Contribution du Projet d’emploi rural à la promotion d’une politique de la montagne

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n Amar Naït Messaoud

Des besoins nouveaux sont nés avec une telle situation de fait accompli : école pour les enfants, dispensaires, raccordement aux réseaux AEP, gaz et électricité, assainissement…Une façon comme une autre de régulariser implicitement une urbanisation anarchique. Cela va encore se renforcer avec l’ouverture de nouvelles routes et pistes de desserte, l’installation de magasins d’approvisionnement et parfois d’antennes administratives d’APC. En matière de travail, les gens s’occuperont de tout sauf de l’agriculture : fonctionnariat, transport clandestin, petits ateliers de mécanique, épiceries, ventes de produits à la sauvette. Et ce n’est qu’à partir du milieu des années 1980 que le chômage, la délinquance juvénile, le banditisme, le commerce des stupéfiants et les autres comportements anti-sociaux nés dans ces favelas commencent à sérieusement inquiéter les pouvoirs publics et à intéresser les milieux intellectuels et universitaires. Ces espaces, autrefois lieux de production agricole malgré la discrimination salariale et la politique d’indigénat, ont été vite transformés en aires bétonnées, en grands cloaques d’eaux usées et en lieu de marginalisation d’où se fortifiera l’intégrisme religieux. Le ‘’mariage’’ idéal qui a pu s’établir en Algérie entre l’homme et la nature avant les grands bouleversements coloniaux et les profonds changements apportés par l’indépendance du pays n’est sans doute plus qu’une romance que l’imaginaire collectif présente aujourd’hui sous la forme d’un paradis perdu. En tout cas, le cadre de vie façonné par une hypothétique ‘’modernité’’ – car pleine de contradictions et de comportements à l’hybridité oppressante- tend de plus en plus à échapper aux hommes et aux structures administratives si bien que de lourdes menaces commencent à peser sur l’ensemble de la collectivité.

La montagne : un espace retourné

Tous ces bouleversements humains, économiques et environnementaux ont agi de manière fort négative sur l’arrière-pays rural, particulièrement sur les zones de montagne. Les flux d’exode des populations ont entraîné avec eux l’insouciance des autorités locales quant aux actions de développement. Des pistes sont restées non bitumées pendant une trentaine d’années. Les anciennes routes ouvertes par le génie militaire français pour les besoins de la guerre et qui avaient desservi aussi des bourgades et des villages sont tombées en ruine. Le retard d’électrification, d’adduction d’eau potable, d’assainissement et de raccordement au téléphone n’encourage pas les anciens habitants à retourner chez eux. Et, raison capitale, aucune politique de l’emploi en milieu rural, basée sur l’agriculture, l’élevage et l’artisanat n’avait été initiée. La rente pétrolière, dont les effets ont commencé à se faire sentir dès les années 1970, pouvait suppléer à toutes les paresses. Cette manne du sous-sol algérien a permis tous les errements ! Même dans les anciens ‘’villages socialistes agricoles’’ (VSA), l’emploi agricole est devenu minoritaire : les gens sont versés dans l’économie informelle, le transport clandestin et le fonctionnariat. C’est un véritable échec ‘’planifié’’ qui a gangrené la société et l’économie en général. Comme si cela ne suffisait pas, la dernière décennie du vingtième siècle a mis sens dessus dessous une situation qui tenait déjà d’un véritable capharnaüm algérien suite à la montée en puissance de l’intégrisme religieux- dont l’ascension idéologique et messianique doivent beaucoup, selon l’analyse de feu Mostefa Lacheraf, au déracinement de la société algérienne ayant subi l’exode rural- et les problèmes sociaux s’en trouvent amplifiés. En matière d’administration territoriale, d’investissement économique et de gestion des ressources, la zone de montagne présente une complexité plus accentuée que le reste des territoires. Sur l’ensemble du territoire algérien, la montagne représente 3,66% de superficie, soit 8 millions d’hectares. Cependant, par rapport aux zones les plus habitées du pays, à savoir la bande allant de la côte aux portes des Hauts Plateaux, le système montagneux représente 60% du territoire. Il est habité par environ 9 millions de personnes, ce qui représente 32,7% de la population totale du pays.

