Quels enseignements pour l’Algérie ?

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C’est dans ce contexte d’incertitudes et de multiplication d’aléas qui grèvent la planification économique dans notre pays, une mini-crise a éclaté quelques semaines avant le scrutin présidentiel du 9 avril dernier entre le Premier ministre et le ministre de la Participation et de la promotion des investissement, Abdelhamid Temmar, sur la conduite de la stratégie industrielle et le rythme imprimé à la mise en œuvre.

En 2007, le document de travail préparé par A.Temmar et soumis aux participants aux assises sur la nouvelle stratégie industrielle n’avait pas fait l’unanimité au sein des différents acteurs. Les organisations patronales ont reproché au ministère des Participations et de la promotion des investissement de ne les avoir pas associées dès le début à la réflexion sur un thème qui, visiblement, semble tenir à cœur aux pouvoirs publics depuis quelques mois, et pour cause. La transition économique semble trop longue et les réformes y afférentes traînent la savate. En lieu et place d’une politique offensive en matière d’industrie censée être boostée par l’embellie financière constatée depuis le début de la décennie en cours, les observateurs de la scène économique en général et les patrons algériens en particulier sont tentés par un jugement plutôt négatif. Certains vont jusqu’à parler d’économie de bazar au vu de la libéralisation débridée du commerce extérieur et des investissements étrangers assez frileux pour le moment puisqu’ils s’appuient surtout sur le gain facile de représentations commerciales de firmes étrangères. Le même constat a été fait l’année passée par le président de la République.

Les appréhensions des acteurs économiques algériens, privés et publics, à l’égard de l’Accord d’association avec l’Europe entré en vigueur en septembre 2005 et de l’éventuelle entrée de notre pays dans l’OMC, actuellement en négociation, se trouvent renforcées par un déficit de stratégie gouvernementale en matière de relance industrielle.

Un nouveau code des investissements en gestation

Les pouvoirs publics se sont penchés sur l’identification des divers et nombreux blocages qui ont hypothéqué jusqu’ici les grands flux d’investissement que notre pays est en droit d’attendre dans une conjoncture qui était exceptionnellement propice sur le plan des finances publiques et de l’équilibre des grands agrégats économiques. Le traitement des dossiers par l’ANDI (Agence nationale du développement de l’investissement) ne semble pas donner tous les résultats escomptés. Et pour cause, le passage au crible de cette Agence des différents dossiers qui atterrissent sur son bureau se limitait à faire valoir les avantages (fiscaux, douaniers, taux d’intérêt des crédits,…) accordés par l’État aux candidats à l’investissement. De nombreux projets validés par cette institution qui travaille pour le compte de l’État n’ont pas pu voir le jour des années après leur validation en raison des lenteurs, entraves et dysfonctionnements qui caractérisent les autres institutions chargées d’encadrer l’investissement (banques, caisses de garantie, services de la wilaya pour ce qui a trait au foncier industriel,…). En tout cas, face à tous ces aléas, le gouvernement a initié un nouveau code des investissements qui est à l’état de gestation, mais qui est censé casser les barrières qui s’opposent aux investissements nationaux et étrangers massifs.

Le phénomène de l’économie informelle qui ronge depuis des décennies le reste des autres activités relevant de l’économie structurée a aussi été appréhendé par le président de la République comme un facteur de blocage de l’investissement. Ainsi, outre les mesures et réglementations destinées à lutter contre le blanchiment d’argent, la contrebande, la contrefaçon et la corruption, le président Bouteflika mettra en exergue  » les réformes en cours qui ont permis une meilleure bancarisation de l’économie, la réduction de la pression fiscale, la libéralisation du commerce extérieur, la convertibilité commerciale de la monnaie nationale, la simplification des formalités douanières « . Ce sont des facteurs, assure Bouteflika,  » qui doivent concourir à l’assèchement des activités dans la sphère informelle « . En tout cas, avec le nombre de personnes qu’il emploie-environ un million trois cent mille- et l’éventail des activités qu’il embrasse, le secteur de l’informel ne peut laisser indifférents ni les pouvoirs publics, ni les vrais acteurs de la vie économique légalement installés, ni les services des Impôts et Caisses sociales pour qui le manque à gagner se chiffre en centaines de milliards de dinars (évasion fiscale) ni, à plus forte raison, l’opposition politique et les monde syndical.

Adapter la fiscalité à la dynamique économique

En effet, le recouvrement de la fiscalité n’a pas cessé de poser des problèmes depuis l’ouverture de l’économie nationale au monde de l’entreprise privée. L’assiette d’imposition et le mode de levée de l’impôt se trouvent de ce fait en perpétuelle évolution, et le code des impôts est appelé ainsi à une mise à niveau à même de refléter le volume et la nature réels des produits fabriqués, échangés et consommés. Dans plusieurs transactions, y compris celles relatives aux marchés publics, il a été enregistré des litiges inhérents aux taux d’imposition (surtout la TVA) lorsque la nature des prestations combine fournitures inertes (mobilières), cheptel vif et prestations de services.

Sur un autre plan, la Direction générale des impôts a installé en 2007 une structure en son sein chargée de récolter les impôts des grandes entreprises présentant des chiffres d’affaire exceptionnels.

