La forêt comme patrimoine

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C’est bien triste de voir les forêts de la Kabylie, en général, de l’Algérie, partir en fumée : au rythme actuel de destruction, c’est la couverture végétale qui risque, au bout de quelques décennies, de disparaître ! Ce serait une véritable catastrophe, non seulement au plan écologique, économique mais aussi culturel car la forêt, Lghaba, tizgi, fait partie de notre patrimoine, à la fois matériel et immatériel : elle habite notre imaginaire, nos mythes, nos légendes et nos contes ! Qu’on songe à tous les récits littéraires qui ont pour cadre la forêt : c’est, par exemple, dans les contes kabyles, le domaine de l’ogre qui y vit et en tire sa subsistance, c’est le lieu de travail du bûcheron qui en tire le bois dont on se servait pour cuire les aliments ou se chauffer en hiver ! Les forêts des contes étaient si profondes et si touffues que les héros qui s’y hasardaient risquaient de se perdre… Les poètes, eux, ont chanté la beauté des forêts qui coiffent les hautes cimes du Djurdjura ou de l’Akfadou, leur air pur qui rend la santé aux malades et repose les cœurs agités. La forêt c’est aussi le souvenir de parties de chasses inoubliables quand le gibier était nombreux… Enfin, c’était le refuge des maquisards de la guerre de libération nationale et, pour un grand nombre d’entre eux, le champ d’honneur où ils sont tombés ! C’est tout ce patrimoine, ce sont tous ces souvenirs qu’il faut sauvegarder aujourd’hui…comme la littérature orale, l’art du tapis ou de la poterie, également menacés. Il ne faudrait pas qu’il arrive à la forêt, ce qui est arrivé au lion ou au cerf de nos contrées : ils ne figurent plus que dans les mots de la langue, les contes, les poésies et les proverbes !

S. Aït Larba

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