n Par Amar Naït Messaoud
S.il y a bien un thème d’étude en Algérie qui mérite une attention particulière dans le domaine des sciences de la traduction, ce sera sans doute cette longue histoire des translations de textes kabyles en langue française depuis les premières années de l’occupation française jusqu’à nos jours.
Initiée par des porteurs d’une culture allogène, cette pratique répond souvent aux canons du regard étranger qui s’exerce sur notre culture. Un regard caractérisé par la distance, le recul, et les différences des structures mentales et des structures des langues (une langue faisant partie de la famille chamito-sémitique et ayant perdu depuis longtemps l’usage de la graphie et une langue de la famille indo-européenne ayant le statut d’une langue internationale) ; et, enfin, des différences sociologiques qui pèsent indubitablement sur l’entreprise de traduction.
Parmi les travaux menés dans ce sens par certains militaires français, des Pères Blancs et des chercheurs de profession, il nous a été donné de lire des traductions réussies- c’est-à-dire les moins infidèles comme aime à les qualifier Mouloud Mammeri- et d’autres restitutions approximatives qui ont fait perdre au texte et son âme et sa substance. Comme le reconnaîtra expressément Malek Ouary, le but de la traduction pour les chercheurs kabyles comme lui était de sauver d’une disparition qui s’annonçait certaine ce qui restait du patrimoine kabyle oral. Traduire des poèmes du kabyle au français, c’est assure Ouary, les mettre dans une cage comme un oisillon capturé dans la libre nature ; la cage d’une langue de transfert qui ne rend jamais les subtilités, les non-dits, les images métaphoriques d’une culture riche de son oralité même. Mais, explique-t-il devant cette double impasse, il vaut mieux que cet oisillon reste dans la cage que de le voir disparaître à jamais. C’était au milieu du siècle dernier où d’autres écrivains, poètes et chercheurs collectaient des textes du patrimoine oral pour les traduire en français sans qu’ils les fassent accompagner de leur version originale kabyle. Il en fut ainsi de Jean Amrouche et de sa sœur Taos qui nous ont transmis de précieuses pièces de la culture kabyle orale directement en français (poèmes, adages, proverbes, devinettes,…). Il est vrai qu’à l’époque, la perspective de donner une écriture à langue kabyle et au berbère en général n’avait pas acquis la maturité qui est aujourd’hui la sienne. D’ailleurs, une édition bilingue (kabyle/français), réalisée par Tassadit Yacine, du livre de Jean Amrouche, publié dans les années 1940 sous le titre Chants berbères de Kabylie, a vu le jour en 1989. Dans ce domaine des éditions bilingues, cet ouvrage a suivi le chemin tracé par Moumoud Mammeri avec Les Isefra de Si Mohand U M’hand (1969) et Poèmes kabyles anciens (1979).
La valeur du message rapporté
Bien que les lecteurs kabylophones et francophones soient assez satisfaits des traductions de Mammeri, ce dernier émet, en revanche, des réserves sur cet exercice et relativise le rendu du texte d’origine. Il y a d’abord le statut sociale et intellectuel du traducteur. Loin de la fausse modestie, Mammeri redoute qu’il soit «un rapporteur plus perverti qu’averti» ; perverti peut-être par le fossé possible qui existerait entre le sens donné aux mots par les poètes kabyles du 18e ou 19e siècles- mots traduisant une vision du monde, un état d’esprit particulier, voire inintelligible, une cosmogonie même)- et leur appréhension actuelle prise sous l’empire d’une modernité qui reste, en tout cas, à définir. Dans Poèmes kabyles anciens, Mammeri écrit à propos des poèmes qu’il a traduits : «Le dépaysement dans le livre leur enlève toute substance, les prive de tous les harmoniques de la transmission vivante (…) Le ver dit par un homme à des hommes, en des circonstances données, souvent au cours d’un rite ou à la faveur de l’attente, orchestre et multiplie les réussites de la réalisation, dépasse de partout les limites formelles d’un texte». Cependant, il explique la motivation première de l’œuvre de recension et de traduction en ces termes : «Il était temps de happer les dernières voix avant que la mort ne les happe». Sur le plan technique, l’on sait fort bien que la traduction d’un texte littéraire-par-delà la polémique se rapportant au degré de fidélité du texte traduit par rapport au texte d’origine – n’obéit pas aux mêmes canons que la traduction d’un texte scientifique ou d’une harangue politique. En tout cas, certains registres de langue offre des possibilités de standardisation assez étendues en matière de typologie de traduction si bien que, depuis quelques années, des logiciels prêts à l’usage sont conçus pour des travaux individuels ou de groupe.
