Les cités universitaires algériennes se clochardisent

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Ces désolantes scènes de violence dans l’enceinte de nos CU, sont, le fait d’une jeunesse qui a vécu une violence inouïe pendant plus de dix ans. Elle fonctionne dans la même logique que notre société, soit la criminalité, l’insécurité, le chômage, pour ne citer que ces maux. Pour cela, l’étudiant est rattrapé aujourd’hui par les différentes tendances de la société, comme la violence, le clientélisme et la corruption. Bref, l’université est au bord du gouffre. Les résidences universitaires sont devenues le lieu préféré des extras, qui circulent sans être inquiétés le moins du monde. Les étudiants ne se sentent plus en sécurité. Ils sont constamment agressés par des intrus et des délinquants, habitant les quartiers limitrophes de ces cités. « Notre cité est devenue le lieu où les extras et les intrus viennent tous les soirs imposer leur loi, au su et au vu des agents de sécurité qui les connaissent parfaitement. Nous avons alerté à maintes reprises les responsables ainsi que le directeur, mais rien n’a été fait pour remédier à la situation. Mes camarades sont souvent attaqués par ces voyous dans les unités de restauration qui appartiennent désormais aux voyous de ces bidonvilles, qui entourent notre cité », s’indigne Mourad, un résidant à la cité universitaire des garçons Hydra-Centre.

Ils sont de plus en plus nombreux à subir les attaques de ces délinquants dont la plupart auraient fait de la prison, selon nos sources. En outre, certains d’entre eux s’infiltrent à travers les chantiers qui avoisinent ces cités, mais certains passent directement par les portails, devant le regard passif des agents de sécurité, qui sont souvent menacés par eux.

Conditions misérables, insécurité, frustration et barrières ethniques, sont-elles derrière cette situation ?

La situation de nos cités universitaires n’est plus ce qu’elle était, par la mauvaise qualité des repas servis, l’hygiène inexistante à l’intérieur des pavillons, la qualité des chambres, pour ne pas dire les cages de poule et le manque de moyens.

Il reste que la protestation des étudiants devant la direction de leurs résidences n’a abouti à aucun résultat. “Cette situation a poussé certains étudiants à quitter la résidence et à rentrer chez eux, à cause de l’insécurité qui s’est greffée à d’autres problèmes relatifs aux incessantes coupures d’eau et du courant électrique, à la vétusté des pavillons, au manque d’hygiène et à la mauvaise qualité de la restauration’’, témoigne un étudiant résidant à la nouvelle cité universitaire de Barechiche se situant à El-Kseur, dans la wilaya de Béjaïa où la situation s’aggrave de plus en plus, alerte-t-on. Les agresseurs opèrent de jour comme de nuit et profitent de l’isolement de cette cité. Les étudiantes sont malmenées et délestées de leur argent et de tout objet de valeur, devant l’absence de l’éclairage, qui a facilité les choses pour les voleurs qui agissent généralement en groupe. Lors de notre virée au niveau de cette cité, on s’est entretenu avec quelques résidants de ce campus, ces derniers témoignent qu’ils sont souvent harcelés par ces clochards l’année passée. “J’ai été agressée par des individus étrangers. Ils se sont approchés de moi, à quelques mètres du portail du campus, et ils m’ont délesté de tous mes biens en me menaçant de mort si je déposais plainte”, nous confiait Smaïl étudiant en fin de cycle.

D’autre part, il est très important de contourner toutes ces logiques et de fonder une université sur des bases nouvelles, alors qu’elle devrait transcender les barrières ethniques, tribales, régionales et mentales.

Dans le même sillage, il convient de savoir que les barrières ethniques où ce qu’on n’appelle le régionalisme, ne sont plus à l’origine de ces scènes de violence, comme c’était le cas naguère, d’autant que les rixes enregistrés dans les différentes cités étaient beaucoup plus sociales qu’ethniques.

Chronologie de différentes scènes de violence depuis 2006

Le phénomène de la violence au sein de nos cités universitaires prend des proportions alarmantes, d’autant plus que la violence est devenue quotidienne dans l’enceinte de différentes cités. A titre de rappel, en septembre 2006, la jeune étudiante Kadache a été mortellement agressée à l’intérieur de l’université de Bab Ezzouar. Une année plus tard, précisément le 28 mai 2007, la même cité a enregistré des scènes de violence et d’affrontements entre étudiants, une situation qui a failli dégénérer, n’était l’intervention des agents de sécurité. Le 20 octobre 2008, un enseignant de l’université de Mostaganem a été lâchement assassiné par l’un de ses propres étudiants.

Ce crime crapuleux a suscité l’indignation de toute la famille universitaire, d’autant que ce grave dérapage était une première en Algérie. Pour rappel, le professeur Mohamed Benchehida était spécialiste en physique et en énergie nucléaire, ancien membre de la Commission française de l’énergie nucléaire.