Les entreprises de taille modeste sont, elles, ciblées par une autre procédure contenue dans un arrêté promulgué en juillet 2008. La taille de ces entreprises se mesure essentiellement par rapport à leur chiffre d’affaire et au personnel y exerçant. Des seuils ont été fixés par le ministère des Finances pour classer lesdites entreprises selon la nature de l’activité qu’elles exercent (commerce, artisanat ou prestation de services), l’effectif du personnel et le chiffre d’affaires. Pour les entreprises étrangères activant en Algérie, le gouvernement a pris la décision à la fin de l’année dernière de soumettre les rapatriements de fonds vers le pays d’origine à un droit qui est assimilé à un impôt sur les dividendes. De même, la nouvelle réglementation impose aux intervenants étrangers de s’associer obligatoirement avec des homologues algériens pour pouvoir lancer les activités économiques ou commerciales envisagées.

Un idéal de 5 à 6 milliards de $/an en IDE

Le ministre des Finances a révélé le 1er mars dernier que la moyenne du rythme des investissements directs étrangers en Algérie est de 1 milliard de dollars par an. Cette donnée, tout en révélant l’ampleur des investissements d’un pays et son degré d’attractivité, ne constituent pas, aux yeux de certains partenaires économiques nationaux, une condition sine qua non pour se lancer dans des opérations d’investissement dans leur propre pays. En octobre 2008, un programme d’investissement euro-méditerranéen, appelé ‘’Invest in Med’’, a été lancé à partir de la Tunisie. Ce programme qui touchera notre pays vise à mettre en relation les partenaires et acteurs économiques à travers les rencontres d’affaires et les conférences, comme il s’emploiera à mettre en place des opérations d’assistance, des sessions de formation et d’études. Pour mener efficacement ces actions, ce programme d’investissement ciblera des ‘’niches sectorielles’’ précises ou des domaines ‘’transversaux’’ à l’image des jeunes entrepreneurs et des femmes, la micro-entreprise, le partenariat public/privé et la promotion des PME.

Plus que le milliard de dollars dont a fait état le ministre des Finances, dans des conditions idéales du climat d’investissement, l’Algérie pourrait accueillir des IDE de l’ordre de 5 à 6 milliards de dollars d’après les spécialistes. Comme a eu à le déplorer le président de la République lui-même, dans la phase actuelle, ce sont plutôt les opérations purement commerciales (représentations en Algérie de firmes de construction automobile, de fabrication de médicaments) qui font l’actualité de l’investissement en Algérie. En tout cas, dans le rapport de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED) sur l’investissement dans le monde en 2008, notre pays se retrouve dans la position de huitième en Afrique en matière d’attractivité pour les investissements étrangers. Ces derniers étaient de 1,6 milliard de dollars en 2007 en direction de l’Algérie, selon l’institution onusienne. L’Algérie vient bien après le Nigeria (12,5 mds de $), l’Egypte (11,6 mds de $), l’Afrique du Sud (5,2 mds de $), la Maroc (2,6 mds de $), la Libye (2,5 de $) et le Soudan (2,4 de $). Pour toute l’Afrique, les IDE représentent 53 milliards de dollars en 2007. L’Algérie en a capté à peine 3 %. Il est vrai que le critère des IDE a été fort discuté en Algérie pour savoir s’il constitue une base logique de réflexion sur les vrais investissements porteurs de richesses et de possibilités de création d’emplois dans le pays. Cependant, ce signal demeure un sérieux critère en matière du degré d’attractivité pour les entreprises étrangères, donc du climat des affaires dans le pays.

Un nouveau plan de développement à l’ombre de la crise mondiale

L’Algérie, mieux que beaucoup d’autres pays en développement, possède les possibilités financières et l’assise industrielle minimale pour mener une politique industrielle aux dimensions maîtrisables et investissant des créneaux jusqu’ici laissés presque en friche (agroalimentaire, chimie, pharmacie, textile,…), et ce, en ‘’en s’appuyant sur la faculté des acteurs économiques à entreprendre et sur la nécessité pour l’État de promouvoir un cadre flexible et efficient, plutôt que sur un investissement industriel massif et une importation technologique effrénée’’, d’après le document gouvernemental élaboré à l’occasion des Assises de la stratégie industrielle. En d’autres termes, il est fait appel à l’esprit d’initiative et à l’intelligence des acteurs pour concevoir des projets créateurs de richesses et d’emplois et qui soient à la mesure de nos capacités. Après la mise en œuvre de deux plans de développement (PSRE et PCSC) depuis l’année 2000, le gouvernement algérien s’apprête à lancer un quatre quinquennat 2010-2014. en tout cas, les wilayas sont instruite de remettre les fiches techniques aux services du ministère de l’Intérieur avant le 30 avril prochain. Cependant, au vu du contexte de crise mondiale dans lequel ce nouveau programme sera lancé, des questions légitimes s’imposent à l’esprit. Au début de l’année en cours, le chef de mission du FMI, en visite en Algérie, avait souligné la dépendance excessive du pays vis-à-vis de l’exportation des hydrocarbures et les conséquences qui pourraient en découler.  » Au cas où les prix chutent, on va se poser des questions concernant les ressources qui permettent à l’Algérie de poursuivre ses programmes d’investissement. C’est pour cela qu’il est recommandé aux autorités algériennes de se préparer à prendre des mesures préventives concernant les priorités dans les investissements publics et le soutien à la croissance « , a-t-il affirmé. Au printemps dernier, c’était le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, qui, tout en se montrant serein quant aux effets directs de la crise financière internationale sur l’Algérie, n’a pas manqué d’appeler à la vigilance en prônant plus que jamais la revivification de l’économie par la diversification des exportations. Il est temps, insinue-t-il, d’aller vers les vraies réformes, de les mener par le moyen d’une politique nationale cohérente et concertée, au lieu d’avoir à les subir de l’extérieur par la pire des méthodes, celle qui n’agréerait ni aux populations ni aux intérêts stratégiques du pays.

Amar Naït Messaoud

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