“Le meilleur remède contre la grippe A/H1N1 est la prévention !”

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Même s’il avait grandement besoin de repos après une garde éprouvante de 24 heures, le docteur Touat a bien voulu répondre aux questions de la Dépêche de Kabylie pour apporter des explications sur la grippe A et les mesures de prévention.

La Dépêche de Kabylie : beaucoup de choses ont été dites sur la grippe A, peut-on avoir des explications sur l’origine et les caractéristiques de la maladie ?

Dr Touat : C’est une maladie qui tient sont appellation de son origine porcine. Par la suite, elle a pris le nom scientifique du virus à savoir le A/H1N1. La grippe A/H1N1 est la résultante d’un mélange avec le virus aviaire (de la volaille) et celui du porc. Les professionnels de la santé savent que la maladie est liée à un virus qui change chaque année c’est pour cela qu’on change de vaccin à chaque fois, c’est ce qu’on appelle les glissements antigéniques. Cependant, tous les 10 à 15 ans, le virus subit un changement radical. C’est ce qui se passe actuellement, c’est-à-dire une cassure antigénique ou le réassortiment.

Ces petits changements du virus permettent au système humain de résister aux virus contrairement à la grippe A, car il à connu un changement radical que le corps humain ne peut reconnaître. Il en résulte une pandémie.

Cliniquement, il n’existe pas de différence avec la grippe saisonnière, elle se manifeste par de la fièvre, des courbatures, de la toux. La grippe telle qu’on la connaît peut être grave sur les sujets âgés et les insuffisants respiratoires.

Cette grippe touche beaucoup de monde parce que les gens ne sont pas encore immunisés. Il y aura aussi beaucoup plus d’atteints que la grippe saisonnière. Ce qui est aussi paradoxal chez la grippe A est le fait qu’elle touche des sujets jeunes contrairement à la grippe saisonnière. Elle revêt aussi une gravité particulière chez la femme enceinte ou chez les insuffisants respiratoires, comme elle peut causer des décès de sujets qui ne présentent aucun antécédent. Dans notre pays et jusqu’à la fin novembre, on était en phase-5. C’est-à-dire qu’on était encore en transmission autochtone du virus. Ce sont des gens qui voyagaient et qui revenaient malades.

Depuis le mois de mai, un dispositif a été mis en place justement pour la prise en charge de ces cas. Par la suite, il y a eu le refroidissement et des conditions favorables à la transmission de la grippe, le confinement et le froid entre autres. Il y a eu donc des cas autochtones apparus qui n’ont pas une relation avec des cas étrangers, on a alors décrété qu’on est rentré dans la phase de transmission autochtone de la maladie. Les directives ont donc changé pour justement s’adapter à cette nouvelle donne.

Justement vous êtes coordinateur de la commission chargée du suivi de la pandémie au CHU de Tizi-Ouzou. Quelles ont été les premières mesures prises pour lutter et limiter sa progression ?

Au CHU de Tizi-Ouzou, quand il s’agissait de cas-contact, il était géré à notre niveau et heureusement on n’a pas eu de forme grave. Par la suite, quand on a vu qu’il y a eu une forte demande sur le CHU, il y a eu la création du centre de référence à Azazga. Avec la petite alerte de Draâ El Mizan, on a demandé un centre de référence et le ministère de la Santé nous l’a accordé pour cette daïra. Depuis, l’épidémie de l’école privée, ce virus s’est propagé à Tizi-Ouzou.

Il y a eu ouverture d’autres centres de référence, à Boghni et Aïn El Hammam et on a prévu une unité d’isolement à Oued Aïssi en cas de nécessité. Cette structure reste toujours disponible et préparée et sera gérée par les spécialistes du CHU si nous avons des problèmes d’hospitalisation de malade ici. Sur instruction ministérielle, même la clinique Sbihi a ouvert une unité pour justement prendre en charge les femmes enceintes qui présentent des signes de grippe A.

Quel est le bilan des cas confirmés au niveau de la wilaya ?

Sincèrement, je ne dispose pas de chiffres exacts, ce que je peux vous dire c’est que Tizi-Ouzou a eu plusieurs cas. Aucun décès n’a été enregistré, jusqu’à la semaine dernière où nous avons eu un nourrisson de 9 mois décédé et une femme de 29 ans qui a été admise pour une forme sévère de grippe sur grossesse de 6 mois gémellaire. Nos collègues ont tenté de sauver la victime. Une césarienne a été pratiquée, les deux bébés étaient trop petits pour survivre. Malheureusement les jumeaux de 6 mois et leur maman sont décédés.

Que conseillez-vous à la population comme mesures de prévention ?

La grippe A se transmet par voie respiratoire et par contact direct. Il est intéressant que les personne qui se sentent grippées portent un masque et évitent les sorties et autres rassemblements. Pour elles, le port de la bavette est obligatoire, pour les autres le lavage des mains avec du savon liquide. Trente secondes suffisent pour tuer le virus qui ne vit pas sur une main très longtemps, 5 à 10 minutes; dans d’autre milieux notamment sur des surfaces solides, il peut survivre jusqu’à un mois. D’autre part, quand les gens ont un malade à l’hôpital, il ne faut pas lui rendre visite.

Aujourd’hui, le CHU est un milieu où le virus peut être transmis, car il y a des dizaine de malades qui transitent et l’on continue à avoir des milliers de visiteurs chaque semaine c’est aberrant.

Il faut toujours éviter les rassemblements, dans les transports, ouvrir toujours les fenêtres et éviter le confinement et quand on est grippé, il faut éviter de s’approcher des sujets à risques (femme enceinte, enfants en bas-âge…)

Les gens paniquent, et ont peur…

Je ne suis pas alarmiste plus qu’il ne le faut. C’est une situation qui est évaluée. Que nous ferait gagner l’alarmisme ? Quand on vit une épidémie, l’alarmisme et la panique ne font que rendre la tâche difficile. Au contraire, il faut rester serein. Maintenant, si la situation s’aggrave on va l’affronter et si elle se calme, je dirais tant mieux. Cependant, la panique aggraverait la situation.

Je pense que le meilleur moyen que nous avons aujourd’hui est la prévention.

Entretien réalisé par Omar Zeghni

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