Les nouveaux enjeux de la gestion municipale

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n Par Amar Naït Messaoud

Au moment où le ministre de l’Intérieur, Yazid Zerhouni, insinuait en mai dernier la possibilité de la dissolution de l’Assemblée populaire nationale (APN élue le 17 mai 2007) pour organiser des élections législatives anticipées- et ce en réponse à une proposition dans ce sens émise par Louiza Hanoune juste après les présidentielles du 9 avril dernier-, le ministre délégué chargé des Collectivités locales avait annoncé, à l’occasion du congrès de l’association des anciens condamnés à morts, que les nouveaux codes de commune et de wilaya seraient débattus le 10 mai dernier par le Conseil du gouvernement. Le lendemain, le principal concerné, Ould Kablia, démentit l’information et le statu quo poursuit son cours.

Ces codes, qui ont pris l’aspect de l’Arlésienne depuis que le département de l’Intérieur a commencé à en parler au lendemain des élections locales de 2002, sont impatiemment attendus par tous les élus d’autant plus que les codes actuels ne permettent pas de régler de façon juste, loyale et définitive les conflits de compétence et de fonctionnement qui surgissent régulièrement au sein des instances élues. Cependant, même dans le cas où les deux nouveaux codes sont débattus, adoptés et ficelés selon un calendrier raisonnable, le ministre délégué aux Collectivités locales annonce leur entrée en vigueur pour …2012, c’est-à-dire que ce sont les nouvelles assemblées issues des élections prévues à cette date qui les mettront en application.

À la même occasion, M.Ould Kablia a annoncé l’élaboration d’un projet d’un nouveau code électoral.

Les dédales de la gestion communale

Le président de la République a eu à réitérer en 2008 la volonté du pouvoir politique que l’Algérie soit dotée d’une administration forte, efficace et décentralisée, pouvant se mettre au diapason des nouveaux enjeux induits par la démographie du pays, la mise en œuvre du Schéma national de l’aménagement du territoire et l’insertion de l’économie algérienne dans le marché mondial avec les coûts les moins préjudiciables pour la société et l’État.

Le citoyen, happé par les difficultés quotidiennes d’une vie de plus en plus chère, ne peut pas avoir tout de suite la conviction que de tels vœux ou de pareilles projections puissent avoir un quelconque impact sur son rythme ou niveau de vie.

Il y a même des phénomènes qui l’invitent à plus de pessimisme lorsqu’il constate que, depuis les élections locales du 29 novembre 2007, sa commune est toujours prise en otage par les luttes interminables entre élus. Retrait de confiance, blocage des délibérations, poursuite de la gestion opaque des affaires de la collectivités,…etc. Des communes ont fini par être gérées temporairement par le chef de daïra, représentant de l’État le plus proche des citoyens.

Le constat est déjà établi par le ministre délégué aux Collectivités locales quant à la gestion des municipalités du pays. Ce constat, livré à la presse en 2006, est incontestablement l’un des plus sévères et des moins complaisants qui puissent être faits, a fortiori par un haut responsable de l’État, de surcroît le premier dans la hiérarchie des Collectivités locales. En effet, Ould Kablia, dresse un diagnostic du mal qui ronge les Assemblées populaires communales censées être l’entité de gestion minimale du territoire du pays. Manque de formation, dilution des responsabilité, corruption, mauvaise prise en charge du foncier, inadéquation du Code communal en vigueur avec les nouvelles réalités du pays et une kyrielle d’autres problèmes qui, à la fin, prennent en otage la collectivité tout entière.

On reconnaît au ministre délégué cette franchise peu coutumière chez nos responsables gouvernementaux en s’attaquant à l’aspect politique de la composante de l’Assemblée. Cela revient à mettre sur la table de discussion la notion de la démocratie telle qu’elle est perçue par les élus de base, loin des États-majors des partis. Cependant, ces derniers ne manquent pas, lorsque des intérêts sont en jeu-et c’est souvent le cas- de peser de tout leur poids pour orienter les décisions des assemblées communales dans le sens qui leur sied.

Les idéaux d’une ‘’démocratie participative’’

Au niveau de l’administration centrale (ministère de l’Intérieur, Chefferie du gouvernement, présidence de la République), des initiatives de modernisation de l’administration et de la gestion des affaires de la collectivité ont été ébauchées. Certaines ont même eu un début d’application. La formation des nouveaux présidents d’APC issus des élections de novembre 2007 aux techniques de gestion municipale, à la gestion du territoire et aux attributions administratives du maire est un bel exemple d’une volonté d’aller vers une gestion décentralisée et efficace du territoire. Sauf que, comme l’ont constaté les maires eux-mêmes envoyés en formation, cette ‘’leçon de choses’’ a mis en évidence une grande lacune, celle-là même qui fait l’objet d’une revendication réitérée depuis une décennie par la classe politique et mille fois promise par le département de l’Intérieur : la réforme des textes réglementant la vie des assemblées locales, c’est-à-dire le code de la commune et le code de la wilaya. Les présidents d’APC se sont sentis bien pris en charge sur le plan pédagogique lors de cette formation, mais beaucoup d’entre eux ont fait montre de leur scepticisme de pouvoir ‘’aller au charbon’’ en l’absence de textes réglementaires ‘’rafraîchis’’, adaptés à la nouvelle situation économique du pays.