C’est dans la logique de la gestion des espace naturels telle qu’elle est prise en charge par le ministère de l’Aménagement du territoire, de l’Environnement et du Tourisme que s’insère l’entité géomorphologique, écologique et humaine qui a pour nom la montagne. Avec le littoral, les Hauts Plateaux et les zones sahariennes, la montagne constitue une donnée géographique marquée des spécificités liées à sa forme, à son couvert végétal, à ses richesses faunistiques et aux modes de gestion particuliers qui en découlent. C’est dans le cadre général du schéma national de l’aménagement du territoire que la législation portant sur la gestion des zones de montagne a été élaborée. Elle s’est matérialisée par la loi n°04-03 du 23 juin 2004 relative à la  » protection des zones de montagne dans le cadre du développement durable  » et par le décret exécutif n° 05-469 du 10 décembre 2005 fixant les études et les consultations préalables ainsi que les procédures relatives à ce genre la politique d’aménagement des zones de montagne. Le ministère de l’Environnement, de l’aménagement du territoire et du tourisme a confié au bureau d’étude public CENEAP des études portant sur l’identification et la classification des communes de montagne à travers l’Algérie pour qu’elles puissent bénéficier, selon la catégorie de ‘’complexité’’ qui la caractérise sur tous les plans (pente, altitude, densité de la population, couvert végétal,…), des fonds publics pour le développement et particulièrement du Fonds de la montagne.

Le renouveau rural et la réhabilitation des zones de montagne

La prise de conscience par les spécialistes et les pouvoir publics du grave danger qui pourrait mettre en péril l’équilibre général du territoire a donné naissance à l’idée d’un schéma d’aménagement qui intégrerait les données physiques et biotiques des différentes zones du pays ( littoral, monts du Tell, Atlas saharien, système oasien et zones arides du Sahara) à la composante humaine et à l’activité économique de ces territoires. Les distorsions liées au développement et à la dynamique économique ont conduit, selon les estimations faites 2003 par l’ancien ministre des finances, Abdellatif Benachenhou, à ce que  » 5 à 6 wilayas produisent 85% de la matière fiscale nationale « . La gestion des systèmes montagneux a été mise à mal par les conditions générales de vie du monde rural où les populations ont subi une grave paupérisation ayant conduit une partie de celles-ci à un exode massif vers les villes. Les populations restantes, dans un effort tenant de la ‘’stratégie de survie’’, se sont employées à une exploitation effrénée des ressources naturelles existantes, dont le patrimoine forestier, jusqu’à compromettre leurs propres chances de stabilité et d’évolution sociale.

