Chaque fruit a sa particularité et a sa saison, mais il est des fruits dont la venue constitue un événement. Les figues fraîches sont le meilleur exemple. Cette période de fin juillet et début août est une période particulière avec l’arrivée des premières figues que tout le monde guette à longueur de journée. Le plaisir de tâter une figue mûre et la distinguer d’abord par sa couleur, entre les autres, dures et non encore mûres, est inégalable pour les campagnards qui seuls saisissent la valeur et le goût. Mieux, ce petit fruit “sacré” chez les Kabyles, constitue le sujet dominant dans les discussions quotidiennes dans nos villages, chez les gens du troisième âge particulièrement et les paysans. “Tessenti, negh mazal ghurwen” ? (les premieres figues sont-elles mûres chez vous ?), est une question que l’on entend sur toutes les langues dans les foyers, au café, au marché et partout ailleurs. Et même si beaucoup de vendeurs proposent leurs fruits sur les routes, ces toutes premières figues sont “invendables” et inestimables, elles se goûtent en famille et nul n’a le droit d’en disposer à satiété et priver les autres. Mouloud Feraoun a même parlé des premières figues dans “Jours de Kabylie”. Dans certains villages de Kabylie les années précédentes, il était interdit de cueillir les premières figues même dans son propre champ, sachant que beaucoup n’en possédait pas. Il fallait attendre quelques jours, le temps que les autres fruits mûrissaient pour lever l’interdiction “Lekhdha” de Tajmaât, et voir les gens en manger à parts égales, puisque ceux qui n’en possédaient pas de figuiers avaient aussi leurs parts offertes par les propriétaires de figuiers. La solidarité battait alors son plein. Quand on sait combien de variétés possèdent les figuiers, on comprendra vite pourquoi ce fruit est différent des autres. On peut décompter plus d’une vingtaine de variétés, ce qui dépasse de loin les variétés de pommes, de raisins, d’oranges et d’autres fruits connus dans le monde. Et parmi toute cette panoplie de noms de figuiers qui diffèrent de couleur, volume, forme et même de goût, les feuilles aussi ne sont pas identiques. On trouvera une minorité qui voit ses fruits mûrir en premier, à l’image de “Abuyetibul”, tabakurt”, “tabellut”. On y reviendra prochainement.
Salem Amrane
