La rue, comme ultime recours

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Des travaux de réparation de la route de Kendira seront engagés dès demain. Déclaration d’un responsable de la direction des travaux publics de la wilaya de Béjaia, hier à Radio Soummam. Soit quelques heures seulement après que les habitants de cette localité alpestre eurent fermé à toute circulation la RN 75. En deux tours, trois mouvements, on est ainsi passé d’une situation hautement conflictuelle à un dénouement des plus heureux. Les protestataires de Kendira n’ont-ils donc fait que défoncer une porte grande ouverte puisqu’il aurait tout juste fallu se renseigner de bonne source. La DTP a-t-elle réagi au pied levé aux revendications des villageois ? Comment compte-t-elle mobiliser les crédits nécessaires à cette opération ? Si telle était, depuis longtemps, la résolution de la DTP, pourquoi les habitants de la localité n’en étaient pas informés ? La DTP joue-t-elle seulement au pompier social en épongeant à moindre frais la colère des protestataires pour permettre la réouverture d’un axe routier important? Non, manifestement, puisque, à moins de parier sur une invraisemblable amnésie sociale, on ne donne pas des promesses de si court terme. Loin d’être un fait isolé ou inédit, cette histoire illustre parfaitement un (mé) fait de gouvernance classique. Le recours à la rue, expression tellement consacrée, est devenu l’ultime attitude pour se faire entendre des autorités avec lesquelles les canaux de communication semblent être toujours bouchés même si le wali semble se vouer à une interminable « tournée des popotes » qui le conduit de village en village à l’effet de porter la bonne parole chez des administrés prompts à s’enflammer au moindre problème. A quoi sert l’Assemblée populaire communale dont les délibérations sont théoriquement publiques et qui, mieux que le simple quidam du coin, ne doit pas être tenu dans l’ignorance des projets de la DTP ? Que fait la daïra ? On ne parle pas des députés auxquels tout le monde, convaincus que le plébiscite populaire dispense de tout, a appris à ne demander aucun compte. Par delà les canaux institutionnels et, au contraire d’autres wilayas, celle de Béjaia peut se targuer de posséder plusieurs voies d’intermédiation. Outre une radio locale qui consacre une bonne partie de ses programmes aux problèmes de développement local, la presse nationale dans son ensemble fait la part belle à l’information de proximité dans cette Kabylie qui se présente comme un immense gisement de lecteurs francophones et, depuis quelque temps, arabophones aussi. Cela ne suffit manifestement pas à mettre le citoyen au diapason des projets de l’administration. En cultivant un culte du secret passé de mode, celle-ci se coupe du même coup de ses administrés. Et ceux-ci qui n’obtiennent gain de cause qu’en recourant à la manière forte, se croient en devoir d’en rajouter, convaincus que les autorités ne font que donner des primes à la nuisance.

M. Bessa

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