Il est 21 heures lorsque nous arrivons dans la ville de Fès, en ce lundi 8 août, après un périple de plus de sept heures de route. Nous avons démarré de Nador à 13 heures à bord d’un bus. C’est pratiquement le seul moyen de se rendre à notre destination en plein jour sans encourir de risques. Les risques ce sont les accidents de voitures. Tout le monde, à Nador, nous a déconseillé de prendre un taxi. « Il n’ y a pas un jour où on n’enregistre pas plusieurs accidents de circulation sur la route de Fès », nous a prévenu le réceptionniste de l’hôtel où nous étions descendus à Nador, un licencié en littérature anglaise ayant fait ses études à Fès. Le seul train qui prend notre destination démarre à 22 h 30. En plus, comme il n’ y a pas de gare de train à Nador, il faudrait, au préalable, prendre un bus pendant deux heures. Quand nous quittons la gare de Nador, il fait chaud mais pas trop. Cependant, il a suffi d’aborder le chemin vers Fès pour sentir que la température allait crescendo. Il faisait plus chaud qu’en Algérie. Le bus n’étant pas climatisé, les voyageurs, surtout les vieilles suffoquaient. L’avantage qu’offre la route est qu’elle est plate. Point de côte ni de descente. Des deux côtés de la chaussée, la nature est dénudée. La verdure est très rare. Le paysage ressemble à celui qu’on retrouve sur la route de Bordj Bou Arreridj à Khenchela. Par moment, apparaissent des champs d’oliviers. Ici, la cueillette des olives est de loin plus facile qu’en Kabylie car les prés ne sont pas escarpés. Ce que nous n’avons point prévu arrive. Ce n’est pas un accident de circulation. Mais un très violent vent de sable. Au début, le soleil a commencé par disparaître. Nous avons pensé à une amélioration du climat. Soudain, un vent violent commence à souffler puis, petit à petit, il soulève des quantités énormes de terre. Ceci rendait le déplacement des véhicules impossible. Certaines vitres du bus étaient brisées. Difficile d’éviter la terre qui rentrait et aveuglait tout le monde. Les femmes et les enfants toussaient. Dehors, il n’ y avait pas âme qui vive. Tout le monde s’est replié pour s’abriter quelque part. La tempête a duré environ une demi-heure avant que le ciel ne nous arrose de quelques gouttes de pluie fine. Le bus poursuit son périple. La route s’étire. Le soleil se couche et nous ne sommes pas encore arrivés. Une femme s’inquiète car elle veut arriver tôt. Le chauffeur, qui écrase cigarette sur cigarette, la rassure. Deux passagers assis derrière nous abordent dès qu’ils ont reconnu notre accent algérien. Ils nous souhaitent la bienvenue et nous demandent des informations sur l’ouverture des frontières. Ils nous demandent comment nous sommes rentrés et s’il fallait avoir un visa pour aller d’un de nos deux pays vers l’autre. Ensuite, ils nous posent des questions sur l’activité commerciale en Algérie. Le passager assis à côté de nous est un policier. Il ne nous le dira qu’au moment où nous descendons du bus. Pourtant, nous avons beaucoup discuté en cours de route. C’est un Berbère de Nador qui a du mal à s’exprimer en arabe. Il nous affirme que le climat à Fès est beaucoup plus chaud qu’à Nador. En plus, il nous indique qu’il ne sera point facile de trouver une place dans un hôtel à cette heure-ci. « Fès reçoit des milliers de touristes étrangers par jour », souligne notre compagnon. Avant de descendre, il nous oriente vers deux hôtels : « Quand tu vas descendre à la gare de Fès, tu prends un petit taxi (c’est ainsi que sont appelés au Maroc les taxis compteurs) et tu lui demandes de te déposer à Bab Souk. A l’entrée de Boudjelloud, tu trouveras trois hôtels. L’un est fermé pour travaux. Les deux autres sont très intéressants et avec moins de 70 dirhams (700 dinars algériens). » Nous nous attendions à trouver une ville déserte en arrivant à Fès puisqu’il faisait nuit. Combien fût grande notre surprise quand, en parcourant les rues, nous avons eu du mal à circuler tant tout le monde était dehors. Des familles de Fès et des étrangers par milliers se promenaient dans les différentes rues. Nous montons dans un petit taxi et demandons au chauffeur de nous déposer à Bab Souk de Boudjelloud. Poliment, il nous demande de descendre car le lieu indiqué se trouvait à mois de 500 mètres. C’est une véritable kalâa que nous découvrons. Nous entrons à travers une grande porte. Nous trouvons les deux hôtels qu’on nous a conseillés et comme il fallait s’ y attendre, il n’ y avait aucune place disponible. Heureusement que Fès est une ville qui vit pendant la nuit. Dans cette ville, il est permis de rêver les yeux ouverts. La cité est magique. Ce n’est qu’au moment où nous sommes rentrés dans un cybercafé, pour rédiger cet article, que nous sommes sortis de notre songe.
A. M.
