Les heures tendues de l’être et du paraître

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n Par Amar Naït Messaoud

«Gens bien avisés, il reste encore un dé !

C’est notre précieuse culture ; nous y avons recours dans les moments d’infortune ;

gare à l’oubli !

La culture n’est ni à hypothéquer ni à brader»

Aït Menguellet

De l’indépendance jusqu’à l’ouverture politique de 1989, la culture était régentée par le parti-Etat et en a fait un moyen idéologique d’embrigadement et de caporalisation de la société. Une étrange mixture de gauchisme et d’arabo-islamisme avait longtemps imposé ses canons creusant ainsi un gigantesque fossé entre la culture du peuple et la culture officielle.

La grande lézarde qui a affecté le corps de la société depuis la fin des années 1980 n’a rien d’un tonnerre dans un ciel serein. C’est un long processus de régression et de chute aux enfers. La baisse des recettes du pétrole n’a fait que jeter sur celui-ci la lumière crue d’un pays subitement désargenté. Aucun étonnement quant au nouveau cours pris par les événements après 1991. Tous les errements des pouvoirs successifs qui ont installé l’esprit d’assistanat dans les structures de la société et désarmé l’être algérien face aux nouvelles réalités du monde qui continuaient à évoluer sans nous, voire contre nous, ne pouvaient aboutir qu’au désastre social et au malaise culturel que ne peut endiguer aucune politique de réforme basée exclusivement sur la volonté de la redynamisation de la croissance économique.

La situation de certains pays d’Afrique classés comme étant les moins avancés de la planète et vivant sous le seuil de la pauvreté, n’est pas nécessairement plus dramatique que la nôtre. Là où les valeurs culturelles et les structures familiales gardent encore leurs fonctions de sublimation-au sens freudien-, la crise économique est largement relativisée ; elle ne prend les dimensions d’un drame que lorsqu’elle est manipulée par des parties extérieures pour des fins mercantiles ou tenant de la géostratégie mondiale.

Ainsi, des pans entiers de la mémoire et de l’être algériens furent scotomisés et mutilés. Le pouvoir d’alors n’avait pas lésiné sur les moyens financiers pour promouvoir une politique culturelle aux antipodes de l’authenticité et de la modernité. Combien d’hommes de culture, aux compétences et talents reconnus parfois à l’échelle mondiale ont été marginalisés, pire, harcelés et censurés. D’autres ont bu le calice jusqu’à la lie en subissant un exil forcé.

Depuis la chance ratée de la prise en charge de l’indépendance du pays en 1962, suite à de féroces luttes de pouvoir devant une population épuisée par presque huit années de guerre, jusqu’à l’ ‘’offre’’ démocratique post-octobre 1988, en passant par l’euphorie d’un boumediénisme marqué par les trois révolutions (industrielle, agraire, culturelle) et le libéralisme de Chadli navigant à vue, les différentes étapes de la vie de la Nation ont fait l’objet d’analyses surtout économiques et politiques faisant primer les intérêts de groupes sur les données ‘’sociétales’’.

L’une des raisons, et non des moindres, de cette vision parcellaire et un tant soit peu tronquée de la réalité des choses, étant sans doute le poids d’un facteur qui, discrètement mais sûrement, allait bouleverser la donne économique du pays, le comportement des citoyens vis-à-vis de la classe qui les gouverne et même la relation que le peuple entretient avec le travail et les valeurs morales qui le sous-tend.

Ce facteur, véritable ‘’deus ex machina’’ qui remettra en cause la classification sociale d’une façon durable et qui générera des attitudes et des réflexes que nos aïeux étaient loin d’imaginer, est le pétrole, avec ses prolongements de rente distributive. La société algérienne connaîtra à partir des années 1970 des chamboulements, des mobilités, un exode vers les villes, de nouvelles valeurs morales et culturelles et une nouvelle ‘’éthique’’ que ne pouvait permettre que cette relation charnelle, complexe, magnétique, avec cette énergie fossile valorisée et portée aux nues par une consommation mondiale toujours croissante.

Les approches économistes, basées sur les effets et les dérives de la gestion de la rente pétrolière, constituent un argumentaire de poids pour aller sonder les changements de fonds en comble de la société depuis 1962. Cependant, ces approches ne couvriront totalement l’objet d’investigation, à savoir la régression culturelle et la perte des repères sociaux, que si elles sont sustentées par l’examen de la dimension culturelle de la crise durable qui prend en otage le corps de la société.

