»La wilaya de Béjaïa accuse un retard important »

Partager

La Dépêche de Kabylie : Un an après votre nomination, quelle est, M. le wali, votre impression générale sur l’état de développement de la wilaya de Béjaïa ?

Ali Bedrci : Comme vous le savez un diagnostic précis de la situation de la wilaya a été établi. Ce diagnostic a montré que la wilaya de Béjaïa accuse un retard important dans de nombreux secteurs d’activités tels que le raccordement en gaz naturel, le réseau routier, les aménagements urbains, l’habitat, le déficit en médecins spécialistes et en équipements médicaux, l’environnement, le désenclavement des zones rurales, etc.

Cependant, le même diagnostic révèle que la wilaya de Béjaïa a réalisé de bons résultats dans les secteurs de la jeunesse et des sports, l’enseignement supérieur, l’éducation, la formation, l’industrie agro-alimentaire, etc.

Les insuffisances diagnostiquées ont été intégrées dans le plan quinquennal 2010/2014, ainsi que dans le cadre du programme complémentaire (spécial). Elles seront prises en charge progressivement selon les moyens disponibles.

Et quel est, selon vous, qui avez effectué plusieurs sorties sur le terrain, l’état d’esprit de la population ?

Les multiples rencontres avec les citoyens lors des différentes visites sur le terrain ont permis de relever un sens élevé de responsabilité chez les habitants de la wilaya. En effet, tout en exprimant leurs besoins, ils sont conscients que les problèmes se règlent de façon progressive et en fonction des priorités. Cette maturité est encourageante d’autant plus que la méthode de travail mise en place, fait appel à la participation des élus et de la société civile.

Votre action semble s’axer sur la réalisation des projets…

Oui, effectivement, puisque mon objectif en tant que responsable est de lancer les projets qui ne le sont pas et de dynamiser ceux qui sont en cours de réalisation pour les achever dans les délais. Il faut savoir que la wilaya dispose d’un programme en cours de 273 opérations représentant une enveloppe de 54 milliards, uniquement en programme sectoriel déconcentré. Il reste donc beaucoup de travail à faire.

Toute cette masse de projets doit exiger beaucoup de maîtrise …

En effet autant de projets et de crédits nécessitent une démarche efficace, basée sur une bonne organisation. Cette dernière s’inscrit d’ailleurs dans la durée, c’est pour cette raison qu’il faut éviter les projets spectaculaires qui ne produisent pas de bénéfice dans le temps. Il s’agit donc de maîtriser des projets qui règlent les problèmes d’infrastructures avant d’aller dans des projets d’embellissement…

C’est-à-dire ?

En évoquant la ville de Béjaïa, il faut refaire tous les réseaux d’alimentation en eau potable et d’assainissement avant de procéder aux aménagements nécessaires en surface. Concernant les grands projets à travers la wilaya, tels que la pénétrante, le CHU, l’extension du port et de l’aéroport, la modernisation des routes nationales, des chemins de wilaya et communaux, le rattrapage en gaz de ville, et j’en oublie certainement, cela nécessite des études sérieuses de maturation afin que les projets soient réalisés dans les délais et dans les meilleures conditions. En définitive, il s’agit surtout de s’organiser pour mener à bien les projets inscrits au profit de la wilaya.

Le CHU apparaît comme une extrême urgence au regard de la progression de la première promotion des étudiants en médecine. N’a-t-on pas, en l’occurrence, mis la charrue avant les bœufs ?

Le CHU de Béjaïa est en cours de création. Les ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur préparent les textes y afférents. Le CHU fonctionnera dans une première phase dans l’hôpital Khellil-Amrane, en attendant la construction future d’un autre hôpital. Je dirais, pour ma part, que ce CHU est le fruit d’une volonté politique clairvoyante qui répond à une aspiration profonde de la population. Tout le mérite revient à Monsieur le présidente la République qui accorde une attention particulière à ce projet.

En plus du reste à réaliser, il va y avoir le programme spécial et le quinquennal 2010-2014, la wilaya a-t-elle les moyens de réaliser tout cela ?

Nous faisons tout pour mettre d’abord en confiance les moyens de réalisation déjà engagés dans le développement de la wilaya. Les appels d’offres s’adressent aussi à toutes les entreprises qui sont sur le territoire national et je peux même vous confirmer qu’il en existe de plus en plus qui viennent offrir leurs services.

Parallèlement, nous nous employons à implanter dans notre wilaya des entreprises nationales de grande envergure, pour avoir une force de frappe susceptible de nous permettre de lancer nos grands projets.

Et quelle est la part que vous assignez à l’initiative privée en matière de contribution et de l’élargissement du potentiel d’entreprises de la wilaya ?

La loi assigne une part importante à l’initiative privée. Le champ est complètement ouvert. Pour ma part, je ne fais aucune distinction entre entreprises publiques et entreprises privées, quelle qu’en soit la nature (BTPH, Industrie ou services). L’important, c’est la création de richesses et des postes d’emploi et la participation à la réalisation des programmes de développement de la wilaya. Sur cette base, nous encourageons toutes initiatives.

D’ailleurs, sur les 9 444 PME que compte actuellement la wilaya, 9 274 sont de statut privé. Le BTPH avec 2 262 PME (24%), le secteur du commerce avec 1836 PME (19,50%) et le secteur des transports avec 1 641 PME (17%) sont les secteurs dominants. Les PME de la wilaya emploient 42 200 personnes, ce qui n’est pas négligeable. Quant au secteur de l’industrie, il compte une quarantaine d’unités de secteur public et une soixantaine d’unités privées, employant un effectif de 15 000 travailleurs. L’agroalimentaire est globalement dans ce secteur.