Il est vrai qu’une marge d’erreur, d’infidélité ou d’incohérence subsiste toujours étant entendu que la machine ne pourra jamais remplacer les subtilités et les nuances du cerveau et de l’esprit humains. Mais, pour les besoins de la cause, le pari semble être bien accepté par ceux qui activent dans ce domaine.
En revanche, l’on est en droit de poser la question de connaître la possibilité de traduire des textes littéraires, de la poésie de surcroît, si l’on ne possède aucune forme de sensibilité littéraire ou poétique ; lorsque, par exemple, on n’a pas gribouillé, au moins une fois dans sa vie, quelques vers ou quelques paragraphes.
Ou, pire, lorsqu’on n’arrive pas à se délecter des textes des autres, poésie ou prose. Telle est la question que se posent beaucoup de critiques littéraires. Le souci de donner un minimum d’âme au texte, de ne pas en faire une suite froide et désincarnée de mots et de syntagmes reliés par la seule logique de la grammaire, devrait assurément présider au travail de traducteur. Nous avons parcouru avec un sentiment de déception non feinte des poèmes américains traduits en français. Aucune esthétique littéraire ne semble être la préoccupation du traducteur. Nous osons nous demander à quoi servira un tel travail de translation qui fait du ‘’mot à mot’’. L’adage qui dit traduttor, traditore (traducteur, traître) semble trouver ici toute son expression. Ce n’est pas le cas, en revanche, du roman américain d’Edgar Poe, Histoires extraordinaires, traduits par Baudelaire. Le poète français a su rendre la mystique et la profondeur psychologique de l’écrivain américain.
Le poème d’Edgar Poe intitulé Le Corbeau a été admirablement traduit par Stéphane Mallarmé au point d’y voir un nouveau travail de création. Le poème de Rudyard Kipling Être un homme est beaucoup plus lu dans sa traduction française faite par André Maurois que dans sa version anglaise d’origine. En tout état de cause, entre une traduction qui prétend la fidèle dans les formes mais assure la froidure dans la substance, et une traduction qui prend quelques libertés formelles avec le texte d’origine pour mieux faire sentir le texte, l’alchimie des sens et l’intelligibilité des signes, le choix semble clair
Les chansons kabyles, ou extraits de chansons, que nous présentons ci-après au lecteur sont traduites par nos soins. Quelques-unes ont été, à différentes occasions, publiées dans La Dépêche de Kabylie. Il est évident que, dans le feu de l’action, aucune théorie ou schéma rationnel de traduction n’est venu interférer. Cela étant dit, il reste au lecteur de juger.
Amar Naït Messaoud
1-Aït Menguellet
L’Artiste
-Que reste-t-il sous le bonnet ?
Une tête désertée par la cervelle.
Qu’a-t-il laissé pour nous l’esprit de vaillance ?
Un simple fantôme pour soutenir nos luttes.
Qu’a pu bien nous léguer notre authenticité ?
Son simple nom que nous débitons à tout va ;
Nous en avons perdu même les traits.
-Malheur à nous le jour où nous devînmes
Simple troupeau de moutons !
Affluant de partout,
Ils sont au chaud tant qu’ils sont réunis serrés.
Le chacal fait incursion en leur sein,
Et les moutons dans la débandade n’ont pu
Ni se repaître ni regagner la bergerie.
-O toi colporteur de courroux,
Ne te présente plus devant notre seuil !
Nous sommes las de l’infortune des jours
Qui ne nous laissent aucun choix.
Assez de nous débarrasser des épines
Qui jonchent le parterre
Du chemin qu’emprunteront nos pieds.
-Si ton cœur veut déborder
Ouvre-lui grandes les portes.
Avec tes paroles et les fils de ta guitare
Tu berceras le monde.
Tant que le ciel a besoin de toutes ses étoiles,
Les hommes aussi ont besoin de l’artiste.