A cela s’est greffée la dégradation du climat sécuritaire dans les zones forestières qui a entraîné d’importants dommages au capital ligneux et au couvert végétal des sols. L’action des pouvoirs publics dans le soutien au monde agricole s’était surtout manifestée dans les filières professionnelles où la dimensions des exploitations et la nature juridique des terres permettaient une meilleure fluidité des mécanismes de soutien. Les espaces intermédiaires, entre la forêt proprement dite en tant que peuplement, et les plaines agricoles, sont caractérisés par : le morcellement de la propriété, l’absence des titres de propriété, l’indivision, les contraintes de relief, l’enclavement, l’absence d’ouvrages hydrauliques et le déficit en matière d’infrastructures et d’équipement publics. La reprise en main et la revalorisation de l’espace forestier passent immanquablement par une nouvelle approche du monde rural qui associe le riverain en tant qu’élément vital de ce milieu complexe et en sa qualité de partie prenante privilégiée dans la nouvelle définition du développement rural durable. La stratégie de renouveau rural, initiée par le ministère de l’Agriculture et le développement rural à partir de 2007 compte, pour venir en aide aux populations montagnardes et de l’arrière-pays steppique, s’appuyer sur les leçons tirées de la mise en œuvre des projets de proximité et sur la vision novatrice de ses concepteurs quant à la qualité des acteurs locaux et au type d’intervention qu’ils sont censé assurer dans le nouveau dispositif. Ainsi, parallèlement aux différents dispositifs de soutien accordés à l’agriculture professionnelle, la politique de développement rural compte toucher les franges les plus vulnérables des populations ayant des revenus trop bas, des propriétés réduites, morcelées et souvent sans titre de propriété. Initiés depuis l’année 2003, les PPDR constituent un apport économique et social non négligeable aux ménages et populations vivant dans l’arrière-pays rural montagneux ou de la steppe. Ces projets, ayant évolué en projets de proximité de développement rural intégré (PPDRI) à partir de 2007, visent à stabiliser les populations dans les villages et les hameaux où elles vivent et à aider ceux qui ont quitté leurs foyers à y retourner. Pour ce faire, des actions relevant de plusieurs secteurs d’activité ont été programmées pour améliorer le niveau de vie de ces populations et atténuer, un tant soit peu, le phénomène du chômage qui a pris des proportions inquiétantes dans ces contrées. Agriculture, élevage, mobilisation des ressources hydriques, ouverture et aménagement de pistes agricoles, aviculture, apiculture, aide aux activités artisanales, salles de soins, AEP, assainissement, habitat rural…telles sont quelques unes des principales actions initiées par les directions des différents secteurs des wilayas en concertation étroite avec les autorités locales (APC, daïra) et les populations représentées par des animateurs élus au sein des communautés rurales. Outre les programmes de développement traditionnels, les sources de financement ont été étendues à des fonds spécifiques tels que le FDRMVTC (Fonds de développement rural de la mise en valeur des terres par la concession), le FONAL (habitat), le Fonds de développement de la Steppe, le Fonds de l’Artisanat,…etc.

Le PER 2 : un projet innovant et participatif

Au milieu des années 1990, en pleine période d’incertitude sur le plan sécuritaire et de tension sur le plan de l’emploi, le direction générale des forêts a mis en œuvre un programme de développement rural touchant essentiellement des zones de montagne sous l’intitulé Projet d’emploi rural. La première tranche de ce programme, appelée PER 1, a concerné la région ouest du pays (les monts de Tlemcen, les Beni Chougrane, les Traras, les monts Tsala et une partie du Dahra mostaganémois). La deuxième tranche du programme, mise en œuvre à partir de 2004 sous le nom de PER 2 dans le centre et le centre-ouest du pays, a concerné principalement les monts de l’Ouarsenis, Dahra, Titteri et Bibans, soit six wilayas (Chlef, Tiaret, Aïn Defla, Tissemsilt, Médéa et Bouira). Ce projet d’envergure a été cofinancé initialement à hauteur de 80% par la Banque mondiale. Les accords de prêt, portant sur 95 millions de dollars, ont été conclus à Washington en juillet 2003 entre le gouvernement algérien et la BIRD. Depuis que le gouvernement algérien a payé par anticipation une grande partie de la dette extérieure du pays, ce projet est pris en charge totalement par un financement national. La réalisation du programme, étalée sur cinq ans, est confiée à la Direction générale des Forêts (sous tutelle du ministère de l’Agriculture). Au sein de cette structure, une cellule de gestion du projet a été créée et un chef de projet, en la personne de M. Adelmalek Abdelfettah, a été désigné. Au niveau des six wilayas sur les territoires desquelles est mis en œuvre le projet, des cellules de gestion ont été créées au sein des conservations des forêts. L’organisation se prolonge sur le terrain à l’échelle des circonscriptions au seins desquels sont désignés des chefs de périmètre-chapeautant une partie de massif composée de plusieurs communes- et un responsable communal du projet.

