Doucement mais sûrement, les établissements “Aït Mouloud” sont entrain de se frayer une bonne place dans le domaine du livre, un créneau que d’aucuns rebutent. Si la vente du livre fait peur à beaucoup d’investisseurs, même à d’anciens libraires, c’est loin d’être le cas des établissements “Aït Mouloud”.Depuis 1982, toute cette famille s’est investie dans le domaine. Actuellement, deux des plus importantes librairies de Tizi Ouzou sont gérées par Aït Mouloud, à savoir la librairie N’Aït Medjebeur, sise à l’immeuble Djurdjura, et la librairie de la Paix, sise à la rue portant le même nom. En plus de ces deux librairies, les Entreprises Aït Mouloud ont ouvert un centre de diffusion du livre, dont le siège est à la Nouvelle-Ville, près du CEM. Il couvre toutes les wilayas du centre du pays.Ahcène Aït Mouloud a 47 ans. Il est l’un des gérants de ce groupe de librairies, en compagnie de ses frères. Il est membre de l’association des libraires algériens (ASLIA). Il nous reçoit dans son bureau, à la librairie “N’ath Medjebeur” pour nous faire partager la recette de leur succès professionnel. L’activité commerciale ne date pas de l’ouverture de leur première librairie en 1982 mais elle remonte à avant le déclenchement de la Guerre de libération nationale. Ahcène rappelle que son arrière grand-père était déjà commerçant dans leur village natal Tassaft Ouaguenoun. “Avant Djeddi Ahcène travaillait à Abrid Ouroumi. Plus tard il émigre en France, à Clermont Ferrand. Ce sont ses quatre fils, dont mon père Arezki, qui lanceront plusieurs commerces, dont une pompe à essence au village de Tassaft. Entre temps, un magasin, est acheté à Tizi Ouzou, situé à la Grande Rue, près de la BNA). Ce local sera l’une des premières librairies de Tizi Ouzou”. Le père de Ahcène et ses deux frères resteront à Tassaft tandis que Moh Ousalem descend à Tizi Ouzou. Ce dernier est un maquisard tué par les Français en mars 1959. C’était un compagnon du colonel Amirouche. Aujourd’hui la rue où se trouve le CEM Babouche porte son nom. Il fut torturé et tué par les Français. Il n’a pas de sépulture. Après sa mort, les trois frères s’installent à Tizi Ouzou, pour gérer le magasin en compagnie du fils des martyrs.En 1982, l’idée de lancer l’une des premières librairies, à Tizi Ouzou est née. Ahcène laisse tomber ses études au lycée Amirouche et à sa sortie du service militaire le projet est mis sur pied. Pourquoi avoir opté pour le livre ? Ahcène répond : “Par amour aux livres. Quand j’étais chez les Pères Blancs ils avaient une méthode originale de nous punir quand il nous arrivait de commettre des bêtises. Ils nous sommaient de nous isoler et de recopier des romans. Cette punition avait lieu la nuit. Elle avait pour but d’inciter l’élève à aimer la lecture et à s’instruire. J’ai recopié plusieurs livres dont ceux de Mammeri et Feraoun”.Il a fallu une petite concertation familiale. Le projet est soumis et accepté par tous. Ahcène en narrant l’historique de leur librairie, a tenu à rendre un vibrant hommage à sa mère grâce aux encouragements de laquelle, les choses ont pu aller bien et vite. Le jour J arrive, la librairie est inaugurée. Elle est gérée par le plus jeune frère Moh Ousalem (prénom hérité de celui du martyr). “Au début, nous faisons l’article scolaire. Ce n’est qu’un peu plus tard que nous avons entamé la vente des livres. Il y avait des amis à mon père qui nous avaient aidé dans notre entreprise. Je travaillait à l’ex-Casoral et j’étais obligé de laisser tomber mon poste de travail afin de me consacrer à la librairie. Les choses commençaient à s’agrandir. Nous avons tissé des relations avec les maisons d’édition, le peu qui cessait à l’époque.En nous donnant à fond dans le travail, mes trois frères et moi, avons réussi à acquérir une certaine expérience, confie encore Ahcène. Au fil des années, toute la grande famille Aït Mouloud s’est lancée dans le bain. Actuellement, en plus des quatre frères, les neveux aussi se sont lancé ans le même créneau. Ce sont ces derniers, qui ont lancé, il y a quelques mois, la grande librairie aux galeries de la Paix.Aujourd’hui, l’établissement Aït Mouloud est partagé en plusieurs espaces. Au premier étage de la librairie qui porte l’enseigne “Nath Medjebeur”, les rayons sont entièrement consacrés au livres littéraires. On y trouve des romans, des livres d’histoire, des recueils de poésie, des essais politiques, des livres d’histoire, et de psychologie. Le rez-de-chaussée est divisé en deux parties. La première est une papeterie tandis que la seconde est une autre librairie consacrée au livre universitaire et religieux.L’espace diffusion implanté à la Nouvelle-Ville contient toutes sortes de livres et il est géré par Karim. Il alimente particulièrement les librairies des wilayas de Tizi Ouzou, Bgayet, Bouira et Sétif.Est-ce que qu’il y a quelqu’un qui a particulièrement aidé les Aït Mouloud à devenir, ce qu’ils sont aujourd’hui, c’est à dire des professionnels du livre ? “Je tiens à remercier particulièrement le regretté Abdelkader Nabet qui nous a beaucoup aidés notamment nous avons commencé à investir dans le domaine de la diffusion”, nous dit Ahcène. Ce dernier précise que son établissement s’est spécialisé, plus dans le livre inhérent à l’amazighité, comme les ouvrages de Mohand Akli Haddadou, Kamel Naït Zerad, Abdennour Abdesselam… Mais les Aït Mouloud diffusent en même temps des ouvrages d’autres spécialités et donnent un sérieux coup de mains aux auteurs de la région qui publient à compte d’auteur dont ils prennent en charge la distribution bien qu’il ne s’agit point d’une activité lucrative. Et contrairement à ce qui se dit, Ahcène Mouloud nous a révélé l’existence d’une très forte demande de livres en tamazight ou qui ont un rapport avec cette langue et culture. La demande est aussi intense en Kabylie que dans les wilayas d’ailleurs. “En tant que diffuseurs, nous avons tenté d’apporter notre modeste contribution à la promotion du livre amazigh”, indique Ahcène.