-Même si des gens te raillent,
Tu en es bien au-dessus.
Même si on te couvre de médisances,
Même si des paroles malencontreuses te sont adressées,
Ceux qui t’admirent
Et ceux qui te comprennent,
D’eux tu es issu ;
Nul n’osera t’offenser.
-Tu as vu l’arbitraire
Et ton soupir s’éleva.
Dans le soupir, il vit le jour,
Et chacun l’a entendu.
Tu l’as dénudé et pétri ;
Tout le monde l’a vu.
Tu as dénoncé l’arbitraire devant le brave homme
-Tu as entendu les lamentations
De celui qui a vécu toujours dans les malheurs.
A l’écoute de ton chant,
Ses douleurs se sont apaisées.
Quiconque ignore dans sa vie la joie,
Traînant une patente malchance,
Place ses espérances en toi.
Insuffle en lui l’espoir.
-Tu as vu la beauté
Et en as fait un poème.
C’est toi qui réveilles en nous le souvenir
De tout ce que nous oublions.
Tu lèves le voile
Sur tout ce qu’on nous a ravi ;
Et à chaque fois que sa flamme s’éteint,
C’est toi qui la ressuscites.
Ma vie
Ma vie, j’ai fait des comptes pour toi ; hélas, je me suis trompé ;
Ce n’est pas cela que j’attendais de toi.
Ma vie, j’ai revu les comptes que j’ai faits ;
Il s’avère que ce n’était pas là ta vraie face (…)
Apprends-moi, ma vie, ce que sont
La vérité et le mensonge.
J’aime le mensonge dès qu’il m’annonce une bonne nouvelle.
Ma vie, tu m’abreuvais de mensonges
Que tu as élevés en maîtres de la parole.
Ma vie, tu me montras la vérité écervelée,
Entre nous tu construis un mur.
J’ai demandé à voir la vérité,
Tu me dis viens la voir.
Et lorsque j’y étais, ce fut
Comme une hache sous mon pied (…)
Combien je croyais que je te tenais entre mes mains, ma vie !
Sans me rendre compte, tu me mis entre les tiennes.
Ma vie, pendue au-dessus de ma tête,
Tu me poursuis là où je vais.
Ma vie, tu es comme une épée suspendue à un fil,
Dès qu’il se rompt, tu m’envoies dans l’au-delà».
Le Maudit
-Il vous appellera ;
Lui répondrez-vous ?
Si vous faites sourde oreille,
Rien d’étonnant à cela.
Ne disait-on pas
Que c’est dans l’adversité
Que l’on reconnaît son ami ?
S’il est prévenant,
Il bravera toute difficulté.
-Il vous appellera ;
Vous l’entendrez, il le sait.
C’est clair que vous l’entendrez ;
Mais, rendrez-vous-lui écho ?
L’homme, cupide qu’il est,
Est devenu tel un aigle :
Voyant un bâton,
Il le prit pour un serpent.
-Voilà que je le trouve égaré,
Piégé derrière les barreaux.
C’est son sens de la dignité qui l’y a mené,
Refusant de fléchir devant l’humiliation.
Le jour où vous entendîtes ses cris,
O vous, ses amis,
Chacun vaquait à ses propres affaires.
– Il avait affronté l’impossible,
Se croyant par vous soutenu.
Comptant vous avoir derrière lui,
Il vous appellerait au besoin.
Le jour où vous entendîtes ses cris,
O vous, ses amis,
Chacun, fuyant, prit son chemin.
– Il était allé affronter le feu
Pour sauver ce qui restait encore.
Vous l’aviez aidé par des mots creux,
Alors qu’il défendait votre bien.
Le jour où vous entendîtes ses cris,
O vous, ses amis,
Chacun avançait un empêchement.
– Vous l’avez envoyé à l’avant-poste, il y est allé
Sans avoir personne à ses côtés.
Vous dites l’aimer comme vous-mêmes,
Mais trop risquée est la voie qu’il a choisie.
Le jour où vous entendîtes ses cris,
O vous, ses amis,
Vous fûtes enchaînés par la peur.
– Vous rafistolez les lacérations, enfin,
C’était à bon droit.
