Après une période de doute caractérisée par des balbutiements qui ont failli l’emporter sur les rives d’un lendemain incertain, la chanson kabyle semble renaître de ses cendres. Une nouvelle vague d’artistes qui reprennent le flambeau tentent de maintenir le cap en gardant le même engagement loin des logiques rentières « œuvres saisonnières ». C’est justement, grâce aux efforts consentis par ces nouvelles têtes que la chanson kabyle entame une nouvelle ère qui lui permettra de sortir la tête de l’eau, de se libérer du joug de la folklorisation excessive et de s’inscrire dans une ligne privilégiant la création, rien d’autre.
Même si les anciens gardent encore la cote auprès d’un public avide de productions originales, les jeunes artistes qui émergent s’imposent sur le terrain et arrivent, graduellement à conquérir l’ancienne génération par des œuvres époustouflantes. La chanson kabyle, a de tout temps, gardé la même structuration. Le mélange entre style moderne et traditionnel a toujours donné vie à ce segment important de la culture kabyle. Durant les années 1970, ces deux styles ont coexisté grâce à des noms exceptionnels dévoués pour la cause et engagés dans le combat identitaire faisant de leurs talents un outil au service d’un idéal, d’un combat. Si les Aït Mengellet, Farhat Imazighen, Matoub Lounès ont bercé la Kabylie sous les airs de la musique traditionnelle, les Idir, Djurdjura, Meksa, les Abranis et les autres jeunes de l’époque ont apporté des mélodies nouvelles transportant la chanson kabyle vers l’universalité, la libérant ainsi de l’anonymat dans laquelle elle est confinée des décennies durant.
Plus de 40 ans après, le schéma est presque identique même si la chanson a connu quelques « avilissements » résultat de l’avènement d’une nouvelle tendance, le non-stop ou le tout, sauf la bonne parole. La chanson à texte s’en est retrouvée esseulée, absorbée par le vacarme des chansonnettes qui n’ont pas eu, fort heureusement, raison de la volonté des artistes restés fidèles à leur ligne de départ. De nouveaux talents tentent de replacer la chanson kabyle dans cette logique de création. Ce ne sont naturellement pas les indices qui y manquent. L’éclatant succès du concert événement de Mouloud Zedek et la montée de jeunes artistes qui s’imposent tels que Ali Amrane, Belaïd Abranis, entre autres, sont justement le prélude à la renaissance de la chanson kabyle grâce à cette nouvelle vague incarnant les deux tendances, le traditionnel et le moderne. L’on peut même avancer, sans risque de nous tromper, que la relève est dans ce sillage assurée. Mouloud Zedek se dresse sur la scène artistique comme le digne héritier des anciens avec une force du verbe extraordinaire. Ali Amrane, pour sa part, tente de (re) hisser la chanson kabyle, à l’image de Idir, vers l’univérsalité. Son dernier album en est l’illustration parfaite d’autant plus qu’il a été signé par l’un des plus grands arrangeurs au monde, Chris Birkett, en l’occurrence. Le renouveau de la chanson kabyle tant espéré, pourra donc vite arriver, grâce à tous ces talents jaloux de leurs culture kabyle, au combat identitaire et aux mots d’ordre de la revendication qui font son socle de base… Il était vraiment temps car la vie sans (bonne) musique est tout simplement une erreur, une fatigue… un exil, comme disait Friederich Nietzsche.
Omar Zeghni
