En effet, le bilan établi par le Centre national de l’informatique et des statistiques- organisme dépendant des Douanes nationales- pour les sept premiers mois de l’année 2009, soit jusqu’à la fin juillet, fait ressortir un net recul des exportations, soit un montant de 24,695 milliards de dollars de janvier à juillet 2009, contre 47,369 MDS de dollars durant la même période de l’année 2008, soit une baisse de 47,87%. Les importations effectuées pendant la même période ont atteint un volume global de 23,246 MDS de dollars contre 22,516 MDS de dollars réalisés durant la même période 2008, soit une augmentation de 3,24%. L’excédant de la balance commerciale s’établit ainsi à 1,449 MDS de dollars contre 24,853 MDS de dollars durant la même période de 2008, soit une perte de plus de 22 milliards de dollars. Le taux de couverture des importations par les exportations pour la période considérée a atteint un ratio de 106% contre 210% pour la même période 2008. À la fin 2008, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, qui, tout en se montrant serein quant aux effets directs de la crise financière internationale sur l’Algérie, n’a pas manqué d’appeler à la vigilance en prônant plus que jamais la revivification de l’économie par la diversification des exportations. Il est temps, semble-t-il insinuer, d’aller vers les vraies réformes, de les mener par le moyen d’une politique nationale cohérente et concertée, au lieu d’avoir à les subir de l’extérieur par la pire des méthodes, celle qui n’agréerait ni aux populations ni aux intérêts stratégiques du pays. Il est vrai qu’au milieu du brouhaha accompagnant la crise financière mondiale, il est difficile de raison garder et la voie s’ouvre plutôt vers toutes sortes de supputations et de procès en sorcellerie. Les sept premiers mois de l’exercice 2009 montrent ainsi un recul effarant du montant des exportation principalement dû à la régression du prix du baril de pétrole qui avait traîné pendant plusieurs mois une fourchette de 35-40 dollars.
Des programmes et des appréhensions
Le recul ininterrompu de la monnaie américaine face à l’euro depuis ces deux dernières années, la banqueroute de prestigieux établissements financiers en Amérique et en Europe depuis le mois de septembre 2008 et la chute subséquente des places boursières à l’échelle de la planète ont ébranlé le système financier international au point que le contribuable américain, via l’approbation par le Congrès du Plan Paulson, est appelé à secourir un des piliers de l’ordre capitalistique mondial. Ce sont tous les pays européens qui ont, peu ou prou, commencé à ressentir les effets de la crise quelques mois plus tard. Il semble que l’Espagne soit le pays le plus touché par la récession économique. En effet, la chute vertigineuse des emplois enregistrée dans ce pays n’a pas son égale depuis plus de vingt ans poussant ainsi même certains “harragas’’ algériens et marocains exerçant dans les vergers d’Andalousie à retourner clandestinement dans leurs pays d’origine. À l’échelle de l’économie de notre pays, l’on se souvient qu’à la fin de l’année 2008, le Chef de mission du FMI, M. Joël Toujas Bernaté, était venu en Algérie pour prendre le “pouls’’ de l’état de l’économie algérienne et apprécier du même coup ses capacités à résister à la crise de la finance mondiale. Le discours interne de nos responsables était plutôt rassurant sur le sujet. Des nuances cependant ont été introduites par Ahmed Ouyahia de façon à asséner un avertissement aux différents gestionnaires et responsables de l’économie nationale face aux turbulences charriées par le dérèglement général du système financier international. Tout en admettant la relative faiblesse de la relation directe et automatique entre le système financier international et l’économie algérienne- les experts utilisent le terme de “déconnexion’’-, le responsable du FMI n’a pas exclu les contrecoups de la grande bourrasque mondiale sur le futur immédiat de notre économie. Il rappelle, dans la foulée, la dépendance dangereuse du pays vis-à-vis du pétrole et les conséquences qui pourraient en découler. “Au cas où les prix chutent, on va se poser des questions concernant les ressources qui permettent à l’Algérie de poursuivre ses programmes d’investissement. C’est pour cela qu’il est recommandé aux autorités algériennes de se préparer à prendre des mesures préventives concernant les priorités dans les investissements publics et le soutien à la croissance”, a-t-il affirmé. On comprend ici que ce sont tous les programmes et grands ouvrages conçus dans le cadre du Plan de soutien à la croissance économique (PSCE), le programme des Hauts-Plateaux et le programme du Grand Sud qui sont visés par de telles appréhensions.