L’Aslia, une association au service de lecteur et du libraireAu bout de deux décennies, les Ets Aït Mouloud ont atteint une certaine notoriété. Presque sans surprise, Ahcène Aït Mouloud est choisi par ses collègues pour faire partie des neuf membres du bureau de l’association des librairies algériens (Aslia), créée le 7 juin 2001. Dans le bureau de cette association, on trouve Fatiha Saâl (Librairie des Arts et de lettres) qui en est la présidente. Y figure aussi Sid Ali Sekheri de la librairie El Ghzali… Interrogé sur les objectifs de Aslia, Ahcène Aït Mouloud citera la défense des droits du libraire, la reconnaissance de son rôle, de son statut et de sa place primordiale dans le circuit du livre. Aslia offre un cadre de concertation d’échanges, de coopération et de solidarité, en vue de cerner, d’améliorer et de développer la profession. L’association assure la représentation auprès des pouvoirs publics, des institutions des organisations internationales et nationales et enfin, la promotion du livre et de la lecture, de la création et la défense de la libre circulation des œuvres. Aslia regroupe en son sein des librairies du secteur public et du secteur privé de différentes régions, parmi les plus importantes sur le territoire national. Actuellement, elle compte 70 adhérents représentant un réseau de plus d’une centaine de librairies. Aslia a initié plusieurs cycles de formation dans le cadre de son programme qui s’inscrit dans le sens de la professionnalisation des librairies. Ces derniers ont été initiés à la gestion et l’nformatisation commerciale de la librairie aussi que les techniques de vente. Par ailleurs, un suivi de formation est prévu consistant en une mission, au niveau, de six librairies, d’un expert librairie de l’Association internationale des librairies francophones (AILF) dont le but est l’évaluation sur le terrain du travail accompli d’établir un diagnostic avec au bout de compte, une sorte de conseil.Aslia décerne chaque année, Le prix des librairies à un romancier algérien.Yasmina Khadra, a été premier lauréat. Il été primé lors du 8e Salon international du livre d’Alger. Ahcène Aït revient sur les activités de son établissement : “Nous avons aussi créé, le SPL, syndicat des professionnels du livre; présidée par Mlle Abed. Le SPL regroupe l’ensemble, des intervenants dans la chaîne du livre, c’est-à-dire le libraire, l’éditeur…J’ai été élu membre du bureau mais comme je ne pouvais pas activer simultanément dans deux associations j’ai fini par quitter le SPL sans gaieté de cœur car c’était une équipe formidable.”Aït Mouloud a participé aux Salons du livre d’Alger et à ceux de Paris. Il a tenu des séances de travail avec les représentants de prestigeux éditeurs français comme le Seuil, Gallimard, Hachette, etc…
Des projets assurément ?Aït Mouloud Ahcène ne compte pas laisser tomber le domaine du livre qui le passionne de plus en plus davantage.Mais pour l’instant il ne veut pas anticiper?. Ahcène réfute, l’idée établie selon laquelle le livre trouve peu d’acheteurs.En cette période de congés, il nous confie que les émigrés par exemple préfèrent acheter le livre en Algérie, car il revient moins cher. En plus, les émigrés aiment tous les livres qui concernent la Kabylie. Dans le cadre des ventes-dédicace, Aït Mouloud a abrité des séances avec Boualem Sansal, à la sortie de “Le serment des barbares” Benyoucef Benkhedda pour son livre sur Abane Ramdane, Younès Adli, Saïd Kaced et tout récemment Abdennour Abdesselam.Aït Mouloud souhaite inviter d’autre écrivains pour instaurer cette tradition dans la capitale du Djurdjura. Il pense d’ores et déjà à Yasmina Khadra.
A. M.
