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Une zerda pour honorer Sidi Messaoud

C’est un jeudi plein de chaleur, de convivialité et de bonhomie que le village de Tagounits, dans la commune de Haïzer, vient de vivre ce 28 mai 2009 sur une initiative de l’association du village. En effet, l’association de Tagounits, agréée depuis une année et présidée par Nacer Zougari, a tenu à rendre hommage à l’ancêtre et homme pieux Sidi Messaoud dont le mausolée est abrité par le village depuis le douzième siècle. Les membres de l’association ont estimé que c’était là l’occasion de une faire rencontrer les enfants de Tagounits éparpillés aux différents points de la wilaya de Bouira et d’ailleurs. La rencontre a été sublime et les invités venus en grand nombre n’ont pas manqué d’être agréablement surpris par la disponibilité et l’engagement des enfants de Tagounits pour perpétuer les repères sociaux et culturels des ancêtres. Cette grande ‘’waâda’’ est une bonne occasion pour mieux ancrer cette culture qui va à la redécouverte de soi. Les membres de l’association et d’autres villageois rencontrés sur les lieux déplorent la perte des liens entre les membres d’un même village du fait de la recherche du travail. Mais, aujourd’hui, grâce au souvenir du grand-père Sidi Messaoud, tous les enfants du village sont là.

Un repas fastueux a été offert aux convives. À cette fin, c’est un veau qui a été sacrifié. Outre les fils proches ou éloignés de Tagounits, des invités sont venus des villages voisins. De même que le président de l’APW de Bouira, le chef de daïra de Haïzer, le maire d’El Esnam et des représentants de la presse ont tenu à marquer leur présence.

Sur l’esplanade aménagée pour l’occasion, des cadeaux ont été distribués et un hommage appuyé à Dda Mokrane Smaïli a été rendu. Dda Mokrané est un villageois dévoué au bien public et il a prématurément disparu il y a quelques mois suite à une maladie.

Une grande banderole suspendue sur l’esplanade évoque son nom et souligne l’hommage que lui rend toute la communauté. Nacer Zougari avoue que sa disparition a porté un coup dur à l’association puisqu’il était de tous les combats engageant la vie du village.

Le village de Tagounits, relevant de la commune de Haïzer, est accroché au flanc sud du Djurdjura. Situé à 900 m d’altitude, il est surplombé par la légendaire Mimouna et la crête de Tizi Ugelmim qui cache derrière elle le fameux lac de haute montagne appelé Tamda Ugalmim. Tagounits domine, dans la direction du sud, un panorama paradisiaque dans lequel s’incrustent plusieurs éléments : les hameaux de Slim et Aguentour, la pinède des forêts domaniales de Haïzer et des Azerou, les coteaux de Haïzer, le grand lac du barrage Tilesdit, les deux pics de M’laoua et, à l’extrême horizon, la crête des monts séparant la wilaya de Bouira de la wilaya de Bordj Bou Arréridj. Un tableau féerique auquel se joignent les clapotis et le ruissellement des eaux diaphanes d’Assif Boudrar qui vont finir leur course dans le lac de Tilesdit.

Dans le mausolée de Sidi Messaoud se trouvent en fait deux cercueils posés dans un réduit sous forme de profond placard fermé par un rideau en bois ajouré. L’on nous apprend sur place qu’un des deux cercueils est celui de Sidi Messaoud, l’ancêtre pieux, et que l’autre qui le jouxte par la droite, est le cercueil de son ‘’agent’’ ouvrier.

Sidi Messaoud, selon la légende locale, serait venu de Seguia El Hamra au 12e siècle et ferait partie des missionnaires de la foi musulmane. Un vieux de Tagounits nous fait le récit suivant : à la mort de Sidi Messaoud, plusieurs villages ont réclamé son corps pour l’enterrer chez eux. Tagounits n’a pas voulu céder et les demandeurs se sont consolés d’ériger des tombes vides portant le nom de Sidi Messaoud.

Le mausolée actuel daterait de 3 siècles environ. Lors du changement des draps usés le recouvrant, les villageois ont découvert une boule de cuivre sur laquelle est inscrite la date de 1721. Pendant la guerre de Libération nationale, l’actuelle fermeture en bois du mausolée était un mur en dur qui faisait partie de toute la façade interne de la salle. C’était une forme de protection contre le risque de violation dont il aurait pu faire l’objet de la part de l’armée française. Nacer Zougari, président de l’association Tagounits et Ahmed Smaïli, membre de cette association, nous ont servi de guides pendant cette tournée dans leur village.

Ils nous ont appris que les dons en argent faits par des particuliers pour le village à l’occasion de cette fête ont atteint 20 millions de centimes et que le président de l’APW a décidé de verser à l’association une somme de 150 millions de centimes.

De même, la promesse d’aménagement de la route allant du carrefour de Slim jusqu’à Tagounits a été faite par les autorités. Selon le président de l’association, les travaux commenceront incessamment. Un projet qui contribuera à désenclaver Tagounits, Aïn Alouane et Aït Kherouf comme il servira de brettelle pour rejoindre Tikjda par l’ouest.

Rappelons que cette route, ouverte au cours des années 1920, était, jusqu’à la fin des années 1980, la seule route qui desservait le site de Tikjda et le chemin du lac Goulmim.

Amar Naït Messaoud

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