Une modernité factice

Dans les pays en développement, particulièrement ceux dont le système économique est bâti sur une rente (pétrole, banane, cacao, café, canne à sucre,…), la frénésie de la consommation et l’impréparation structurelle à fournir les efforts nécessaires pour se mettre, sur le plan culturel, au diapason de la technologie importée installe une situation de dualité, voire de véritable déchirement qui fait que les populations vivent dans les contradictions les plus flagrantes caractérisées par des déchirements familiaux et des pertes de repères culturels nourris par des complexes allant jusqu’à la haine de soi.

Les éléments constitutifs de la crise culturelle ainsi que les symptômes du malaise et de la régression culturels sont là. À vouloir les sérier, il faudrait y consacrer des études et des volumes. La crise intergénérationnelle en constitue la façade la plus exposée à l’analyse. La vitesse des changements est d’une fulgurance inouïe. La naissance et la prodigieuse expansion de l’utilisation du téléphone portable, avec les autres fonctionnalités qui lui sont greffées, relèvent d’un miracle banalisé sous le ciel d’Algérie puisqu’il est à la portée des enfants.

Il y une vingtaine d’année, le téléspectateur algérien n’avait droit qu’à la chaîne gouvernementale, laudatrice des princes du moment, et qui avait un volume horaire moyen de douze heures de diffusion. Un peu plus d’une décennie plus tard, les effets du village planétaire, entrevu naguère par Mc Luhan, ont eu pour destination privilégiée l’Algérie.

Ce n’est guère un hasard si les dernières inventions de la technologie moderne sont acquises par nos concitoyens quelques mois à peine après les premiers essais en Europe, en Amérique ou au Japon. Grâce à l’argent du pétrole, les Algériens approchent certaines créations technologiques (vidéo, démodulateurs de télévision, téléphone portable, micro-ordinateur, des accessoires informatiques comme les MP3, les CD, les appareils photographiques numériques,…) avec une attitude plutôt ludique que réellement utilitaire.

Ce que des pays du tiers-monde en Afrique, en Asie ou en Amérique latine mettent des décennies à connaître ou à utiliser, les Algériens l’apprivoisent en quelques mois et se montrent, ce faisant, des éternels insatisfaits. Et pour cause ! Les fondements culturels qui allient éducation dans la cellule familiale, formation scolaire et universitaire qualifiante et accès raisonné aux données de la culture universelle sont, on le voit bien, les grands absents.

Les moyens matériels seuls ne peuvent rien apporter à l’équilibre général de la personnalité et à la formation d’un background solide sans les repères et les valeurs qui fondent les qualités de l’homme dans son environnement familial, domestique et professionnel. On ne peut sublimer le potentiel de violence et l’énergie de la libido juvénile que par de vraies activités culturelles charriant passions et vocations.

Malheureusement, au niveau le plus haut des pouvoirs politiques successifs, il s’est installée une forme de ‘’culturophobie’’ héritée de l’histoire du mouvement national et de la l’épisode de la guerre de Libération. Cette attitude consiste d’abord à se méfier des intellectuels, puis de simples gens cultivés. Tout a été fait pendant des décennies pour éloigner cette frange de la population des commandes ou du pouvoir décisionnel. La bête immonde du terrorisme intégriste a achevé la basse besogne pendant les années 1990 en étêtant la société par l’assassinat pur et simple de ses élites.

La phase actuelle, censée être celle de la relance économique et de la réhabilitation des institutions et structures de l’État, révèle de nouveaux besoins en infrastructures et en industries culturelles comme elle met à jour certaines déficiences des structures actuelles qui gagneraient à mieux assumer leur rôle d’animation et d’encadrement d’une jeunesse en perte de repères et happée par toutes formes de sollicitations ludiques et médiatiques qui sont plus des ersatz et des clinquants d’une fausse modernité que d’authentiques produits de promotion culturelle et civilisationnelle.