Si vous l’aviez alors rejoint,
Qui aurait bénéficié des fruits de la lutte à la fin ?
Et le jour où vous entendîtes ses cris,
O vous, ses amis,
Vous dîtes de lui qu’il n’était pas rusé.
– Quand il regrettait, il était bien tard ;
Il comprit qu’il n’étai pas rusé,
Bien qu’il éveillât plus d’un.
Sur ce dont vous traitez à présent.
Et si vous entendiez ses cris,
O vous ses amis,
Sans doute vous en perdriez le sommeil !
2- Cherif Kheddam
Souvenir d’une romance sous la treille
-Va écouter les arbres s’ils en gardent souvenir.
Quand je me rappelle, mon cœur larmoie !
Le grand frêne est toujours là :
S’il pouvait parler, il a bien quoi raconter.
Les oiseaux sur la treille
Se mettent de la fête pour se mêler à notre joie.
Combien furent doux ces moments !
Témoigne, ô pierre, si je mens !
(…)
-Mon cœur est hanté par l’angoisse
Lorsque je me rappelle notre jeunesse.
Je garde en moi tout ce que tu m’as dit ;
Je le répéterais si je le pouvais.
Tu redoutais, comme si tu en étais avertie,
L’issue de notre chemin.
Dans le rêve, tu étais bien avec moi,
Au réveil, ce fut la séparation.
-Comme j’aime plonger dans les souvenirs,
Même si j’en crains les retombées sur mon cœur !
Comme si j’attendais quelque chose,
Même si je sais que tout est perdu.
Je n’en ai soufflé mot à personne.
Je n’ai plus de compagnon.
Il me reste une personne à qui faire mes confidences :
C’est à toi ; tu es mes ailes !
-Le problème ne vient ni de toi ni de moi ;
Nous n’avons rien à nous reprocher.
Si tous les gens étaient comme nous,
Jamais nous n’aurions un quelconque ennui.
Lésés, nous en restons hébétés.
C’est la loi des temps maudits !
Le jour s’achève, le soleil décline ;
Comprenez, ô gens, et souvenez-vous-en.
Parole !
De ma bouche tu as enlevé la parole
Croyant que je j’allais me taire.
Si la langue se refuse à dire,
De ma main je me mettrais à écrire.
Même si tu m’ôtes la vue,
Jalousement je protégerai mon coin.
Sous un couvercle tu as enfoncé le mot
Pour qu’il ne se propage pas au loin.
Regarde devant toi, réfléchis bien
A l’homme de la nouvelle génération qui arrive.
Il n’acceptera pas le silence
Ni te quémandera pitance.
Par le savoir il arrachera ses droits
Le tamis ne pourra pas cacher le soleil.
Il sait que son soleil brillera
Et que la parole lui reviendra.
S’il suit le chemin de ses aïeux,
Il sait que c’est là son unique capital.
Si les dalles tombales le recouvrent,
Il criera de dessous la terre.
Quêteront ses droits
Ceux qui soupèsent bien leurs mots.
Afin que la postérité soit éveillée
Avant qu’il ne soit trop tard.
3-Matoub Lounès
La porte de la prison
-Si je pouvais m’évader de la prison,
Je viendrais vous voir le jour de l’Aïd.
Je vous saluerais alors chers parents.
Quand je me présenterais au village,
Je ne serais pas surpris par votre perplexité.
Ce n’est pas mon visage d’antan
Qu’auront à rencontrer vos yeux.
-Parce qu’il ne me reconnaîtra plus,
Mon fils me fuira.
Ma femme légitime, je ne sais
S’il elle se souviendra de moi.
J’aurai alors dérangé la quiétude de tout le monde
Jusqu’à leur faire perdre la parole.
À la fin nous nous reconnaîtrons ;
Le village hâtera le pas à ma rencontre.
-Ce n’est là qu’un vœu;
Mon rêve n’a pas duré longtemps.
La porte de la prison est bien close.
Sur elle mon étiquette se pose,
Bien collée et sigillée,
Me désignant à perpétuité ».
Le Roc-de-l’absent
-Voilà que mon cœur se chagrine
Rongé par un mal
Qui devient son conseiller.
Les jours se font plus longs que les ans ;
J’attends le retour.
Mon être marmonne et se dissout.
