“Il défendait toutes les causes justes”

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La Dépêche de Kabylie : Onze ans se sont écoulés depuis l’assassinat de Matoub Lounès, quels souvenirs en gardez-vous ?

Boudjemaâ Agraw: Des souvenirs, il y en a tellement que je ne peux tous les raconter depuis 1978 jusqu’au jour où il nous a quittés à jamais.

Les mauvais souvenirs, c’est pendant la période noire où on assassine, chaque jour, et dans chaque coin de rue, un ami ou un proche. Je me souviens de lui qu’à la fin de chaque enterrement d’un intellectuel, d’un journaliste, d’un artiste ou de la démocrate, on ne se disait pas au revoir où à la prochaine fois, parce que personne ne savait à qui le tour dans cette infernale tuerie !

Vous avez connu Lounès de près, racontez-nous une journée de sa vie quotidienne ?

Les bons souvenirs, c’est lors des marches et de manifestations. Lors des galas, au Zénith, en France et en Algérie. Quand on voit tous ces gens derrière nous, mobilisés, et qui répondaient présents à chaque manifestation. Par exemple, lors de son passage sur TF1, avec la présentatrice Anne Sinclair. Idir, le chanteur, Bebene de l’ACB, et lui, nous étions restés jusqu’à 3h du matin chez Dda Ramdane, qui nous a quittés lui aussi. Il était un ancien militant de l’Académie berbère, il tenait un restaurant dans le XXe arrondissement, à Paris. A un certain moment, nous lui avions dit d’aller se préparer pour l’émission, il nous a dit qu’il avait tout dans la tête et qu’il pensait comment humilier Philippe Devillier, le chef du parti de l’extrême droite française. Et ce jour-là, il passait avec lui dans cette émission. Cela pour vous dire qu’il défendait toutes les causes justes, y compris le combat contre le racisme.

Vous avez participé, et ce depuis 1998, à des festivités culturelles et artistiques organisées en sa mémoire, cela suffit-il pour rendre hommage à cet artiste-militant ?

Oui ! J’ai participé à tous les hommages parce que tout ce qu’on peut faire pour lui n’est pas suffisant. Il ne faut pas oublier qu’il s’est sacrifié pour notre avenir et celui de nos enfants, pour notre identité et pour une véritable identité, soit pour une Algérie meilleure, comme il le disait lui-même.

Lounès était un militant exemplaire et un artiste au talent indiscutable, pouvez-vous nous parler de Lounès l’artiste ?

Lounès est un artiste reconnu dans le milieu artistique pour son professionnalisme.

Lounès est un artiste de talent, mais pour moi, il est un militant avant tout.

Sur le plan artistique, il a pu avoir sa consécration, mais sur le plan politique, le militant qu’il était est parti très tôt. Il n’a pas pu voir le jour ou tamazight a été constitutionnalisée, mais, hélas, la vie est faite ainsi, il s’est sacrifié pour l’avenir de la Kabylie. Donc, que dire de plus, sauf qu’il a lutté et surtout qu’il a joint la parole aux gestes, jusqu’à son dernier souffle.

Propos recueillis par M. Mouloudj

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