Le rôle problématique de l’école

La première institution chargée de tracer et d’éclairer les horizons professionnels, de former aux normes de l’éducation et aux valeurs culturelles de la citoyenneté étant bien l’école. En Algérie, sur l’ensemble de ces paradigmes, cette institution a failli. Le président Mohamed Boudiaf a formulé ce verdict à son endroit : c’est une école sinistrée ! Un ancien ministre de l’Intérieur du temps du HCE, Mohamed Hardi, assassiné au début de l’aventure terroriste, a lui aussi fait porter à l’école algérienne- via ses programmes et ses méthodes d’enseignement- une grande partie des dérives sociales et culturelles qui frappent notre jeunesse.

Aujourd’hui, la demande de la société porte sur la nécessité d’une refondation complète de l’école algérienne de façon à donner à la société les moyens d’évoluer au rythme de la mondialisation, des innovations technologiques et des défis du développement. Le nouveau concept de l’Économie du savoir diffusé par les chercheurs en ressources humaines n’est pas un vain mot. La société tout entière tirera la réponse à la vieille question: ‘’être ou ne pas être’’, du statut, du contenu pédagogique et des moyens qu’elle aura mobilisés pour l’école.

Par rapport à cet idéal, l’Algérie a encore du pain sur la planche. Parmi les jeunes qui ont quitté l’école prématurément (pour des raisons économiques, sociales ou accidentelles), une grande partie est carrément à classer dans la catégorie des analphabètes au sens le plus dramatique du mot. En effet, ils ne disposent d’aucun outil qui leur permettrait de dépasser leur conditions ou qui, mieux encore, pourrait les propulser dans une autre direction (formation professionnelle, apprentissage).

Quant à chercher à savoir de quel ‘’bagage’’ culturel ils disposent pour prétendre à une place honorable dans la société, la déception nous ouvrira grandement ses portes.

Dans une expérience d’alphabétisation en langue kabyle à laquelle nous prîmes part au début des années 1990, il nous a été donné de constater que les règles primaires du français et de l’arabe ont été perdues chez les jeunes déscolarisés. De là à franchir le pas de les ramener dans leur langue maternelle dans un contexte d’absence ou de méconnaissance de graphie telle qu’elle est assurée aujourd’hui dans les écoles qui enseignent tamazight, voilà une gageure que nous ne pouvions réaliser qu’au travers des textes de Matoub et d’Aït Menguellet transcrits selon la vieille graphie latine par le moyen de laquelle, par exemple, Feraoun transcrivit les poèmes de Si Mohand.

Problématique de l’alphabétisation

Arrivé à ce point de réflexion, il y a sans doute lieu de relativiser le concept d’analphabétisme tel qu’il est servi dans les médias et par l’administration. Un locuteur kabyle n’est réellement analphabète que lorsqu’il n’accède pas à la graphie adoptée par les praticiens de la langue au cours des deux dernières décennies. En tout cas, nous sommes ici dans un cas exceptionnel par rapport au souci des pédagogues et de la communauté internationale relatif à la problématique de l’alphabétisation.

L’UNESCO définissait, en 1951, la personne alphabétisée comme celle «Capable de lire et d’écrire, en le comprenant, un exposé simple et bref des faits, en rapport avec sa vie quotidienne». La personne analphabète est, logiquement, celle qui ne répond pas à cette exigence primaire et primordiale de la vie sociale et domestique.

Figurant comme l’un des objectifs du millénaire à l’échelle de la planète, la lutte contre l’analphabétisme a aussi été intégrée depuis 1990 comme un des indicateurs de développement humain (IDH) par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) ; indicateur composite porté sur les valeurs de la longévité (espérance de vie), le savoir (mesuré pour les deux tiers par le taux d’alphabétisation des adultes et pour un tiers par le nombre d’années d’études) et le niveau de vie (P.I.B. par habitant mesuré par rapport au pouvoir d’achat).

Les instances culturelles et éducatives internationales ainsi que les élites éclairées d’un certain nombre pays en développement ont, particulièrement depuis une vingtaine d’années, pris une conscience aiguë du phénomène de non accès d’une partie de la population mondiale aux bienfaits de la culture et de l’éducation ; bienfaits d’autant plus précieux qu’ils participent des fondements de la citoyenneté et des attributs de la démocratie, étant entendu qu’un peuple – ou une partie de ce peuple- analphabète ne peut faire valoir complètement ses droits ni assumer correctement ses devoirs.

L’expérience de Cuba en matière d’alphabétisation mérite d’être rappelée. Elle a réalisé une réelle performance en la matière malgré les tares connues d’un régime dictatorial qui porte le nom de son fondateur.