Cette organisation de la ressource humaine répond à un souci d’efficacité sur le terrain et dans la gestion du circuit d’information. De même, le personnel ayant eu à exécuter le projet, aussi bien sur le terrain que dans son versant administratif et technique, a subi des stages de formation en Algérie et à l’étranger. Les thématiques abordées sont en relation direct avec la philosophie du projet qui se veut participatif et en relation aussi avec les objectifs techniques qui lui sont assignés, à savoir la réhabilitation et la restauration des terres de montagne. L’aspect participatif a pris un relief particulier dans la conduite du PER 2 aussi bien dans la phase initiation et formulation sur le terrain que dans sa phase d’exécution sur le terrain. Les actions entreprises (travaux et fournitures) ont été conçues à la base par les populations avec l’assistance des agents de développement que sont les forestiers. Selon les contraintes, les besoins et les potentialités des zones, le projet est monté de la base, contrairement aux projets classiques dont la formulation était l’apanage des techniciens et de l’administration. Dans l’étape d’exécution, les populations-cibles ont, en tant que bénéficiaires des actions de développement, contribué à certaines phases : mise en terre des plans fruitiers, suivi et entretien des vergers installés, ramassage des pierres issues de l’opération d’amélioration foncière et construction de murettes autour des parcelles,…etc. De même, les entretiens dont devront faire l’objet les retenues collinaires sont à la charge des associations des utilisateurs de l’eau. Ces associations sont aussi considérées comme les interlocuteurs des pouvoirs publics en matière d’éventuel demande de soutien en équipements hydrauliques ou autres. Pour parvenir à cette forme de collaboration entre les agents de développement et les populations rurales, un travail intensif de sensibilisation et de coordination a été effectué par les conservations des forêts en direction des populations, de la société civile, des élus et des collectivités locales.

Pédagogie de la participation

Ce projet cible essentiellement les zones de montagne des six wilayas et les flancs steppiques des wilayas de Tiaret, Tissemsilt, Médéa et Bouira. C’est en 2002 que les études préliminaires ont été initiées. Il s’agit principalement des approches modernes du monde rural mises en place par les dernières analyses sociologiques basées sur la méthode participative. Des enquêtes-ménages et des focus-groups (discussions dirigées avec les populations) étaient menées sur le terrain par des agents forestiers encadrés par des sociologues et démographes. Le but étant de faire un check-up détaillé des conditions de vie des campagnards et, surtout, de connaître leurs besoins et les grandes tendances qu’ils manifestent à l’égard du travail et des activités rurales. Les travaux du PER 2, confiés à des entreprises de réalisation privées et publiques, ont connu leur démarrage sur le terrain au cours de l’année 2005.Les travaux sont maintenant à la phase d’achèvement hormis certaines actions à restructurer. Une étude d’évaluation est en train d’être réalisée par le BNEDER, y compris sur support filmé, pour juger de l’impact social et environnemental des actions engagées dans le cadre du PER II. Les travaux réalisés portent sur le développement agricole (arboriculture fruitière, amélioration des sols par des actions de défoncement et d’épierrage), la mobilisation des ressources hydriques (retenues, forages, fonçage de puits, captage de sources, aménagement de points d’eau), la protection et la conservation des sols (reboisement, fixation des berges, corrections torrentielles, travaux sylvicoles) et la promotion de la femme rurale (modules d’aviculture, de cuniculture, d’apiculture et artisanat). Pour les six wilayas concernées par le projet en question, le défi à relever est la stabilisation des populations dans leurs villages et bourgades et la création d’emplois permanents et saisonniers. En outre, les responsables du ministère de l’Agriculture et du développement rural escomptent aussi, à travers le PER II, installer une pédagogie de la participation des populations à construire leur destin. La direction générale des forêts, en sa qualité d’agence d’exécution de ce projet, a obtenu en octobre dernier le 1er prix du « Projet Emploi rural », pour 2009, décerné par le Programme du Golfe arabe pour les Organisations des Nations unies pour le développement (AGFUND). L’AGFUND soutient les efforts visant à développer les concepts et les dimensions du développement humain durable. Pour 2009, la distinction a été consacrée à l’application des nouvelles technologies au service du développement rural. Le thème choisi porte sur l’introduction de nouvelles technologies pour augmenter la production des petits agriculteurs dans le cadre de projets individuels sous la forme participative.

