“Le graffiti est aussi vieux que l’humanité. De tout temps, l’homme a eu besoin de recourir à ce procédé pour parodier ses bourreaux et dénoncer les interdits et les injustices”, analyse une psychologue d’Akbou officiant dans le milieu scolaire. Devant le verrouillage de tous les espaces d’expression et l’hermétique chape de plomb qui pèse sur la société, le graffiti reste l’une des rares soupapes d’échappement pour débrider les bâillons.
Pour la frange juvénile notamment, les façades des immeubles, les rideaux des magasins, les murs des écoles et le mobilier scolaire sont des supports de prédilection pour vomir les rancoeurs et les ressentiments, réaffirmer une revendication ou décliner un désir enfoui. “Le besoin incoercible de recouvrir au graffiti s’explique largement par le fait que le procédé ne reconnaît aucune barrière morale, ni aucune censure de quelque nature que ce soit. Le “tagueur” qui, en plus de jouir de l’avantage de l’anonymat peut, s’il le souhaite, laisser une empreinte indélébile”, nous explique un psychiatre de Sidi Aïch. “En étudiant ces inscriptions, réduit le plus souvent à leur plus simple expression, ils tentent de brosser le portrait psychologique de la société, décrypter ses attentes, ses espoirs et ses appréhensions”, ajoute-t-il.
Après les évènements du Printemps noir, “pouvoir assassin” est tagué pratiquement sur tous les murs en Kabylie. Les “thèmes” récurrents qui accaparent tous les espaces sont, cependant très variés. On inscrit aussi bien le sigle de son parti politique favori, celui de son club de foot fétiche ou le prénom de sa dulcinée.
Mais, on finit fatalement par verser dans les insanités et le graffiti obscène. “C’est le péché mignon des adolescents. Une manière pour eux de décrier l’autorité parentale ou d’entretenir une relation platonique et illusoire”, tente de décoder notre interlocuteur.
Sur le sens unique de la RN 12, entre El Kseur et Oued Ghir, la lettre “Z” en tifinagh est sculptée à même le tronc sur une enfilade de platanes bordant l’axe routier. Dans certaines villes comme Seddouk, Ighzer Amokrane ou Sidi Aïch, ce sont de panneaux de signalisation routière qui sont oblitérés par les empreintes des tagueurs. Dans un lycée de Tazmalt enfin, un élève, apprenti prosélyte, a orné le mur de sa salle de classe, d’un slogan subversif, le tout, sous l’œil pusillanime de l’administration.
N. Maouche
