Tiziri était encore un bébé que seules les mélodies des berceuses mettaient entre les bras de Morphée, lorsque les balles assassines nous ont ravi Lwennas. Logiquement, ces douze années à peine entamées ignorent tout de Matoub. Nous lui ferons écouter un échantillon d’artistes. La seule voix qu’elle identifiera est celle du défunt. Cela est d’autant incroyable que la jeune Tiziri maîtrise peu le kabyle pour avoir évoluer dans un milieu arabophone.
Mais, à y voir de près, nous ne trouverons pas l’identification de la voix par la petite Tiziri si incroyable que cela.
Par la force de son omniprésence dans tous les foyers kabyles, sa voix devient familière au plus arabophone des Kabyles. En fait, l’effet qu’aura la voix du Rebelle sur les jeunes est le même effet, l’apport de l’institution en moins, qu’aura l’école sur les écoliers avec l’hymne national.
L’avènement des ârchs sublimera, au fil des meetings, la voix rugissante de l’artiste. Celle-ci imposera son timbre aux jeunes générations qui, jusque-là, n’avaient pas forcément écouté et apprécié les Dda Moh N’Ath Irathen, A guerro N’lkif, T’nssa tafath, Tissirt N’dama…
Le fatal Aghuru hissé par la dynamique des ârchs au stade d’un véritable hymne national fonctionnera comme le déclic qui fera découvrir aux jeunes générations le répertoire de Matoub. Ses textes deviendront les contours d’une autorité argumentaire et de véritables proverbes dans la bouche de tous ces jeunes qui en 1998 étaient à peine pubères. « Akken s-yenna Matoub (comme a dit Matoub) » est devenu le préambule à l’annonciation d’un argument, d’une vérité indiscutable.
Dans le sillage de l’introduction de tamazight à l’école, le texte de Matoub devient un support pédagogique qui sera décortiqué par des ados. Ainsi, au-delà de la voix, ces ados découvriront le texte et sa profondeur.
C’est dire que la connaissance de ces jeunes est académiquement plus poussée que celle de leurs aînés les »quatre vingtards ».
En plus, cette donne scolaire imposera sans aucun doute, le génie et l’aura du Rebelle auprès des générations à venir. Pour peu, bien entendu, que l’école reste ouverte à la littérature kabyle tous genres confondus.
Et si aujourd’hui K7 et autres CD de Lwennas se vendent toujours comme des petits pains, c’est parce que l’offre est au diapason d’une jeune demande allant crescendo.
T.O.A
