Des bleues, des roses et des pas mûres

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Sous des cieux moins encombrés de caprices doctrinaux, l’école échappe à la mainmise idéologique pour s’atteler à fabriquer des “citoyens incolores” et positivement actifs dans une société qu’ils poussent à aller encore plus de l’avant. Mais ailleurs, cela fait bien longtemps depuis qu’on a compris que ce n’est pas à la rue, encore moins à l’idéologie, de dicter sa loi à l’école. Chez nous, l’influence est inverse. L’école est chahutée. Il ne se passe pas une rentrée scolaire, sans qu’une activité pédagogie soit sabordée par tel ou tel état d’âme. Le weed- end semi-universel, et alors que d’aucuns estimaient être un pas appréciable vers l’intégration de la sphère universel, n’a pas été sans éclabousser l’école. Jugée sacro-sainte pour l’inamovible ministre de l’Education, il sera décidé que la journée du vendredi sera une journée de repos et de… prière. Du coup, c’est l’emploi du temps, déjà pas assez oxygéné, qui en pâtira. L’élève, y compris celui du cycle primaire, est retenu en classe jusqu’à 17h 30 mn. En fait, le pauvre chérubin n’aura qu’une heure trente minutes pour respirer. Au terme de la journée, l’élève aura totalisé 8 heures de présence, du moins physique, en classe. Qui, mis à part le manœuvrier (surveillé de près), fera mieux ? A côté bourbier pédagogique généré par la révision de l’emploi du temps hebdomadaire se pose pour l’élève, notamment celui habitant les zones rurales, le problème du transport. Chose que nous avons constatée au niveau de la gare routière de Bouira, à 18 heures, des élèves attendent toujours un fourgon pour les acheminer chez eux. Cette attente est relativement supportable quand le ciel est clément. Ce qui n’est pas le cas en automne et en hiver, autant dire l’année scolaire durant. Qu’il neige ou qu’il pleuve, l’enfant finira par arriver chez lui vers 20 heures. Il n’aura que le temps de se sécher et de manger un morceau, avant de s’endormir. Pour ce qui est de détente et de révision, il faut attendre les congés. Et comme notre école est championne du monde de l’improvisation déroutante, le ministère de l’Education exigera des élèves un uniforme sexiste : un tablier rose pour les filles et un bleu pour les garçons. Les directives soulignent cependant que toutes les nuances du bleu et du rose sont acceptées et que les élèves bénéficient d’un sursis de près d’un mois (jusqu’au 13 octobre) pour se débarraser de leur vieux tabliers “incolores”. Cette sortie textiles du ministre de l’Enseignement a tout de suite inspiré des retombées mercantiles. Du coup, les tabliers bleu et rose sont stockés pour les céder à trois fois leur prix. Déjà que le “stupide” tablier blanc pour enfant du primaire a atteint le prix de 400 dinars. Des ateliers se sont carrément mis à confectionner du rose et du bleu qu’ils espèrent refiler en gros à la DAS (Direction des affaires sociales). Resté sans voix devant cette trouvaille bleu-rose, un parent d’élève rencontré aux environs du souk, nous expliquera qu’il avait trouvé un astuce : imbiber les vieux tablier blancs de ses enfants de mercurochrome jusqu’à tomber sur une nuance de rose. Quant au bleu, “je n’ai pas encore de garçon”, nous dira-t-il. A la manière dont est gérée l’école, l’on constate de plus en plus “la vie en rose” n’est pas pour demain.

T. Ould Amar

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