Les arts africains

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Page animée par Hadjira Oubachir

L’art pour résister

Citation : « Quand un peuple n’ose plus défendre sa langue, il est mûr pour l’esclavage »

L’esclavage des Noirs-Africains aura des conséquences profondes et irréversibles sur l’histoire de la musique. Tout au long de l’histoire,les chants religieux ou de révolte,les complaintes ont permis aux Noirs déportés, de préserver leur unité et leur différence.

Le négre, esclave à son arrivée aux Iles Caraïbes, au Brésil ou en Amérique, n’a aucune référence sociale. Il est coupé de sa famille, sa tribu, ses traditions et sa terre.Mutilé de son identité, il n’a d’autres expressions que son identité culturelle.

Son travail aux champs était rythmé par des complaintes qui sortaient, cris de douleur et de révolte, des entrailles des hommes et des femmes opprimée. Ces plaintes ou ces colères transposées dans les cultes religieux donneront le negro-spiritual ou le gospel.Avec le jazz et bien d’autres expressions musicales, les esclaves ont transplanté l’Afrique au cœur de l’Amérique au son du tam-tam.

La musique spirituelle était le viatique consolateur mais rebelle de ce peuple noir dépouillé de son nom. Les chants appelés spirituels sont hérités des traditions africaines.Le meneur lance une phrase à laquelle l’assistance répond avec ferveur spontanément car si l’Africain a le sens du rythme, il a aussi celui de l’improvisation.

C’est donc ainsi que petit à petit, les Noirs imposèrent leurs propres hymnes, rythmes et habitudes. C’est dans la forêt que se déroulaient les rencontres, à l’insu des blancs. Pendant des générations, Allah fut invoqué par les Peuls et les Haoussa qui réussirent à introduire une écriture et une religion, armes redoutables contre l’oppresseur qui ne les connaissaient pas.

Des cantiques, des chants merveilleux subliment les morts qui, dans l’esprit des déportés, se retrouvent enfin, sans entraves, sur le continent bien-aimé. De cette nostalgie sont nées des poésies désarmantes de beauté, de simplicité :

Dieu d’Angole, Dieu d’Angole

Enseignes trois mots de prière

Trois Pater, trois Ave Maria

Qui permettront à l’Africain

De retourner en Guinée.

Le culte des anémistes était glorifié malgré l’évangélisation massive.

Le vaudou, religion de la majorité des béninois, aurait été introduite dans la famille princière du Dahomey par la tante du roi Ghézo, lors de sa déportation.

Avec ses rites de possession et d’extase, le vaudou (esprit) est considéré par les esclaves comme une délivrance sur les chemins de l’intolérable.Les dieux invoqués étaient ceux de la lutte, de la violence, de la séparation et de la résistance.Ce culte interdit pendant longtemps est, aujourd’hui réhabilité et considéré comme n’importe quelle religion, depuis 1992.Il reste vivace chez les descendants d’esclaves qui le fête le 10 janvier de chaque année, au Bénin.

La musique qui rassemble

Il fallait un mode d’expression commun aux nombreux esclaves arrachés au sol africain.Ils ne parlaient pas la même langue et venaient d’ethnies de pratiques religieuses différentes mais pleuraient le même continent.La musique joua le rôle de rassembleur.La Samba en rond, dansée au cours des fêtes hebdomadaires permirent à tous les groupes ethniques de dépasser leurs particularités culturelles pour se retrouver et inventer un art tout simplement africain.Ils chantaient en s’accompagnant d’instruments du pays, savamment reconstitués.

Cette musique que l’on appelle le blues et qui a exprimé profondément la détresse des esclaves, se nomme le séga musique très rythmé au cœur de l’océan indien d’origine africaine.C’est encore le chant des esclaves arrachés à leur terre.Si aujourd’hui le séga est une musique de fête, il reste une sorte de cri de révolte et de ralliement de tous les esclaves africains. C’est leur langue, leur moyen d’expression, leur identité commune.

Ces femmes qui chantent l’Afrique

Le déplacement géographique des esclaves était tel que sans la stabilité des femmes, bien des éléments négro-africains auraient disparu.Ces femmes ont joué un rôle historique dans la sauvegarde de la mémoire culturelle. Celles-ci,comme les hommes,travaillaient dans les plantations et à la maison.Elles accomplissaient,en plus de leur rôle économique une tâche sociale et culturelle de premier plan. Très peu nombreuses par rapport aux hommes, elles furent femmes et mères, plus attachées que les hommes au continent perdu. Leurs berceuses,leurs contes, leur poésie, leur danses,chantent l’Afrique et furent durant des siècles, le seul lien fragile qui constituait le pont avec l’Afrique.Encore aujourd’hui,les grands-mères africaines continuent,au dessus du berceau de leurs petits-enfants noirs américains,à chanter des berceuses qui racontent leurs racines. Comme ce chant d’une esclave affranchie berçant son enfant :

Un jour plus pur qui t’éclaire,

Ouvre les yeux, ô mon fils

Toi seul consolais ta mère

Dans ses pénibles ennuis ;

Si du sommeil qui te presse

Elle interrompt la douceur,

C’est qu’il tarde à sa tendresse

De t’éveiller au bonheur.

Quoi, libre dés ton aurore

Mon fils quel destin plus beau !

De l’étendard tricolore

Je veux parer ton berceau

………………………….

Et ton nom à la patrie

Je jure fidélité,

Tu ne me dois que la vie,

Tu lui dois la liberté

Sous le ciel qui t’a vu naître

Rétabli dans tous tes droits,

Tu ne connaîtras de maître

Que la nature et ses lois.

La musique africaine a évolué en réponse aux changements qui surviennent dans la société. Elle s’est notamment transformée grâce aux instruments actuels mais, elle demeure à jamais la référence pour le monde entier.

Après avoir subi les affres de l’esclavage, les plus beaux poèmes célèbrent la beauté de la femme noire comme dans le texte de Tristan L’Hermite dans « La belle esclave maure » :

Mais cache-toi soleil, toi qui viens de ces lieux

D’où cet astre est venu, qui porte pour ta honte

La nuit sur son visage et le jour dans ses yeux.

H. O.

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