Bidari, Toche et Djebanet Lihoud

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Bône, la coquette, n’a rien perdu de son charme. Toujours aussi élégante, la ville continue de séduire, de se faire désirer et d’épater par ses paradoxes. Annaba, la plus belle ville de la côte est, aussi la plus dangereuse. Mais les estivants qui s’y abritent s’efforcent de ne pas trop penser à ses petits péchés mignons, quand on aime, les défauts sont parfois perçus comme des futilités.En l’atteignant dans la soirée de mardi dernier, on aurait bien voulu consacrer le plus clair de notre temps à admirer ses attraits et ses mystères.Mais notre présence à Bône n’était nullement motivée par un quelconque intérêt touristique. La ville nous a tendu les bras pour accompagner les forces combinées de la police et de la gendarmerie aux fins fonds des lieux de débauche, de délinquance et de criminalité. Et pour cela, on a été gracieusement servis. Dès la matinée du lendemain (mercredi), le commandant de la compagnie de gendarmerie, le capitaine Hamed Abdelouahab Lotfi, nous invite dans son bureau pour nous communiquer une des plus grosses affaires d’escroquerie que la ville n’ait jamais connu, dont l’auteur, habile et beau parleur, a pu empocher la bagatelle de 26 milliards de centimes en roulant, par le simple verbe, près de 150 revendeurs de voitures.Le colonel Ayoub Abderahmane, le chargé de communication au commandement de la Gendarmerie nationale, suit l’affaire de très près. Il n’était certes qu’un invité comme nous autres, mais sans lui, cette mission n’aurait jamais existé. Il en est le concepteur depuis la capitale, comme d’ailleurs toutes celles qui l’ont précédée où il a eu à accompagner les journalistes des différents organes de presse à tous les points chauds du pays.Vers 11h, en quittant l’imposant siège des gendarmes, nous prenons la direction du centre-ville vers les bureaux du chef de sûreté d’Annaba, Benchikh Hocine Kheir Eddine, qui a tenu à accueillir la délégation. La rencontre s’est rapidement reconvertie en point de presse, où notre interlocuteur a eu à brosser un tableau exhaustif sur la situation sécuritaire dans la wilaya. “Pour le chef-lieu, sachez que la criminalité a baissé de 70% grâce aux 18 groupes de patrouilles permanentes (160 hommes environ) qu’on a mis sur pied récemment. Ces unités procèdent à des rafles quotidiennes dans divers quartiers de la ville, notamment les plus sensibles, chose qui a dissuadé bon nombre de délinquants de vouloir agir”, a-t-il asséné avant de préciser : “Ce même taux est cependant beaucoup plus élevé dans les localités de la banlieue, notamment El Bouni, Bouhamra et Sidi Salem”…Dans la foulée, l’on a eu à constater que la sûreté de wilaya d’Annaba a eu à traiter entre le deuxième semestre 2004 et le premier de 2005, pas moins de 3 725 affaires liées à l’atteinte aux personnes, touchant aux biens, 301 crimes économiques, 224 affaires de drogue, et la saisie de 79 kg de kif traité ainsi que 3834 psychotropes. Les délits d’atteinte-te à l’ordre public sont évaalués à 104 affaires.La brigade criminelle a, quant à elle, procédé à 6763 interpellations depuis le 1er janvier dernier.Selon nos interlocuteurs, les éléments de ladite brigade effectuent 5 à 6 descentes par jour, et ce, dans le cadre du programme sécuraitaire spécial saison estivale. L’écrasante majorité des personnes appréhendées, au nombre de 336, sont poursuivies pour détention d’armes prohibées, 37 pour agressions, et 63 étaient recherchées.

