Par Abdenour Si Hadj Mohand
Les villages de kabyles, depuis l’indépendance étaient gérés par trois pouvoirs qui se font concurrence :
– le pouvoir religieux
-le pouvoir économique- plus financier qu’autre
-le pouvoir administratif (étatique)
La mosquée : la domination : la gestion des villages par les religieux des villages se retrouvent dans les décisions prises au nom de la religion, de Dieu. Ainsi la mosquée était le lieu où » on légifère »et où on applique des lois et des répressions d’infractions (pécuniaires) même si la djemaa était souvent le lieu de joutes oratoires plus libres, d’ordre socio économiques.
Les riches des villages : pouvoir financier consiste en la prédominance des membres dont l’aisance financière est notoirement avérée, dans les débats et par conséquent de l’issue des résolutions et donc des décisions prises de portée économique et social qui dépend la plus part du temps des subventions et des dons des plus aisés. Sachant que l’état est absent dans les investissements et les budgets de fonctionnement des villages qui vivent de la collecte de ses membres
L’Etat (politique) : la tentative d’immixtion de l’Etat a travers la mise en place des structures telles que la gendarmerie, et la présence de plus en plus remarquée de cet instrument du pouvoir y compris dans des endroits qui étaient jusque là interdits pour les étrangers va réveiller les vieux démons chez les kabyles qui tiennent à leur intimité et leur sacré gauche et sacré droit. C’est son existence en tant que peuple dans ses habitudes millénaires qu’il voit mettre en danger par l’introduction du système de valeurs citadines, hérité de la France métropolitaine et qui se trouve être en flagrante contradiction avec son style « bédouin » autarcique même, je dirais.
De là va naître une concurrence dans les décisions prises, entre d’un coté l’Etat et l’assemblée des villages qui parfois se sont retrouvés en conflit grave
Des frictions sont nées et, la dégradation socio économique des populations montagnardes, va favoriser l’éclatement et la révolte qui sera suivi d’une répression aveugle. Contrairement à l’affirmation d’un sociologue appelé à la rescousse pour donner une explication à cette crise, il n y a pas d’un coté des “Rambo” en, mal d’aventure et de l’autre un Etat conscient du développement socio industriel moderne de son peuple
L’Etat conçoit cette révolte comme une remise en cause de son autorité sur une partie du territoire national et vit dans la hantise d’une scission.
A contrario, les villageois sentant leur honneur bafoué, et leur sacré droit et sacré gauche en danger, vont saisir cette occasion pour exorciser cette domination et cet étouffement aux antipodes de leurs habitudes et us ancestraux et dont la langue tamazight est l’instrument oral, unique de pérennisation.
Cette contradiction fondamentale entre le style de gouvernance d’un système post colonial et un répertoire de codes de conduite orale, va poser un problème de cohabitation de systèmes de valeurs qui se rejettent et se combattent.d’où les événements sanglants qui s’en sont suivis. Dés lors, une question d’une importance vitale va se poser et qui va placer les autorités dans une situation de flou et d’incapacité à agir, en essayant de recourir à des palliatifs qui n’apportent aucune solution durable. La simulation pseudo scientifique, empirique et superficielle des Arouchs pour donner un relais à la machine administrante de l’Etat va accentuer le marasme et le malentendu et pousser à l’exacerbation des revendications qui parfois dépassent les intentions des aînés. En attendant la descente aux enfers se poursuit sur tous les plans : immigration clandestine, évangélisation, suicides, banditisme, terrorisme, etc. de havre de paix qu’elle était, la Kabylie s’est vite transformée en un terrain de haute insécurité où il ne fait pas bon de vivre.
Devant le mutisme et l’inertie de l’Etat, d’autres sons de cloches seront bientôt entendus ça et là, y compris jusqu’à cette voix qui proclame haut et fort l’autonomie de la Kabylie. On se pose une question, tout aussi légitime qu’opportune de savoir de quoi sera fait demain? En d’autres termes, quelle solution administrante pour la Kabylie ?
* Ecrivain, auteur de plusieurs ouvrages édités en France, au Canada et prochainement en Algérie (chez l’auteur).