Pour maintes analystes et pour ceux également qui sont appelés à gérer les affaires de la communauté, le Code communal, au vu de l’évolution des réalités économiques, culturelles et sociales du pays, est frappé d’obsolescence. Ould Kablia l’a reconnu à plusieurs reprises et le ministère de l’Intérieur a mis beaucoup de temps pour élaborer un nouvel avant-projet qui demeure jusqu’à présent dans les tiroirs. L’une des plus importantes innovations du nouveau Code communal est, d’après Ould Kablia, l’approche d’une ‘’démocratie participative’’ qu’il convient d’asseoir dans les futures assemblées : les citoyens, par le truchement des associations de quartiers et des organisations professionnelles participeront aux décisions des exécutifs communaux relatives à la politique de la jeunesse, de l’éducation, de l’environnement, de la santé, de la distribution de l’eau, de l’assainissement,…etc.

Pour quelle qualité des services ?

Dans la nouvelle vision de la gestion des collectivités locales, le projet de Code communal comporte aussi une nouvelle vision de l’institution municipale à laquelle il compte conférer de nouvelles prérogatives tels que les possibilités des emprunts bancaires destinés à réaliser des investissements qui rapportent de l’argent (marché, centre commercial, abattoir,…). Comme, il donne la possibilité à l’APC de déléguer la gestion de certains services publics à des organismes privés. Le domaine de compétence du secrétaire général de mairie sera également redéfini étant entendu que, contrairement à l’élu, celui-là signifie la pérennité et la permanence de l’institution.

Les autorités politiques sont également convaincues que la libération des institutions par des textes plus adaptés ne peut faire l’économie d’une nouvelle division administrative qui redéfinisse rationnellement la taille des territoires à gérer. La maturation du dossier serait bien avancée au département de Zerhouni. Mais, des considérations probablement liées à des rapports de forces politiques au sein des institutions a quelque peu retardé la concrétisation du projet. À deux reprises, en 2006 et 2008, c’est le ministre de l’Intérieur lui-même qui a fait état d’un nouveau découpage qui aboutirait à la division du territoire en une centaine de wilayas, les nouvelles entités seront considérés transitoirement comme des wilayas-déléguées. Une chose paraît en tout cas établie : une division administrative rationnelle et harmonieuse et des prérogatives claires et bien managées des cellules de base que sont les municipalités doivent agir en parfaite synergie pour tirer le développement du pays vers le haut et ébaucher une démocratie à la base. La problématique de la décentralisation a refait surface à l’occasion du débat sur les rôles et missions du wali en tant que premier représentant de l’État, premier magistrat de sa province, mais aussi agent de développement. Le courroux du président de la République suscité par les résultats médiocres réalisés par certaines wilayas en matière de développement est surtout dirigé contre une certaine forme d’organisation et de gestion des ressources humaines qui, en adoptant comme modèle le monopole de la décision et l’arrogance dans le comportement, annihile toutes les énergies susceptibles de faire la jonction avec la société et la communauté pour une vision plus harmonieuse, plus intégrée et plus participative du développement. Il est également établi de par le monde que la conception de l’État à travers l’administration publique et à travers aussi les mandats confiés aux élus ne peut être ni cohérente ni complète si la relation administration/administrés et gouvernants/gouvernés ne se fonde pas sur une qualité des services publics qui soit à la mesure de l’argent que le contribuable y met.

Le défi des ressources humaines et des finances

Pour rendre plus efficace et moderniser les Services de l’administration, le président de la République a fait état de la nécessité d’un nouvel encadrement technique pour les communes de façon à ce qu’elles puissent faire face aux différentes tâches de développement local et de gestion du territoire. Sur ce plan, de nouveaux postes budgétaires ont été accordés par l’administration de la Fonction publique aux mairies. Ces dernières ont commencé à recruter dans les corps de différents métiers des diplômés censés suivre, contrôler et réceptionner les projets de développement communaux.

Les finances locales sont appelées, elles aussi, à une refonte aussi bien sur le plan de la fiscalité locale que de l’utilisation des deniers de la collectivité. L’on apprend aussi que l’administration algérienne va renforcer le mouvement d’informatisation de façon à toucher l’ensemble des prestations de l’État civil. De même que le passeport et la carte d’identité nationale seront, selon les directives du président de la République soumis au calcul biométrique (dimensions des différentes parties du corps humain de l’intéressé), ce qui a pour objectif de réduire les cas de falsification de documents officiels.

Ainsi, dans le cadre des réformes générales qui devraient toucher l’administration publique, les principes universels du service public ne pourront guère être occultés. Ce sont, entre autres, les notions de la continuité du service, car la satisfaction d’un besoin collectif impose que l’activité fonctionne de manière ininterrompue ; l’adaptation du service à l’évolution des besoins d’intérêt général ; l’égalité des administrés devant le service public ; et, enfin, la neutralité qui garantit l’universalité du service et la prééminence de l’intérêt général sur tout intérêt particulier.

Amar Naït Messaoud

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