Le comité du Printemps noir d’Akbou, composé des familles des victimes et des animateurs du mouvement citoyen, ont célébré deux jours durant, mercredi 17 et jeudi 18 juin, le huitième anniversaire de “l’assassinat” des cinq jeunes Nekkali Abd Ennour, Arzoug Slimane, Sidhoum Karim, Mesbah Krimo et Iffis Ramdane. L’avocat des victimes du Printemps noir, Salah Hanoun, y a animé une conférence qu’il a entamée par l’importance de la commémoration en tant que culture à même d’empêcher les drames vécus de se reproduire. “Qu’est-ce qui tue un peuple, un homme ?” C’est l’oubli, soutient le conférencier qui croit qu’“un peuple amnésique est condamné à refaire ses erreurs !”.
Abordant le thème de la conférence, “l’impunité en tant que mode de gouvernance”, il dira que “celle-ci est la colonne vertébrale des régimes dictatoriaux, elle leur est intrinsèquement liée !” Il affirme que “ceux qui ont tiré sur des jeunes en 2001, ne l’ont pas fait pour blesser les émeutiers, mais leur intention était de tuer”. Abordant l’impossibilité dans laquelle se trouve le système judiciaire algérien à rendre justice aux victimes, il exclut la possibilité de recourir aux instances internationales activant dans le domaine juridique, car ce qui s’est passé en 2001 en Kabylie, ne s’apparente pas, selon le conférencier, au génocide, crime contre l’humanité ou crime de guerre. La saisine des instances telles que le TPI (Tribunal pénal international) ou la CPI (Cour pénale internationale) est restée inopérante. Au sujet des ONG, il dira : “Nous savons que les actions et les activités des ONG n’ont pas de conséquences sur le terrain, elles ne sont pas portées politiquement par les Etats.” Poursuivant son analyse sur les initiatives de création d’une justice à l’échelle internationale, l’invité du comite de Printemps noir d’Akbou révèle : “Depuis 1994, ce qu’il y a de nouveau sur le plan judiciaire est la création d’une compétence universelle en Belgique où il était possible entre 1994 et 1998 de déposer des plaintes contre les auteurs de génocides, crimes contre l’humanité et crimes de guerre à la seule condition de présenter des preuves palpables.
Malheureusement, le nombre astronomique des plaintes déposées contre Sharon et Bush pour leurs actions en Palestine et en Irak a fait reculer la Belgique qui, étant un petit Etat, ne pouvait pas juger ces hommes ! La Belgique a alors créé, pour contourner la difficulté et sauvegarder un tant soit cette institution, le critère de rattachement à la Belgique”. Quant au “décret présidentiel portant indemnisation de parachèvement de l’identité nationale” qui régit le processus d’indemnisation des jeunes assassinés et les blessés du Printemps noir, S. Hanoun estime que “l’indemnisation est le minimum redevable aux victimes et en aucun cas, elle ne doit se faire au dépens de la justice ou, encore moins, à se substituer à elle”. Faisant appel au “mot” dans le sens où celui-ci recèle pour une grande part notre patrimoine culturel, S.Hanoun termine sa conférence par les vers très connues de Mohya :
“Les mains n’assènent pas des coups, elles ne sont faites que pour écrire ! Les pieds ne fuient pas, mais ils peuvent supporter la position debout ! Ce n’est pas moi que vous retiendrez, je vous défie de stopper mes mots !”
B. Sadi