On constate que beaucoup d’initiatives et d’efforts ont abouti aux résultats que nous connaissons.

Nous vivons aujourd’hui une phase où il est impérieux de dégager une nouvelle offre financière si l’on veut élargir la base industrielle et le tissu des PME de la wilaya. C’est pour cette raison que dès janvier 2009, nous avons préparé un dossier qui a été transmis aux ministères compétents. Et c’est ainsi que nous avons proposé la création de deux zones industrielles, l’une à Beni-Mansour (Boudjelil) sur 150 ha et l’autre à El Kseur sur 170 ha. Comme nous avons projeté la création de cinq zones d’activités à Remila (Sidi-Aïch), Taghzouit (Mcisna), Kherrata, Tazmalt et Taourirt-Ighil. Toutes ces zones nécessiteront la mobilisation de 600 ha et leur viabilisation coûtera 13 milliards de dinars.

Emblématique de l’initiative industrielle privée, le site de Taharacht (Akbou) est toujours maintenu à l’état de ZAC pendant que les investisseurs demandent sa promotion en ZI. Que comptez-vous faire ?

Taharacht joue un rôle important dans l’activité économique de la wilaya. En nombre de lots, elle dépasse légèrement les zones industrielles de Béjaïa et El Kseur, même si elle s’étend sur une superficie un peu moins importante. Il est donc légitime que Taharacht aspire à devenir une zone industrielle. Mais le plus urgent pour cette zone d’activités consiste à améliorer sa viabilisation, pour cela nous avons demandé 200 millions de dinars.

Peut-on envisager le regroupement de l’ancienne ZI d’Akbou, où opèrent Mac-soum et Cotitex, avec Taharacht pour en faire une seule et même entité de façon à lever la contrainte de superficie qui semble grever la promotion de Taharacht en ZI ?

A mon sens, l’importance d’une zone d’activités ne doit pas se mesurer uniquement à sa superficie, mais plutôt à son dynamisme économique. Concernant Taharacht, étant convaincu de son rôle dans l’économie de la wilaya, nous serons les premiers à défendre le principe de l’ériger en zone industrielle.

Quelles sont les contraintes qui, en sus du problème du foncier, bloquent ou retardent les projets?

Pour ce qui est du problème du foncier, celui-ci va trouver progressivement sa solution puisque l’option d’achat de terrain chez les privés est envisagée. Quant aux terrains domaniaux de nature agricole et forestière, les procédures d’acquisition doivent être assouplies. Restent deux contraintes délicates, à savoir les oppositions de propriétaires pour l’exploitation des carrières. C’est un handicap certain pour la réalisation des programmes de développent. Nous essayons de gérer la situation au mieux pour l’intérêt général de la wilaya.

Les questions de développement ne se résument certainement pas aux moyens financiers et de réalisation. La question de l’environnement se pose aussi…

Des gens de bonne volonté nous aident directement ou nous apportent leur soutien moral. Les plus engagés travaillent souvent dans l’ombre. Je tiens à rendre à tous un hommage particulier et à les remercier pour tout ce qu’ils font pour notre wilaya.

Mais des efforts restent à faire et chacun doit faire passer avant tout l’intérêt de la wilaya, car celle-ci a beaucoup souffert des déchirements. Chose qu’elle ne peut plus se permettre parce qu’il faut mobiliser toute les énergies pour rattraper le retard en matière de développement. Cependant, quand on voit l’état d’esprit général des citoyens, des élus et des agents de l’Etat à tous les niveaux, on sent que la majorité écrasante s’inscrit dans une dynamique qui consiste à œuvrer pour le progrès de la wilaya.

Le port, et notamment le terminal à conteneurs, souffre d’un grand engorgement.

Où en est-on avec le projet d’extension ?

Il faut rappeler qu’une étude du plan directeur du port de Béjaïa a été réalisée en 1998. Face à différentes évolutions sur le terrain, cette étude a nécessité une actualisation pour prendre en charge l’avenir du port jusqu’à l’horizon 2025. Les objectifs visés consistent à prendre en charge le trafic à cette échéance, la création de nouvelles zones à conteneurs, la construction de nouveaux quais pour la réception de porte conteneurs, la construction de terminaux modernes, etc. L’étude d’actualisation étant finalisée, le dossier d’exécution est en cours. Une demande d’inscription du projet a été faite au ministère des Finances. De son côté, l’EPB a prévu des projets importants comme la future gare maritime ultra moderne.

Quand peut-on espérer, concrètement, le démarrage du chantier de la pénétrante ?

La réalisation de la pénétrante autoroutière de Béjaïa a été confiée par le ministère des Travaux publics à l’ANA (Agence nationale des autoroutes). Celle-ci a introduit auprès de la commission nationale des marchés le cahier des charges pour le lancement de l’étude. A la fin des études, il y aura naturellement les procédures d’appel d’offres qui aboutiront à la sélection des entreprises de réalisation. Maintenant, pour ce qui concerne la wilaya, notre première tâche est de libérer l’emprise de la pénétrante, c’est-à-dire, déplacer tous les réseaux (eau, électricité, gaz, etc.) et procéder aux expropriations et aux indemnisations nécessaires. Nous venons de recevoir 800 milliards de centimes pour entamer cette mission dès que le décret portant déclaration d’utilité publique du projet sera publié, ce qui est imminent. Et j’espère ainsi avoir fourni les informations précises qui permettront à vos lecteurs d’être fixés sur ce projet de façon objective.

Entretien réalisé par : M. Bessa

Partager