Un mois plus tard, le 8 novembre de la même année, à l’université de Constantine, un étudiant est agressé à l’arme blanche par son propre ami. L’insécurité et la violence n’ont épargné aucune cité, et même celles où résident les filles.

Les délinquants circulent souvent en toute liberté entre les pavillons et certains tentent même de rentrer dans les chambres pour voler, insulter et malmener les résidantes, durant la journée et tard, dans la nuit. Dans leur furie, les étudiantes de la cité universitaire de jeunes filles de Tizi-Ouzou ont saccagé le restaurant et l’administration de leur résidence, le 16 décembre 2008, en signe de protestation contre les problèmes qui prévalent au sein de leur cité. Le début de l’année en cours était très violent. La violence est généralisée dans toutes nos cités. Le 11 janvier 2009, des étudiants inscrits à l’université de la formation continue (UFC) de Sétif ont tenté d’alerter les autorités compétentes sur l’insécurité dans le campus, envahi par des extras et des voyous. Le 19 février 2009, sept blessés et six arrestations ont été enregistrés lors d’échauffourées à la cité universitaire d’El Taref. On ne doit pas, en outre, omettre l’implication des étudiants africains dans ces scènes de violence. Ces derniers en sont souvent à l’origine. Le 27 février 2009, un étudiant burundais a été victime d’une agression à l’arme blanche, perpétrée à proximité de la résidence U pour filles Nahas-Nabil. A peine un mois après, une bataille rangée entre plusieurs factions d’étudiants, le 16 mars 2009, au centre universitaire de Bouira. Le 12 avril 2009, des étudiantes se bagarrent à couteaux tirés dans la cité universitaire de Annaba. Un jour après ces rixes, des scènes de violence sur fond de surenchères partisanes à la cité universitaire de Tiaret ont été déplorées.

Le 6 mai courant, un médecin de la cité universitaire d’Ihadadène, à Béjaïa, a été mortellement poignardé dans l’enceinte de la résidence, lors d’une altercation avec un responsable de l’administration. Ce dernier a pour sa part reçu un coup de couteau et est gardé en observation à l’hôpital de la ville.

Deux jours plus tard, un drame a été évité de justesse, à la cité universitaire de filles Bastos où des rixes se sont produites entre les résidentes de cette cité, une scène désolante qui a causé une dizaine de blessées. La violence gagne aussi les cités universitaires d’Alger, c’est le cas notamment pour les deux cités de garçons, à savoir, Hydra-Centre, et la cité, Taleb-Abderrahmane, la première a enregistré la mort d’un résidant, mortellement poignardé par ses propres amis, un mois plus tard, un autre cas d’agression par arme blanche s’est produit au sein de cette même cité, alors que la deuxième cité a enregistré une tentative de suicide d’un résidant qui s’est jeté du dernièr étage de son pavillon.

C’est une étrange atmosphère, qui règne ces derniers jours dans de nombreuses cités universitaires algériennes. Ces scènes de violence viennent nous confirmer ainsi que la violence s’est banalisée un peu partout. Elle est en train de pénétrer dans des milieux que l’on croyait jusque-là épargnés. Des milieux qui finalement n’échappent pas à la grande déprime sociale et à la déliquescence morale qui frappe le pays.

A quand la réaction des pouvoirs publics ?

Devant cette amère réalité, et ce gangstérisme qui règne dans nos CU, la réaction des pouvoirs publics ainsi que des responsables de l’Office national des œuvres universitaires (ONOU), est plus que nécessaire. Il reste que les services de sécurité et les pouvoirs publics font semblant d’ignorer la détresse des étudiants et travailleurs de ces CU. “Nous avons demandé au recteur de renforcer le corps des agents de sécurité au niveau de chaque résidence universitaire, mais ce dernier prétexte à chaque fois, l’absence de postes budgétaires, des alibis qui sont inadmissibles pour nous. Ce n’est qu’une fuite en avant’’ déplorent nos interlocuteurs. L’insuffisance du nombre des agents de sécurité, ainsi que la complicité de certains d’entre eux avec les extra-universitaires, sont à l’origine de tous les dépassements.

Les étudiantes ont protesté vainement à maintes reprises contre la dégradation de la situation sécuritaire aussi bien à l’intérieur qu’aux alentours de leur résidence. Enfin, les pouvoirs publics devraient prendre au sérieux ces cris de détresse, d’autant qu’il s’agit de la sécurité de milliers de personnes, et de la protection des institutions livrées à elles-mêmes. Pour cela, il est important de contourner toutes ces logiques et de fonder une université sur des bases nouvelles pour éviter l’irréparable.

Yahia Maouchi

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