“Nous ne venons pas du Yemen”

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C’est en l’absence fort remarquée et déplorée de la délégation algérienne que se sont ouverts, avant-hier à 10 heures, les travaux du IV congrès du CMA dans la ville marocaine, Nador, à 700 kilomètres au nord de Casablanca. M. Belkacem Lounès, président du congrès mondial amazigh a longuement déploré l’absence des représentants de la Kabylie et des autres régions berbérophones d’Algérie. Celles-ci n’ont pas pu faire le déplacement faute de moyens financiers. “Le déplacement à Nador et les trois jours de séjour auraient coûté 80 000 DA à chaque délégué, ce qui leur fait six mois de salaire. Si les frontières n’étaient pas fermées les délégués d’Algérie auraient pu être présents normalement”, a affirmé M.Lounès, dépité. En dehors de cette tache noire, la cérémonie d’inauguration du congrès s’est tenue dans un climat festif. Une foule très nombreuse était présente, dont les militants berbères de Nador qui se sont donnés à fond pour la réussite de l’événement. La salle de la chambre de commerce et de l’industrie de Nador était pleine à craquer. Beaucoup de congressistes étaient contraints de se tenir debout tout au long de la séance matinale qui s’est déroulée en présence d’un nombre impressionnant de journalistes de la presse écrite marocaine, espagnole, algérienne et des chaînes de télévision berbère TV et la radio et télévision marocaine. Avant le début des travaux, de la salle, fusaient des airs de la chanson berbère du rif. Un chanteur de Nador a interprété en compagnie de sa fille et de son fils une chanson engagée intitulée “Nous ne sommes pas venus du Yemen”. La salle a longuement applaudi cet artiste. Vue l’ambiance qui y a régné, on se serait cru dans un meeting du Mouvement Culturel Berbère au moment où ce dernier était au summum de sa gloire. Les organisateurs ont projeté un documentaire relatant le déroulement du congrès des îles Canaries. Les invités ont par la suite été conviés à prendre la parole, après l’allocution d’ouverture officielle du président du CMA. Ce dernier a affirmé qu’il s’agissait d’un événement historique : “La rencontre en elle-même est un événement car les Berbères sont éparpillés à travers le monde. Il y a quelques jours, un congrès amazigh à Nador était inimaginable. Notre but à travers le CMA est tout simplement de revendiquer le droit d’exister en tant que peuple. Les Berbères sont un peuple, de Siwa aux Canaries et de la méditerrané au Niger. Notre pays est Tamazgha dont la culture est vaste”. En l’absence de la délégation de la Kabylie, le président du CMA a été contraint de présenter lui-même l’état des lieux de Tamazight et du peuple berbère en Algérie. Il informera l’assistance que depuis janvier 2005, le gouvernement algérien a invité officiellement le mouvement des archs pour appliquer la plate-forme d’El Kseur, qui contient quinze points dont l’officialisation de tamazight dans la constitution. “Les délégués des archs ont obtenu que les élections qui avaient eu lieu pendant les événements de Kabylie soient annulées. C’est le président Bouteflika qui a signé en personne ce décret de destitution de ces dits indus élus”, a affirmé l’orateur. Ce dernier a rappelé qu’il existe d’autres tendances au sein des archs qui s’opposent à ce processus de mise en œuvre de la plate forme en question. M. Lounès a souligné que cette tendance ne pèse pas grand-chose, tout autant que l’aile dialoguiste “car le mouvement qui a été, au début populaire, ne peut plus drainer les foules. Il s’est usé et a perdu sa base. Aujourd’hui, la population ne répond plus à leurs appels car elle est lasse”. L’intervenant a indiqué que “ce processus de dialogue est un piège de la part du pouvoir qui a réussi à diviser le mouvement”. L’orateur a relevé l’absence de représentants de la Tunisie et de ceux de Siwa pour des raisons similaires à celles de ceux de Kabylie. De nombreux invités ont pris la parole dans la matinée pour exprimer leur soutien au combat des Amazighs, dont des représentants des Catalans, Basques, Italiens, UNESCO, Espagne… Le représentant du Maroc a dressé un tableau succinct mais peu reluisant de la situation de l’amazighité dans son pays bien que ce soit le pays qui compte le plus de berbères. Un délégué du peuple Berbère libyen a lu une déclaration en tamazight après que le président du CMA eut demandé à tous les cameramen d’éteindre leurs appareils à cause des risques encourus par ce Libyen, très acclamé, en étant dans cette salle.

A. M.

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