Porte ouverte à l’islamisme

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Il y a près de vingt ans, huit années après le Printemps Berbère, une jeunesse en furie et désabusée par les révolutions socialisantes est descendue dans les rues d’Algérie déverser sa colère sur tout ce qui rappelait “lhoukouma”.

La kasma, symbole d’un pouvoir anesthésiant par excellence, figurait parmi le réceptacle le plus privilégié de la rage populaire. Le souk el-fellah, ce monoprix socialiste, subira aussi la colère du ras-le-bol. Mieux que tout autre chose, ces deux cibles incarnaient et résumaient les limites neuronales du pouvoir en place. Un pouvoir que la jeunesse d’Octobre-88 voulait hisser à la hauteur de son ambition, de ses aspirations, celle de vivre dans la dignité. La révolte était saine, sans emballage politique, du moins dans le pavé. Plus tard, et aux termes de gymnastiques analytiques obéissant à telle ou telle visée politique, on nous expliquera qu’Octobre-88 a été actionné à distance. Ce discours mettant en relief un laboratoire spécialisé dans le déclenchement des révoltes sera réitéré toutes les fois que la Kabylie descend dans la rue. Mais toute cette phraséologie qui tentera d’expliquer Octobre-88, ou de le récupérer, ne changera rien au fait que la révolte était légitime, salubre et était menée par une jeunesse gavroche qui n’était pas loin de mourir “sur les barricades de l’insurrection.” Un tribut couleur sang sera cependant payé. Le colonel Chadli Bendjedid, et dans le sillage d’une larme essuyée, promettra aux Algériens le changement. S’ensuivra une ouverture politique. La porte sera grande ouverte, trop même, au multipartisme. Près de soixante associations politiques seront agréées. A quelques exceptions près, toutes ces associations avaient fait école dans les mouhafadhas. Elles arrivaient donc sur la nouvelle scène politique avec les séquelles et les réflexes du parti unique. Ce qui fera dire, et à juste titre, à feu Khedda que nous somme “passés d’un parti unique à soixante partis uniques”. L’avenir ne fera pas démentir l’artiste puisque, en cours de route, tous ces partis sortis du chapeau melon se transformeront en satellites gravitant autour de l’homme fort du moment. En fait, seul le pouvoir dans son sens primitif les intéressait. L’idéal démocratique dans tout ce qu’il a de généreux n’est assumé que par quelques partis politiques ayant fait école dans la clandestinité. Mais cet idéal sera vite rattrapé et enterré par la culture de l’inamovibilité qui gangrenait et gangrène toujours les chefs de partis d’opposition réduits à gérer les “fax politiques”.

Au final, la porte ouverte par les enfants d’Octobre profitera aux islamistes de toutes moutures. Ils feront feu de tout bois et investiront tous les espaces en jachère. Ils ont même investi les couloirs du pouvoir “sur la pointe des pieds”, disait Matoub.

Pendant ce temps, l’opposition résiduelle se dispute les mairies de la Kabylie.

T. Ould Amar

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