Sur le plan de la sensibilisation et de la médiatisation, deux manifestations des acteurs du tourisme se déroulent en ce moment dans le sud du pays. Ainsi, le festival international des déserts du monde a été ouvert samedi dans la ville de Tinerkouk, 300 km au nord du chef-lieu de la wilaya d’Adrar, à l’initiative de la fondation « Déserts du Monde ».
Coïncidant avec l’ouverture de la saison touristique dans le grand Sud, ce festival prévoit l’organisation d’une exposition d’artisanat au carrefour des caravanes « Khan El Gouafel » appelé communément « El Bordj », situé en pleine réserve naturelle de Tinerkouk. Initiée par le ministère de l’Environnement, du Tourisme et de l’Aménagement du territoire en coordination avec l’Office national du tourisme (ONT), cette manifestation s’assigne, selon les organisateurs, comme mission la consécration du tourisme écologique, le rapprochement des peuples des déserts du monde par la valorisation de leurs cultures et traditions et l’évaluation de possibles investissements touristiques.
Dans la ville de Tamanrasset, c’est un colloque international sur le tourisme qui est organisé à partir de samedi dernier. Dans son allocution d’ouverture, le Dr. Bahloul, président de l’association nationale des économistes algériens, a indiqué, selon les termes rapportés par l’APS, que le thème de la présente rencontre internationale « a été motivé par les retombées économiques, sociales, culturelles et civilisationnelles de l’activité touristique ». « Le tourisme tire ses sources à travers l’histoire et Tamanrasset renferme des potentialités certaines afin de représenter le tourisme saharien », a-t-il ajouté.
Les sources du tourisme sont en effet à chercher dans les valeurs culturelles et historiques de chaque région du pays. Cette matière première peut prendre un aspect matériel ou immatériel ; néanmoins, elle ne peut s’imposer comme telle qu’avec sa valorisation (protection, restauration, promotion sur le plan de l’information et création d’un environnement propice à son accès).
Patrimoine historique, sites naturels, curiosités architecturales et d’autres produits dont l’éventail peut s’élargir au fur et à mesure des investigations et de la mise en place d’une stratégie idoine pour la recension de toutes les opportunités pouvant apporter leur contribution à un secteur qui en a tant besoin.
La vision moderne de l’industrie touristique ne se contente plus des stéréotypes et des images d’Épinal colportés par des cartes postales de supposées années d’or. Elle va au-delà en mettant dans une heureuse et cohérente jonction différents secteurs d’activité dans une équation où tous les acteurs et produits qui y prennent part sortent gagnants. En particulier, l’économie du pays qui est appelée à y puiser de nouvelles ressources pour réduire sa dépendance des exportations pétrolières, la culture algérienne sous toutes ses facettes (langues, produits du terroir et artisanat, histoire et sites culturels ou naturels,…) qui y trouvera un espace d’expansion et de promotion, et enfin, l’image du pays – où se combinent les aspects sécuritaire, politique et diplomatique – qui en tirera de réels dividendes.
Espaces de loisir, espaces de consommation
En faisant le point de son secteur en 2007, l’ancien ministre du Tourisme, Nordine Moussa, a donné de pertinentes orientations : « Il faut que les espaces de loisir et de divertissement deviennent des espaces de consommation économique qui créent de la richesse et des postes d’emploi ».
Les pouvoirs publics ont arrêté, depuis l’année dernière, une stratégie de développement du secteur touristique à l’horizon 2015. « Il y a un enjeu sur l’aménagement du territoire parce que les projets touristiques sont structurants ; un enjeu sur le plan de l’environnement, car le tourisme est vecteur de sensibilisation ; le troisième enjeu est l’insertion des produits touristiques dans l’espace des jeunes et qui permet aux gens de faire de leur potentiel une activité économique créatrice de richesses, et donc de fixer les populations là où elles sont », affirmait le ministre.
En se déployant sur le terrain de la communication et de la sensibilisation, qu’espère entreprendre l’Algérie à court terme dans le domaine touristique ? Ce secteur d’activité est devenu une véritable industrie sous d’autres latitudes au point de pouvoir suppléer à l’absence de matières premières et à la déficité de la maîtrise technologique.
Cette vérité reste, dans note pays, prisonnière de la mentalité rentière qui a fermé les chemins de son éclosion au grand jour.
Le secteur touristique est demeuré, malgré les promesses et les plans échafaudés par les pouvoirs publics depuis les années 80 du siècle dernier, le parent pauvre de la politique économique. Dès l’approche de la saison estivale, le ministère de tutelle et les municipalités des villes côtières- supposées balnéaires- s’affairent à préparer l’arrivée de touristes sur les plages algériennes avec une précipitation qui en dit long sur la légèreté et la désinvolture par lesquelles est géré l’un des secteurs les plus pourvoyeurs d’emplois et de richesses sous d’autres cieux, à commencer par les pays voisins.
D’après les statistiques de l’Organisation mondiale du tourisme, il y a eu, en 2006, quelque 800 millions de touristes dont les dépenses sont évaluées à 623 milliards de dollars. A eux seuls, le Maroc et la Tunisie ont reçu près de 12 millions de touristes, tandis que l’Algérie en a reçu moins d’un million et demi dont les deux tiers représentent la communauté algérienne établie à l’étranger. Pour les spécialistes de la question, comme pour ceux qui suivent de près l’activité touristique dans notre pays, cette situation scandaleuse n’est guère étonnante. Elle traduit, en effet, l’état de déliquescence et de médiocrité dans lesquelles sont plongées les infrastructures touristiques et tout l’environnement supposé lui servir de support (routes, communications, transport, administration,…).
