Page animée par Hadjira Oubachir
Qui est Zayen ?
J’ai comme l’impression que les jeunes filles et jeunes gens de la ville se sont donnés rendez-vous ici, qui, par curiosité qui, pour voir enfin Zayen interpréter devant tous «Baden Baden», chanson que tout le monde fredonne comme ce fut pour «Vava inouva» de Idir ou «ddin qessam» du groupe Ideflawen ou alors «Taninna» du groupe Isoulas. Oui, car Zayen me rappelle bien ces artistes qui ont fait la gloire de la chanson kabyle et la fierté de la Kabylie des années de culture et du renouveau artistique. Zayen s’est révélé au public au moment où la plupart commençaient à désespérer du devenir de la chanson kabyle restée en marge de l’universel. Je vis sur la scène un charmant garçon à l’allure fière, habillé de façon décontractée, souriant amical, en somme, agréable à regarder. Les filles superbes et rêveuses sont suspendues à ses lèvres car Zayen, avec sa voix prenante a l’art d’incérer dans le cours de ses mélodies des moments de douceur infinie. Il séduit grands et petits. Parfaitement organisé, comme si de rien n’était, avec simplicité, sérénité et la certitude absolue de capter l’attention de tout le monde, il est en harmonie absolue avec ses musiciens.
Il n’oublie pas d’observer une minute de recueillement à la mémoire de Azzedine Meddour, décédé le 16 Mai 2000, et la montagne de Baya nous saisit… Le spectacle était un moment de bonheur avec des musiciens jeunes et talentueux. Je cite Yacine à la batterie, Hassan au clavier, Nabil à la percussion, Ferhat à la basse, tous rassemblés là grâce à Yuva Sid, un musicien hors pair qui nous a séduit avec la justesse et la puissance de son instrument.
A la conquête de l’universel
Cela fait 14 ans depuis que Zayen n’a pas chanté en Algérie. Après cette longue absence il est revenu honorer la Kabylie avec un produit de professionnel. Il n’y a pas de secret, le succès ne vient qu’en travaillant d’arrache- pied. Zayen l’a compris. La musique représente une base de la société, c’est un langage nécessaire qui transmet des messages importants, alors autant le faire avec élégance dans un langage simple mais esthétique, court mais succinct, universel mais accessible.
Une musique séculaire, authentique, la diversité des chants anciens, donnent au patrimoine musical sa richesse, cette richesse qui s’abreuve dans les racines traditionnelles, en se débarrassant des préjugés sociaux, explose, s’élève, s’harmonise à une orchestration moderne qui répond aux besoins identitaires de l’artiste, et devient universelle.
Zayen, dans toutes ses chansons ; «ughaled» (reviens), cri d’amour dans un mouvement d’envahissante tristesse,en passant par ses revendications identitaires et culturelles,son besoin de rêve et de passion,avec une voix forte et parfois langoureuse, apporte une pierre à l’édifice artistique mondial.
De la chanson mais pas seulement…
Dans les années 93-94, Zayen crée le groupe «tilawt». Trouvant le mot un peu dur à prononcer, il choisit Zayen, un mot musical qui n’est autre que le nom d’une tribu Amazighe de la région de Kenitra au Maroc. Après avoir chanté dans les lycées et universités de sa Kabylie, attiré par les musiques mexicaines, brésiliennes et indiennes qui ne se pratiquent que de l’autre coté de la mer, il quitte son village natal avec sa guitare et s’en va à la conquête du rêve et de la réalité artistique. Intéressé par tous les genres de musique et sachant mélanger habilement tous les instruments, il rencontre des musiciens professionnels de toutes les nationalités et se lie d’amitié avec un couple d’artistes indiens. Et c’est ainsi que la danseuse et chanteuse indienne Kumkum, lors d’un hommage rendu à Matoub, au Zénith de Paris chante avec lui «Abrid labud at na3qel»
Zayen active dans une association « artistes de la couleur et de la diversité » et chante avec des groupes indous et celtiques. Il a également chanté pour le nouvel an Bengali, car dit-il, «la musique n’a pas de frontière, le mélange des cultures est important». Parmi ses nombreux projets, il y’a la réalisation d’une vidéo sur la paix et la non violence dans le monde.
Il a fait des tournées en Ukraine au mois de septembre 2009, en Allemagne entre octobre et novembre de la même année à l’occasion d’une rencontre celto berbère. Il est l’invité du festival du film Amazigh qui se tiendra à Tizi-Ouzou du 20 au 25 mars 2010. Son film documentaire raconte son propre départ de Lemsella à Baden-Baden où les fastes des châteaux européens ne lui ont pas fait oublier les maisons en pierres de son village.
A ce propos, il dit :
«Quand on quitte son pays, on découvre peut-être les richesses du monde.L’ailleurs a, semble-t-il son attrait. On imagine même parfois se délester de son ennui, ses sempiternels soucis et agacements quotidiens, mais malgré ces expériences enrichissantes,souvent à la hauteur du voyage entrepris, un meilleur là-bas que chez soi n’existe pas. Le retour sur soi-même vers ses racines semble inéluctable».
H. O.