Le piège de la mono-exportation
Avec des réserves de change évaluées à la fin de l’année écoulée à plus de 140 milliards de dollars-, l’économie algérienne a compté sur un marché pétrolier qui assurait des recettes exceptionnelles pour le pays dépassant les 40 milliards de dollars. Après avoir franchi le seuil “psychologique’’ de 100 dollars le baril en janvier 2008, le prix du baril s’était conforté jusqu’à parvenir ses sommets en juillet de la même année à 140 et 150 dollars la baril. Ces chiffres ont donné du tournis même à nos décideurs. Mais, voilà. Depuis cette date, deux événements sont venus “brouiller’’ cette lecture par trop triomphaliste d’une économie algérienne engoncée dans ses certitudes. D’abord, le changement qui a lieu à la tête du gouvernement. En plaçant Ahmed Ouyahia à la tête de l’Exécutif, le président de la République semble vouloir apporter la réponse à une situation presque énigmatique de l’économie algérienne où se multiplient les paradoxes entre richesse potentielle ou virtuelle et pauvreté réelle, ainsi qu’entre la volonté politique de mener les réformes dans les secteurs sensibles de l’économie et de l’administration et les résistances légendaires des cercles d’intérêt, des coteries et de la “médiocratie’’. Ouyahia n’a pas joué à la cachotterie en annonçant publiquement que, même si la loi de Finances était basée sur un prix-étalon du baril de pétrole de 19 dollars jusqu’à fin 2007 et de 37 dollars à partir de la LFC (loi de Finances complémentaire) de 2008, la réalité du budget algérien fait que le vrai prix du baril tel qu’il y est intégré dépasse 60 dollars. C’est pourquoi, il dit appréhender fortement la baisse du prix du baril de pétrole au-dessous de 70 dollars, ce qui remettrait en cause les projets d’investissements publics engagés par le gouvernement depuis 2005. A Dieu ne plaise, le recul du prix de l’or noir pourrait, dans un cas extrême, entraîner dans son sillage une partie des transferts sociaux décidés par les pouvoirs publics dans le cadre du soutien des prix de certains produits alimentaires et autres bonifications fiscales tendues vers l’encouragement de certains créneaux d’investissement.
Pour certains aspects de la crise financière internationale, le Premier ministre nous rassure en expliquant que l’Algérie avait raison de payer ses dettes par anticipation (depuis 2005), comme elle a bien agi en ne cédant pas à l’idée en vogue d’investir son argent dans des fonds souverains, idée défendue mordicus par certains cercles politico-médiatiques aux premiers mois de l’année 2008.
Néanmoins, il demeure évident que toutes ces règles prudentielles ne nous prémunissent pas ad vitam aeternam contre les répercussions de la crise mondiale, une crise que des analystes n’hésitent pas à comparer à celle de 1929.
Pour les pays producteurs de pétrole et dépendant presque entièrement de cette énergie comme produit d’exportation, les choses se corsent depuis quelques mois pour ce qui est de la valeur du dollar, monnaie constituant les recettes d’exportation. Bien que la tendance ait été entamée depuis le milieu des années 2 000, la course effrénée de l’euro ne semble arrêtée par aucun événement conjoncturel. Cette semaine, sa valeur a frisé les 1,5 dollars. Les retombées sur l’Algérie sont nécessairement pénalisantes du fait que la majorité de nos recettes le sont en dollar, alors que la majorité de nos importations le sont en euro.
