et sacrifices. Nayant pas vécu ni 1963 ni 1980, les jeunes estiment que leur combat de 2001 doit être intégré par les aînés auxquels ils ont toujours montré respect. Cette fracture générationnelle et militante a eu comme conséquence immédiate

l’abandon de toute forme d’organisation efficace et identifiée, et la naissance d’une nébuleuse dénommée “Mouvement citoyen” ou “aârch”. Cette dernière a non seulement ignoré les partis traditionnels, mais a géré la révolte et la colère de la région, et a su aller au dialogue avec les pouvoirs publics- S’il est vrai que le staff des aârchs s’est peu a peu éloigné de la base, cette dernière a gardé ses espoirs intacts en des jours meilleurs. Trop contents de voir les “aârchs” usés et éteints, les partis ont tourné le dos aux animateurs du Mouvement citoyens et à la population. Cette jeunesse de Kabylie désillusionnée par les “âarchs”, non reconnue par les partis et fatiguée d’être sollicitée à chaque échéance pour servir de chair à canon et tenir le rôle de pions que des mains manipulent sans scrupules, a fini par comprendre que son émancipation ne viendrait que par le truchement de forces nouvelles dans la région. Des forces qui aspirent au développement de la Kabylie, à créer de l’emploi, à construire des logements…, à remettre la région sur les rails de la prospérité, de la paix et de la sérénité. La jeunesse de Kabylie voit à travers les soutiens de Bouteflika dans la région, les éléments capables de sortir la région du marasme dans lequel elle vit. On ne peut expliquer le succès des visites du candidat Bouteflika en Kabylie, que par ce processus qui a duré des années et que des militants, amoureux de leur pays et jaloux de leur région, ont mené dans un univers hostile et violent. Bouteflika en annonçant un plan spécial pour la région, une chaîne de télévision en tamazight, un conseil et une académie… et face à l’accueil qui lui a été reservé à Tizi-Ouzou, avait déclaré : “Maintenant je peux mourir tranquille.” Le taux de participation et le score obtenu par Bouteflia en Kabylie jeudi dernier, sonnent comme une réponse aux déclarations de ce dernier. Les citoyens de la région, las des larmes, de la tristesse, du sang et de la mort semblent dire à l’adresse de Bouteflika : “Maintenant vous pouvez vivre tranquille.” Le nouveau deal scellé durant la campagne électorale et la réconciliation sincère qui a eu lieu, sont autant de bons présages pour la Kabylie.

Idir Benyounes

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