A la gare ferroviaire de Meknès, Marie, son mari et leur fils de 15 ans attendent depuis ce matin le train qui va vers Tanger.
La longue attente semble avoir lassé la petite famille. L’époux se dirige vers le buraliste et achète le quotidien marocain L’Opinion. Après l’avoir feuilleté rapidement, il s’arrête à la page des mots fléchés. Quant au gosse, il a la ête ailleurs. C’est ce moment que nous avons choisi pour nous adresser au couple pour avoir des informations sur la durée du déplacement Meknès-Tanger. Il faut dire que vu leur teint, nous pensions avoir affaire à des Marocain.
Après une brève discussion, la mère nous informera qu’ils sont bronzés suite à leur séjour en bord de mer en Espagne. « C’est pour faire visiter le Maroc à notre fils que nous sommes ici. Nous n’avons pas prévu de rentrer au Maroc. C’est à la dernière minute que la décision fut prise », nous dit Marie.
Les Européens n’ont pas besoin de visa pour accéder en terre marocaine, le lecteur l’aura compris. Notre interlocutrice nous informe que la dernière fois qu’elle a visité le Maroc, remonte à 20 ans. Le guide qu’elle tient entre ses mains date de deux décennies. Elle souligne que le Maroc a beaucoup changé, mais elle n’arrive pas à situer exactement la métamorphose. Etait-ce meilleur à l’époque ? Elle réplique que des deux époques, chacune avait ses points positifs et ses points négatifs.
Le train, espace de fête
Il est 14h 35. Le train arrive avec 20 minutes de retard. Il provient de Oujda. Dans les wagons climatisés, aucune place n’est disponible. Il faut aller jusqu’au bout pour trouver des places assises, mais dans des cabines surchauffées par le soleil torride de Meknès. Les voyageurs tentent de cacher les vitres avec des serviettes et des draps pour se protéger des rayons de soleil. L’astuce a marché. Un groupe de jeunes adolescent(e)s fait de l’ambiance.
Tous ont leur portable à la main. Ils mettent des chansons et chantent en même temps. Pendant tout le trajet, qui a duré quatre heures et demie, ils n’ont pas cessé de chantonner et de jouer avec leurs mains. Cette ambiance a permis d’oublier la chaleur du train. Quand nous arrivons à la gare de Tanger, il a fallu qu’un jeune nous réveille de notre lecture (nous étions plongé dans le captivant roman de l’américain Dan Brown : Da Vinci Code.
« Vous allez rester dans le train ? C’est le terminus. Nous sommes à Tanger », nous dit le jeune qui faisait partie du groupe de toute à l’heure. Il faut dire que la gare est sise dans un endroit isolé à partir duquel il est impossible d’entrevoir la ville. Notre train a déversé des centaines de personnes. Celles-ci se sont ruées sur les petits taxis. Auparavant, nous avons appris que les hôtels sont concentrés au niveau d’El Marsa, près du port (comme son nom l’indique). Nous nous entassons à sept dans un taxi de cinq places. Cinq minutes après, nous nous trouvons à El Marsa.
Le taxi a traversé le Boulevard Hassan II, très grand et large, et particulièrement animé à cette heure de la journée (19h 30). A El Marsa, l’ambiance est unique. Comme Alger, Tanger est blanche. N’eût été l’ambiance, et l’usage excessif de la langue espagnole, on se croirait au boulevard Zighout Youcef. Sur un boulevard de plusieurs kilomètres, longeant la plage communale de Tanger, sur la droite, nous découvrons des terrasses de cafétérias géantes, des discothèques à ciel ouvert, des bars…Tous pleins à craquer. De l’extérieur, des dizaines de personnes n’ayant sans doute pas les moyens d’entrer, suivent néanmoins les jeunes artistes de cabaret qui tentent de créer un climat de fête.
Un ville faite pour séduire les créateurs
En contre-bas des établissements de consommation des boissons de toutes sortes, il y a la plage. Des tables de restaurants sont installées à même le sable, tandis que de nombreuses familles prennent l’air à une dizaine de mètres de la mer. Sur les trottoirs, des centaines de trabendistes vendent toutes sortes d’objets. Des jeunes draguent discrètement des filles habillées à l’européenne. Des enfants gambadent dans tous les sens et somment leurs parents de leur acheter des cornets de crème et de la barbe à papa.
De l’autre côté de la route, entre un hôtel et un hôtel, il y a un autre hôtel. Les établissements d’hébergement sont des bâtisses gigantesques et la majorité porte des noms espagnoles. Il sont tous complets. Vu l’ambiance qui règne en cette nuit du 11 août, on se croirait au mois de Ramadhan. A Tanger, chaque jour, c’est le Ramadhan ! La ville de Tanger a séduit de nombreux artistes et écrivains.Comme la plupart des villes du Royaume, Tanger la Blanche possède également sa Médina, vieille ville arabe qui abrite deux pittoresques marchés : le grand Socco et le Petit Socco (mot espagnol signifiant souk). Le célèbre journaliste Joseph Kessel a consacré un remarquable livre Au grand Socco, paru en 1952.
D’illustres autres noms de la littérature ont été fortement imprégnés par les couleurs et les lumières de la ville du Détroit. Plusieurs d’entre eux y ont longuement séjourné, sinon carrément élu domicile. L’animation et le grouillement du Grand Socco ont inspiré tous ceux qui, fascinés, ont regardé « (…) du matin au soir, ces marchands, acheteurs et curieux se rencontrant en plein soleil, en plein vent, parmi les oripeaux aux cent couleurs et la rumeur aux mille cris (…)».
Un creuset d’inspiration
Les deux autres écrivains marocains Mohamed Choukri et Tahar Ben Jelloun ont vécu de longues années ici. Il y ont rédigé une grande partie de leurs œuvres. Deux jeunes de Tanger, croisés dans un café, connaissaient physiquement Mohamed Choukri, qui vivait dans la Médina. « Il passait régulièrement par cette ruelle », nous indique l’un d’eux.
« Il était très modeste et très estimé par la population », ajoute l’autre. Tanger est envoûtante, mais il paraît qu’elle a beaucoup changé. « Le béton a tout bouffé », nous dit un vieux qui vend des cigarettes devant un grand hôtel. Le journal El Itihad El Ichtiraki, publie, en ce samedi, un témoignage du romancier Mohamed Choukri sur Tanger.
L’auteur du Pain nu dit la même chose. Ce changement ne l’a pas empéché de demeurer l’une des villes les plus attractives au Maroc. On y trouve des milliers de touristes européens. Et comment peut-il en être autrement, quand Tanger est présentée ainsi dans l’un de ses guides: « Carrefour de civilisations, au croisement de la Méditerranée et de l’océan Atlantique, Tanger étale une baie magnifique au pied de collines verdoyantes.
A partir de la Casbah, on peut visiter le palais du Sultan, où se trouvent rassemblées toutes les facettes de l’art marocain. Si vous le préférez, vous pouvez aussi flâner tout à loisir dans les ruelles de la médina, qui vous conduiront vers la terrasse qui surplombe le détroit de Gibraltar. Tout près, de multiples excursions s’offrent à vous, comme le Cap Spartel, extrême pointe de l’Afrique, non loin des fameuses grottes d’Hercule, et le Cap Malabata. »
A. M.