Échos favorables à Bouira

La wilaya de Bouira a été touchée dans sa partie sud par le PER 2. Le projet s’étend sur onze communes relevant des daÏras de Sour El Ghozlane, Bordj Okhriss et Bir Ghebalou. Ce sont les zones montagneuses du Titteri et des Bibans ainsi qu’une partie de la steppe de la région de Dirah qui ont bénéficié des actions du projet aussi bien en travaux agricoles, hydrauliques et forestiers que de fournitures destinées à participer à la promotion de la femme rurale. Les travaux sur le terrain ont commencé en janvier 2006 et sont achevés dans leur presque totalité hormis le programme de pistes (ouverture et aménagement) appelé à subir une réévaluation et la retenue collinaire dont l’étude d’exécution vient d’être finalisées. Le défi qui se dresse dans cette région de la wilaya est évidemment sont caractère sociologique nourri par un système de production orienté quasi exclusivement vers le pastoralisme intensif et la céréaliculture. Pratiquées sur des terrains fragilisés par la pente et la régression du couvert végétal, ces deux activités ont fini par atteindre la masse critique qui fait courir des dangers certains pour l’offre fourragère et, en général, pour la durabilité de la vie dans ces contrées. Pauvreté, chômage, déscolarisation, régression des rendements des céréales, rareté des fourrages, manque manifeste de politique de mobilisation de la ressource hydrique, inadaptation des méthodes culturales, bref, un dense “arbre à problèmes”, comme l’appelle les sociologues, où s’enchevêtrent les causes et les effets. Cela a entraîné longue parenthèse d’insécurité aidant, au dépeuplement des campagnes au profit de ceintures de misères dans les villes moyennes (Sour El Ghozlane, Aïn Bessem) ou dans le chef-lieu de wilaya, Bouira. Dans la liste des tous les projets ayant ciblé les populations rurales, le PER 2 occupe une place particulière par les échos favorables qu’il a eu auprès des adhérents-bénéficiaires, par la discipline ayant présidé à sa mise en application sur le terrain (contrôle et suivi des travaux, collaboration étroite avec les autorités locales et les élus,…) et surtout par son caractère participatif. Ces caractéristiques font de lui un modèle de conduite de projet de développement rural. Sur les régions montagneuses de Dechmia, El Hakimia et Ridane, certains plants fruitiers ont aujourd’hui presque cinq ans d’âge. Ils commencent à donner les fruits. La majorité du nouveau patrimoine arboricole étant l’olivier. En effet, il s’adapte bien sur ces flancs de colline et de montagne sous le bioclimat semi-aride. À la limite même de cette région géographique, sous l’isoyète de 200 à 250 mm, les plants d’oliviers et d’amandiers se portent comme un charme. En tout, ce sont plus de 2 000 ha de plantation fruitière, rustique et irriguée, réalisés en un temps record de trois campagnes de plantation au profit de près de 12 000 foyers. Dans le même souci de développer l’agriculture sur ces terres traditionnellement à la marge des investissements relevant de l’agriculture professionnelle, il a été réalisé 1 700 hectares d’amélioration foncière. Cette opération permet d’élever les rendements céréaliers par un labour profond croisé et par l’action d’épierrage. Des témoignages vivants ont rapporté la multiplication du rendement du blé tendre à raison de 25 à 30 %. De cette action, ont bénéficié plus de 600 foyers. Autour de beaucoup de parcelles, il a été procédé à la plantation de brise-vents (en tout, un linéaire de 300 km). Les plants de casuarina et de cyprès ainsi plantés permettront de protéger les jeunes vergers de l’action du vent, particulièrement le siroco qui souffle régulièrement sur la région au milieu du printemps. Les actions relevant du volet de la promotion de la femme rurale sont l’aviculture (15 000 poules pondeuses distribuées et les œufs se vendent déjà dans les marchés) et 300 machines à coudre attribuées aux jeunes femmes nécessiteuses ou ayant reçu une formation mais demeurent en chômage. Quant aux modules apicoles, 7 200 ruches pleines ont été distribuées au profit de 800 bénéficiaires. En tout, ce sont plus 13 000 foyers ruraux ont pu bénéficier des actions relevant de l’activité agricole ou rurale. À cela s’ajoute la mobilisation des ressources hydriques par l’aménagement de points d’eau et sources (46 unités achevées) et par le projet de retenue collinaire à Dirah (étude d’exécution achevée). Un deuxième site sollicité par l’administration des forêts dans la commune de Taguedite n’a pas pu être obtenu suite à l’opposition des exploitants de l’assiette de terrain.