Cette sanction générée par un patent décalage entre la carte géographique des flux d’exportations algériennes et celle des flux d’importation a tendance à être aggravée par le grand déséquilibre de la balance commerciale hors hydrocarbure. En effet, comme l’a déclaré en mai dernier M.Cherif Zaâf, directeur général du commerce extérieur au ministère du Commerce, “pour un dollar exporté vers l’Union européenne, l’Algérie importe pour 20 dollars”. En chiffres réels, le bilan de l’année 2008 donne un volume d’exportation hors hydrocarbures de 1 milliard de dollars vers la zone de l’U.E. et un volume d’importation de 20,8 milliards de dollars.
Les importation d’origine européenne ont, depuis l’entrée en vigueur de l’Accord d’association U.E.-Algérie le 1er septembre 2005, augmenté de 80%, soit à un rythme annuel moyen de 20%. Ces importations provenant de l’Union européenne représentent 55 % de l’ensemble des importations algériennes. En matière d’investissement hors hydrocarbures, les pouvoirs publics et les experts en économie ont constaté les réticences des compagnies européennes à s’établir d’une façon stable et durable dans les créneaux liés à la production. La représentation commerciale a pris le dessus sur le reste comme a eu à le faire remarquer l’année dernière le président Bouteflika lors d’un discours où il n’a pas ménagé les entrepreneurs européens et la politique de partenariat telle qu’elle est mise en pratique par leurs gouvernements respectifs.
Des correctifs salutaires
Depuis l’automne 2008, le gouvernement a essayé de redresser le gouvernail de l’économie nationale par des mesures destinées à mieux rentabiliser les investissements étrangers en Algérie. En effet, la frilosité des partenaires économiques de notre pays à asseoir une politique d’investissement hardie basée sur le transfert de la technologie et la création d’emploi ne faisait que se confirmer. Le Premier ministre jugea alors nécessaire de soumettre au fisc les dividendes des entreprises étrangères habituellement rapatriés dans leur valeur nette. Ensuite, ce fut le tour d’un partenariat basé sur la communauté de capitaux. Le gouvernement imposa, au début de l’année 2009, à ce que les entreprises étrangères voulant exercer en Algérie réservent 30 % de leurs capitaux à des partenaires algériens. Cet été, c’est par le moyen de la loi de finances complémentaire 2009 que le gouvernement a assis des mécanismes d’incitation à l’investissement particulièrement par des dégrèvements fiscaux consentis à l’endroit de certains secteurs ou branches d’activité économique à l’exemple du tourisme (hôtellerie, restauration,…).
Karim Djoudi, ministre des Finances, a eu à expliciter certaines mesures de la LFC et en justifier l’opportunité suite à une levée de boucliers émanant de plusieurs milieux politiques et économiques. Il affiche la volonté du gouvernement de travailler au redressement de la situation et de mettre fin à l’économie de bazar. Il s’agit de “passer d’une économie de consommation à une économie de production”, assure-t-il. En tout cas, la philosophie générale qui soutient la loi de finances complémentaire 2009 est basée sur le principe de la limitation des importations. Ces dernières ont dépassé les 40 milliards de dollars en 2008. la LFC agit aussi sur le volet des investissements nationaux et étrangers de façon à les encourager par des incitations réelles (fiscales, administratives, foncières).
La suppression du crédit automobile se trouve justifiée par plusieurs facteurs, à commencer par les réticences des maisons de fabrication automobile à s’investir en Algérie dans la fabrication de voitures et de pièces de rechange. Cette option est à même de conduire à une importante création d’emplois et à au transfert de technologie longtemps chanté sur tous les toits.
De même, le surendettement des ménages algériens- qui a fait que des voitures neuves servent au transport en taxi clandestin et que des couples, conjointement solidaires, se séparent ou transfèrent leurs conflits financiers devant les tribunaux- est aussi ressenti comme une des responsabilité de l’État vis-à-vis des ménages.
Une nouveauté dans le système de facturation imposé aux entreprises d’importation : la loi dispose que seul lé crédit documentaire (CREDOC) est admis dans le payement des fournisseurs étrangers. Ce système qui combine les prérogatives bancaires avec le contrôle administratif assure la traçabilité des opérations du commerce extérieur et la garantie de l’État vis-à-vis des fournisseurs.
Amar Naït Messaoud