O tendre Roc-de-L’Absent !
Fais que les nuées s’en aillent
Et que le soleil règne dans ma demeure.
-O toi faucon du Roc-de-l’Absent !
T’aurais-je pour ami ?
Allons nous promener ensemble.
De la montagne, j’ai pris mon chemin,
Le titre de permission dans la poche,
Pour rendre visite à ma mère.
Voilà qu’arrive le nouvel an,
Je l’embrasserai, c’est la fête de l’aïd.
Seule dans la misère, elle végète.
-Vers les monts des Ath Aïssi,
Je presserai le pas ;
Ma permission est trop courte.
Par-dessus ma tête, l’avion tournoie
A la manière d’un vautour.
Il a dû sentir ma présence.
Il crache du feu sans rémission,
On dirait de la grêle ;
Je mourrai à l’insu du monde.
Les fils de la misère
-Consolez-vous, chers parents,
Puisque la vague du temps
M’a ravi à vous.
Ceux-là que nous supposions instruits,
Une belle fraternité,
Aujourd’hui me mettent à l’index.
Ils se sont concertés sur mon nom
À le souiller pour de bon
Qui l’entendra frémira.
Ainsi, la vie m’a réservé
Une place parmi les chiens
Qui me dévoreront à leur faim.
– Ô vous père et mère !
À vous je ne ressemble guère
Autrement aujourd’hui,
Je serais parmi vous.
Seul le lien filial me pardonnera.
Moi, plus jamais
Je ne fais partie de cette jeunesse.
Finie mon heure à l’assemblée,
Déjà s’annonce la nuit,
Mes pieds sont transis de froid.
La transaction a bien eu lieu
Je suis vendu au rabais
Et attaché dans une bergerie.
-Voilà, elle est brisée
L’amphore de ma vie !
C’est par un verre de poison
Que j’ai achevé ma tragédie.
Quant à l’espoir,
Il a déserté ma maison.
-Le bateau qui me portait
Sur une mer de jalousie
Se destine vers une contrée immonde.
J’ai laissé un panier de braises
Comme viatique à ma femme,
Qui a ajoutera à sa noirceur.
La mauvaise nouvelle,
Les femmes la lui annonceront.
Elle creusera en elle telle une vermine.
Quant aux injures des belles-sœurs,
C’est là un mal sans guérisseur
J’en sens déjà les blessures avant elle.
Les ailes brisées
-Vois ce que les jours nous ont réservés !
Si je m’étais bien conduit à ton égard,
Aujourd’hui, je ne serais pas resté seul.
Mon cœur par le péché est aveuglé
Et par les peines démembré.
Dans le désert, je me suis brisé les ailes.
Les vautours se sont attaqués à ton sort ;
Personne ne les en a délogés ;
Ils l’on dépecé en plein jour.
Si tu avais heureuse fortune,
Tu ressemblerais à tes congénères :
Tes ramures porteraient ombrage.
-Mieux eût valu ne pas te rencontrer.
Si l’on ne s’était pas donné parole,
Je me serais bien résigné.
Ton ciel se charge de gros nuages,
Et un fleuve de soucis
Te lapide par le souvenir.
Moi je suis de fer et ton péché est l’aimant.
La fougue hante tout mon être ;
Elle ne cherche que moi.
Aujourd’hui, tu as un enfant ; grand bien te fasse !
Moi, comme un oiseau,
Partout on m’a tendu des pièges.
Sur mon cœur j’ai placé une pierre ;
Présentez vos condoléances : il est mort.
-J’ai laissé mon cœur livré aux algues qui le rongent
Et me disais que la jeunesse est encore à vivre.
Ores qu’il est pour moi trop tard,
Traîné dans les crues,
Mes flancs copieusement souillés,
Je plonge dans le giron de la tourmente.
Fût-ce en payant forte rançon,
Je ne saurais sauver mon âme.
Aveuglément j’ai suivi les conseil des ennemis ;
Mes problèmes s’en sont enchevêtrés,
Et ma voix s’est perdue dans un puits.
Ma voix s’est perdue dans un puits,
Personne ne pourra m’entendre si je crie.
Sur mon cœur j’ai placé une pierre ;
Présentez vos condoléances : il est mort.