Le défi de la protection des terres

En matière de conservation des sols et de lutte contre l’érosion, le PER 2 a apporté sa pierre à l’édifice sur ces versants qui commencent dangereusement à se dénuder y compris dans les endroits traditionnellement boisés. On estime qu’au niveau mondial, l’on perd chaque année 25 milliards de tonnes de sol, et il faudra 1 000 ans pour en reconstituer deux centimètres d’épaisseur. On peut donc considérer que la terre perdue par l’action de l’érosion l’est presque définitivement. Le phénomène de l’érosion des sols tend de plus en plus à prendre des proportions inquiétantes dans la wilaya de Bouira. La perte de plus en plus substantielle d’un capital irremplaçable qu’est le sol fait poser une sérieuse hypothèque sur la vie en zone rurale : terrains agricoles, terres forestières, certaines infrastructures de base et des équipements publics. Tous les efforts des pouvoirs publics pour lutter contre la désertification sont concentrés dans la bande sud de la wilaya, le front des Hauts-Plateaux. Des actions d’envergure étaient initiées dans le cadre du Barrage vert (reboisements, arboriculture fruitière, améliorations pastorales, infrastructures de desserte,…). Cependant les résultats sont des plus maigres. Cela est dû à un manque de coordination avec les populations locales dont la sociologie et le mode de vie sont purement pastoraux. Les zones de parcours (pâturages sauvages) sont des espaces ‘’sacrés’’ qu’on ne pouvait pas fermer impunément par la mise en place d’autres cultures qui excluraient l’élevage ovin. Les deux logiques qui se sont affrontées sur le terrain ont fini par avoir raison des efforts des pouvoirs publics tendant à ‘’moderniser’’ l’occupation et l’exploitation des espaces steppiques. Depuis une dizaine d’années, le phénomène des pertes du sol se sont aggravés en touchant des territoires jusque-là épargnés. De proche en proche, des monticules se dénudent, des versants s’offrent à l’action destructrice de l’eau et du vent, et des volumes importants de terre arable se retrouvent dans les plaines alluvionnaires ou au…fond de certains ouvrages hydrauliques (retenues, barrages) sous forme de vase. Les actions que le PER 2 ont introduits pour juguler un tant soit peu l’action destructrice de l’érosion sont les reboisements (500 ha), la fixation biologique des berges (209 ha), la correction torrentielle (70 000 M3) et les entretiens des peuplements forestiers par des travaux sylvicoles (1 150 ha).

En matière d’emploi, les chantiers des travaux réalisés ont généré près de 245 000 journées de travail, 1 020 emplois équivalents. Le Projet d’emploi rural constitue assurément une expérience capitale dans sa double articulation : d’une part, l’approche originale développée à l’endroit du monde rural où la participation et la communication sont les maîtres-mots. D’autre part, l’approche intégrée du territoire, particulièrement les zones de montagne où les défis se posent en termes de préservation. des ressources, y compris la ressource foncière, et l’exploitation rationnelle de celles-ci.

Amar Naït Messaoud

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