Certes, le pays vient de sortir d’une pénalisante situation d’insécurité qui s’est étalée sur une quinzaine d’années et qui a isolé le pays des grands airs de la culture et des échanges humains. Ce débile cloisonnement du 21e siècle ne peut être combattu que par plus d’ouverture, plus d’imagination et moins d’esprit rentier.
Les conditions d’accueil- qui font partie de la culture ancestrale, de l’hospitalité et du savoir-vivre du pays- ont été tout bonnement abandonnées en insinuant presque que l’on n’a pas besoin de l’argent qui viendrait de ce secteur. Les Algériens s’étaient “vautrées” dans des solutions de facilité permises par les recettes en hydrocarbures. Cette forme d’ “arrogance” a fini par évacuer de chez nous toute culture liée au secteur du tourisme que ce soit sur le plan des infrastructures à installer, des sites naturels ou culturels à aménager ou d’autres accompagnements qui ont recours aux compétences humaines et managériales.
Les aléas de l’offre
En matière d’infrastructures, notre pays a avait, pendant les années soixante-dix du siècle dernier, investi beaucoup d’argent dans des structures hôtelières lourdes gérées comme n’importe quel banal établissement commercial étatique de l’époque. Sur la côte (Sidi Fredj, les “Andalouses” d’Oran, le “Sahel” de Mostaganem, le “Kotama” de Jijel), dans les villes intérieures du Nord (Sétifis, Cirta, Amraoua de Tizi Ouzou, les “Zianides” de Tlemcen) ou dans les villes du Sud (Adrar, Tamanrasset, Timimoun, Djanet), la même typologie est adoptée dans la construction, la gestion et les prestations de service.
Étant considérées comme des entreprises publiques, ces établissements ont brillé par une gestion approximative et une pléthore du personnel qui les ont conduits vers des banqueroutes financières que n’ont pu temporairement endiguer que les interventions de l’État à travers les restructurations en EGT (entreprises de gestion touristiques) et les prestations sollicitées par les structures administratives publiques (séminaires, journées d’étude, réunions officielles, congrès,…).
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ces établissements ne sont pas du tout adaptés pour une activité touristique d’envergure qui suppose des prestations de haut niveau in situ (hébergement, art culinaire, moyens de divertissement) et des circuits touristiques maîtrisés et documentés. Certaines de ces infrastructures hôtelières publiques croulent aujourd’hui sous le poids de la bureaucratie, de la pléthore du personnel et du déficit flagrant en management. Les pouvoirs publics sont aujourd’hui acculés à leur trouver des solutions de rechange (privatisation ou cessions de parts). D’après le ministère du Tourisme, 90% du parc hôtelier existant (public et privé) sont en-deçà des normes internationales en matière de prestations. En tout, l’offre hôtelière ne dépasse pas les 85 000 lits avec les conditions que l’on connaît. De plus, les prix pratiqués dans beaucoup d’établissements- largement disproportionnés par rapport à la qualité des prestations- servent souvent amortir les frais d’un personnel surnuméraire. Ils découragent en premier lieu les Algériens qui préfèrent des destinations comme la Tunisie
Des centaines de touristes européens préfèrent plutôt des méthodes traditionnelles qui consistent à s’appuyer sur des connaissances particulières ici en Algérie pour se faire héberger et se faire conduire vers des sites à visiter. Au cours des années 1980, et au vu du besoin de plus au plus pressant en la matière, le secteur tenta une forme de timide libéralisation à travers la création d’agences de voyages particulièrement au sud du pays. Les exigences du métier (présence de guide touristique et de l’interprète, connaissance des circuits, fourniture de documentations de qualité,…) et le manque de professionnalisme des ces intervenants ont vite fini par avoir raison de ces agences bien avant que l’insécurité s’installe au début des années 1990. La plupart de ces petits établissements implantés à Illizi, Djanet, Tamanrasset, Ouargla et Béchar ont mis la clef sous le paillasson ou se sont convertis dans des activités plus lucratives, en tout cas moins exigeantes en professionnalisme. Actuellement, 755 agences privées sont recensées à travers le territoire national. L’Office national du tourisme (ONAT) est, quant à lui, représenté par 30 agences. Le Touring Club d’Algérie (TCA) en compte 25. Devant les défis majeurs qui se posent pour un secteur qui commence à peine à retrouver ses marques, Chérif Rahmani, ministre de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et du Tourisme veut chasser l’ ‘’esprit de campagne touristique’’ pour inscrire l’action touristique dans la durée. « Je tiens à dire que nous ne préparons pas une saison (…) Je ne prépare pas de saison ni de campagne ; ce n’est ni mon genre ni ma mission, encore moins ma conviction. Nous voulons mettre en place des stratégies et les mettre en œuvre. Nous préparons l’Algérie comme s’il était un nouvel entrant dans le tourisme mondial », a-t-il déclaré l’année dernière.
Amar Naït Messaoud