Au début de son règne, Castro avait donné un contenu concret à une formule lancée au cours d’une grande réunion : «Il faut enlever aux citoyens le droit d’être des ânes». Il parlait du projet de modernisation de l’école et des méthodes d’alphabétisation dont même ses ennemis ont reconnu la pertinence et le succès. Notre gouvernement a conçu, il y a deux ans, le programme de relance du vieux projet d’alphabétisation que les pouvoirs publics ont ressassé depuis l’indépendance du pays.

En examinant de près les différents variantes du plan du gouvernement pour lutter contre le phénomène de l’analphabétisme, l’on subit d’abord le vertige des chiffres relatifs à l’argent mobilisé pour cet ambitieux plan ; ensuite, on ne peut contenir sa déception face au déficit en méthodologie et à l’absence d’objectifs précis quantitativement et qualitativement vérifiables. Tous les spécialistes en pédagogie convergent vers le constat que l’enseignement des adultes pose des problèmes autrement plus complexes, du moins d’une nature différente, que ceux connus dans l’enseignement normal dispensé aux jeunes écoliers. Sur le plan du principe, l’action de l’Algérie visant à soustraire sa population à l’analphabétisme est digne de toutes les éloges. Elle le serait certainement davantage si des objectifs précis étaient fixés et si une didactique adaptée était arrêtée.

Peut-on réellement être libre si la camisole de l’analphabétisme nous enchaîne, nous ligote et nous étouffe ? Le pari lancé par Boubekeur Benbouzid, ministre de l’Éducation nationale en 2006 en présentant un projet d’alphabétisation à grande échelle est d’une si fascinante ambition que l’on voudrait croire tout de suite à sa faisabilité. L’échéance arrêtée par le ministre est 2016. À cette date, c’est-à-dire dans sept ans, le membre du gouvernement voudrait effacer toute trace d’analphabétisme dans notre pays !

De l’argent et des programmes

Le Centre national d’alphabétisation, avait, lui aussi, par le voix de son directeur., M..Mohamed Tahar Becouche, avancé, en 2005, un projet de même nature avec un budget de 50 milliards de dinars. Cette institution fait état de l’existence de 6 400 000 personnes analphabètes en Algérie dont 4 millions sont des femmes. On ne sait pas exactement s’il s’agit de deux programmes de lutte contre l’analphabétisme indépendants l’un de l’autre ou d’un seul programme co-piloté par l’Éducation et le CNA.

Il y a lieu de noter que même le ministère de la Formation professionnelle a prévu, depuis la rentrée 2008/2009, de prendre en charge une partie du programme d’alphabétisation. En tout cas, les plus optimistes parmi les ceux qui suivent les question d’éducation et de culture dans notre pays ne manqueront pas de se poser la question de savoir par quel miracle une telle ambition pourrait se réaliser en quelques années dans un pays qui, de quarante-sept ans après l’Indépendance et avec des moyens financiers rarement égalés dans les pays du tiers-monde, a fini sa course avec un chiffre, officiel, aussi ahurissant d’analphabètes.

Nous avons souvenir d’un ancien ministre de l’Éducation, en l’occurrence le légendaire Kharroubi, qui, le plus sérieusement du mode, nous promit, au milieu des années 1980, que l’école fondamentale produirait en l’an 2000 des Mozart et des Beethoven ! Pas moins. À l’époque le ridicule ne tuait pas. Aujourd’hui, ne préjugeons de rien. L’ampleur de l’entreprise, comme le notait le ministre de l’Éducation dépasse le cadre de son département ministériel. Et l’on nous assure que le problème de l’argent ne se pose pas.

Mais, détient-on réellement la teneur d’un tel programme ? A-t-on fait le bilan du travail de toutes les organisations et structures versées dans cette activité depuis 1963 jusqu’à l’actuelle associations ‘’Iqra’’ pour décider des méthodes et modalités à mettre en œuvre pour un objectif aussi généreux et aussi révolutionnaire ?

Analphabétisme et illettrisme : des critères à définir

A-t-on défini ce qu’est l’analphabétisme et ce qui le différencie de l’illettrisme ? Officiellement, le nombre d’analphabètes en Algérie se situe autour de 7 millions de personnes. Néanmoins, les statistiques se fondent généralement sur la fréquentation de l’école. Ce point ne peut pas faire l’unanimité.