La gendarmerie communique A la mi-journée en sortant du siège de la sûreté de wilaya, les éléments de la Gendarmerie nationale étaient déjà postés dans les parages. La délégation est embarquée dans les 4×4 des darkis pour prendre la route de Seraïdi. Avant d’y arriver, on bifurque à droite et on se lance dans un chemin sinueux et descendant. Direction Djenane Dey, l’une des plus belles plages d’Annaba.Cette plage dépendant administrativement de la commune de Seraïdi, et à quelque 14 km de Bône, accueille jusqu’à 500 estivants quotidiens dans les périodes des grades chaleurs. La présence des gendarmes et des éléments de la Protection civile sur les lieux n’est pas le seul motif incitant à s’y rendre. Il faut dire aussi que la plage, quasiment vierge, est trop gâtée par la nature. En sus de l’agréable spectacle qu’offre le flirt permanent de la forêt et de la mer, la plage est rendue encore plus craquante grâce à la baie splendide coincée entre deux montagnes plongeant dans les eaux. Les décors sont tout simplement ravissants. Pas moins que les silhouettes qui y déambulent.Comme pour nous arracher à l’imprenable vue qui s’offre à nos yeux, le colonel Krouchi Yahia, chef de groupement de gendarmerie de la wilaya de Annaba, s’approche de nous pour nous rappeler qu’il faudrait reprendre le boulot dès 16h, à l’occasion du point de presse qu’il tiendra à son bureau. Il faut dire que l’officier humble et courtois connaît bien son métier.Dans tous ses faits et gestes, on peut aisément déceler un remarquable tact professionnel.L’entrevue qu’on a eue avec lui aux abords de la plage était plus qu’enrichissante, notamment après avoir su qu’il devisait avec un jeune Kabyle travaillant pour un jeune journal de Kabylie. Là, les débats se sont déroulés à bâtons rompus, et l’officier ne paraissait point peu fier d’avoir passé plusieurs années de sa carrière dans la localité d’Amizour, vers la fin des années 1980. Le colonel Krouchi nous a, par la suite, détaillé l’organigramme wilayal de la gendarmerie ses prérogatives, ses champs d’action, ainsi que ses perspectives futures. En l’écoutant, on avait du mal à concevoir l’idée qu’il est appelé à quitter la wilaya dans quelques jours pour prendre ses nouvelles fonctions à… Tamenrasset. De fait, et lors de l’entrevue qu’il a eue avec la presse dans l’après-midi, le colonel, toujours aussi précis dans ses propos, a établi un bref état des lieux sur les activités de la Gendarmerie nationale dans la wilaya de Annaba. Un état des lieux qui a prioritairement focalisé sur la criminalité, la délinquance, la sécurité routière, ainsi que le fameux plan Delphine. “Avant de m’étaler sur les missions et les objectifs de ce plan, j’aimerais rappeler que la wilaya d’Annaba s’étend sur 80 km de côte, et qu’elle possède pas moins de 19 plages, dont 15 surveillées. Pour cela, et pour assurer la sécurité des 5 millions d’estivants que notre wilaya accueillie chaque été, la Gendarmerie nationale a déployé 500 éléments pour prendre part au plan Delphine. La mission principale de ces hommes est de protéger les lieux et les personnes ainsi que le maintien de l’ordre public. Pour cela, les brigades ont mis sur pied de nouvelles mesures de sécurité telles que les postes de service dans les plages, les barrages fixes et les descentes inopinées. Toutes ces actions sont relayées 24 h sur 24. Et pour l’heure, l’opération semble se dérouler dans des conditions appréciables. Au jour d’aujourd’hui, nos éléments ont déjà traité 32 affaires.Les personnes interpellées dans le cadre de cette opération sont poursuivies pour ivresse publique, et manifeste d’injures, détention d’armes blanches, agressions, ainsi que la consommation de drogue…”, nous a expliqué le colonel Krouchi, secondé, à plusieurs reprises par le capitaine Ahmed Abdelwahab Lotfi.

La descente aux enfersJeudi, à 16h nous quittons pour la dernière fois l’hôtel Rym El Djamil en partance vers le groupement de la gendarmerie. Là, tous les officiers de la police et de la gendarmerie qu’on a rencontrés durant la mission ont regroupé leurs hommes. C’est le grand jour. Les forces de sécurité frapperont à la tombée de la nuit.Le colonel Ayoub, notre accompagnateur depuis Alger, est présent pour le briefing des officiers. Toujours aussi discret.L’heure du départ est fixée à 20h. Une dizaine de Toyota 4×4 s’apprêtent à partir. Elles ne constituent, en fait, que le cortège des officiers et des journalistes. Sur le terrain, près de 500 hommes, entre gendarmes et policiers, sont sur le pied de guerre. Ils n’attendent que le feu vert pour agir. La mission combinée est inaugurée exactement à 20h30 dans le parc d’attractions, de Sidi Achour. Lors de la rafle, 32 personnes sont arrêtées. La plupart pour non-présentation de pièce d’identité. Les autres pour détention d’armes blanches.Le quartier Bidari, sis à la commune d’El Bouni, était notre deuxième halte. 14 personnes y sont appréhendées pour les mêmes motifs. Puis, c’était au tour du quartier Sefsaf d’être visité par les forces de sécurité. Là, la “prise” était plus intéressante, puisque les policiers ont pu choper deux jeunes personnes en possession d’une importante quantité de drogue. Les quartiers Toche et Djebanet Lihoud, réputés être les plus sensibles de la ville, sont perquisitionnés peu après 22 h. Bilan : 50 interpellations.Les forces de sécurité combinées se sont scindées en 10 groupes distincts pour agir simultanément par surprise. En tout, l’opération s’est soldée par l’arrestation de 457 personnes. Après l’identification effectuée sur les deux fichiers de la police et de la gendarmerie (une opération qui a pris en tout et pour tout 2 petites heures), il a été constaté que 52 personnes parmi les appréhendées étaient recherchées pour leur implication dans des affaires diverses. 6 (dont deux récidivistes) pour vol qualifié, neuf en possession de drogue, 12 pour ivresse publique et atteinte à l’ordre public (avec 72 bouteilles d’alcool saisies), et 23 pour possession d’armes blanches. Les chiffres se passent de tout commentaire.L’opération était un succès total. Lors du point de presse qui a sanctionné cette descente nocturne, nous avons décelé une nette volonté de vouloir rééditer la même mission parmi les responsables des deux corps de sécurité. Une volonté qu’aurait véhiculé l’impressionnant bilan établi à la fin de la soirée et qui démontre, si besoin est, que des efforts plus ciblés et plus solidaires peuvent rapporter gros. Très gros. “Mon souhait est de voir ces opérations plus nombreuses et moins médiatisées”, nous a confié le colonel Ayoub Abderhamne, lors de la dernière nuit qu’on a passée à Annaba, qu’on a quittée avec la promesse de se revoir très prochainement.

A. B.

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