Est-il logique de considérer que tous les élèves qui ont été enregistrés en première année sont hors du cercle des analphabètes ? Pourtant, les réalités de l’école algérienne sont connues en la matière. S’il y a bien un phénomène qui n’est pas quantifié convenablement et que certaines statistiques occultent allègrement c’est bien celui de la déscolarisation.

Dans plusieurs zones rurales, des parents se résolvent à retirer leurs enfants de l’école pour plusieurs raisons qui ont pour dénominateur commun la misère sociale : école trop éloignée, charges financières insupportables générées par les fournitures scolaires et l’habillement, et souvent nécessité d’aider les parents dans les travaux agricoles, ce qui nous fera déborder sur l’épineux sujet des enfants qui rentrent précocement dans le monde du travail.

«D’une manière générale, les interrelations entre pauvreté et analphabétisme sont nombreuses et complexes, même si elles varient selon le type de pauvreté et les caractéristiques propres à chaque environnement culturel et social. Sur bien des aspects, la carte de l’analphabétisme mondial et celle de la pauvreté se recoupent», écrit Fraenkel Béatrice dans l’Encyclopedia Universalis.

Même en quittant l’école à l’âge de 16 ans, qui pourra nous convaincre que ces adolescents ont véritablement transcendé l’analphabétisme ou l’illettrisme? Et puis, à l’ère de la révolution technologique et numérique, il faut bien redéfinir cette notion nébuleuse qui ne se fonde plus sur les critères de 1962 lorsque la population analphabète du pays était évaluée à 85%.

Enjeux de la langue maternelle

Comme pour tout nouvel apprentissage qui, plus est, se donne pour ambition le savoir pratique devant servir immédiatement dans la vie domestique, le processus d’alphabétisation pose la problématique de la langue d’apprentissage avec une acuité particulière. En effet, comme le note Fraenkel Béatrice, «un certain consensus existe aujourd’hui sur l’efficacité accrue d’une alphabétisation en langue maternelle. Il semble légitime de privilégier la langue maternelle d’un adulte qui désire s’alphabétiser.

L’effort à fournir serait limité, l’apprenant maîtrisant déjà la langue orale. En revanche, alphabétiser dans une langue « étrangère » revient à obliger l’apprenant à fournir un double effort : acquérir les mécanismes de la lecture et de l’écriture, mais aussi apprendre une nouvelle langue. Un deuxième argument en faveur de l’alphabétisation en langue maternelle met en avant le souci de préserver et d’affermir l’identité culturelle».

Dans le cas de notre pays, la charge idéologique que charrie l’École fondamentale ne manquera pas de déteindre sur les programmes d’alphabétisation. Le risque demeure présent de voir ces programmes déviés de leurs objectifs techniques et culturels. « L’alphabétisation elle-même est un acte politique qui a été souvent utilisé pour imposer une langue. Les gouvernements des pays multilingues en voie de développement ont ressenti le besoin de promouvoir une langue afin d’affermir l’unité nationale et de contrôler les populations de leur territoire. L’alphabétisation a alors été utilisée pour diffuser la langue au détriment des langues des minorités », souligne Fraenkel Béatrice. Le ministre de l’Éducation, Boubekeur Benbouzid, parle de «redorer le blason de la formation continue non seulement au niveau académique, mais aussi aux plans psychopédagogique, méthodologique et déontologique », chantier qu’il inscrit dans ce qu’il appelle la ‘’bataille de la qualité’’. En effet, en matière d’analphabétisme, les niveaux et les domaines ont beaucoup évolué au cours des deux dernières décennies. La formation continue est aussi conçue pour une mise à niveau dans un domaine quelconque touché par une fulgurante évolution. Sans cette formation, on devient ‘’analphabète’’, du moins dans la partie concernée par une obsolescence cognitive ou technique. Cependant, le projet du gouvernement de lutte contre l’analphabétisme, s’inscrit logiquement en dehors du cursus scolaire normal puisqu’il touche les populations de différents âges. Néanmoins, le seul et vrai garant d’une formation qui peut dégager définitivement les jeunes Algériens des affres de l’analphabétisme et de ses corollaire de sous-citoyenneté, c’est bien une école performante, rationnelle et moderne qui fait table rase des habituels carcans idéologiques et politiques.

Amar Naït Messaoud

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