La couleur est annoncée : changement de “président”. Et non de régime. De méthodes non plus. JSK : “Je suis kabyle”, moteur de la réappropriation de l’identité amazighe Ali Fergani, Mourad Derridj, Salem Amri, Salah Larbès et autres Mustapha Anane, Bailèche, Menguelleti, Mouloud Iboud… pionniers de la JSK. Que de noms de prestige. A vous procurer la chair de poule, à leur seule évocation. C’est établi : la JSK fut une école de nationalisme durant la période coloniale.
Depuis l’indépendance inachevée, “la JSK jouait crânement ses chances pour gagner des matches, mais aussi pour porter le symbole de la revendication berbère et défendre dignement un idéal partagé par des millions de citoyens et de supporters, tous acquis à une cause noble[5]”. Tout est dit.
Vérité historique. La JSK dépasse sa dimension, structurelle, de club de football. Certes, elle ressemble à l’USMA, au MCA… Lhouma vibre, aussi, à leurs moindres déplacements. La JSK, elle, conquit l’Afrique foot. En ambassadrice. Le reste de l’Algérie retient son souffle. Plus qu’un groupe de joueurs, et un staff. Elle a une âme : creuset de la revendication amazighe, à défaut d’espaces “légaux”.
Oui : la JSK ne pouvait s’identifier à JSTO. Elle en serait vidée de sa substance ; détournée de son axe “militant”. Ni ne serait portée par ses fils ni aurait atteint les hauteurs. Parce qu’elle cristallise l’identité amazighe (kabyle), son annihilation devient “constante” nationale. “Effacez moi ce mot “kabyle” que je ne saurai entendre !”
Que de lubriques inepties : JET et JS Kawkabi. Malgré les souricières, les coups assénés à tout-va, la JSK est toujours debout. Dans le désert de symboles des années 1970 et 1980, seule l’équipe de la JSK émergeait. Dénominateur commun aux multiples formes d’expression, à son corps défendant. La JSK, avec son palmarès (titres nationaux et africains), forgée à la culture de la gagne, a été la vitrine d’une Kabylie indomptable ; fière et conquérante. Le sentiment d’admiration et de reconnaissance que vouent les jeunes de la région aux poulains du stade 1er-Novembre est sain : la bravoure hissée au rang de leitmotiv.
Même durant les heures les plus graves. L’orgueil régional empreint de nationalisme, avec son soubassement identitaire, est incarné. Avec des couleurs. Et des trophées. L’arbitraire. Contraindre des lycéens de Kabylie à jouer des pièces de théâtre en arabe classique, matraquage médiatique propagandiste sur la langue arabe, de la chasse au kabyle jusqu’à l’irréparable, programmer des chanteurs arabophones au cours d’une édition de la Fête des cerises de Larbaâ Nath Irathen, entraîneront de graves troubles.
S’en suit une répression systématique. Musclée. N’empêche, concrètement le travail plus profond s’affine. Aux moyens du bord. C’est la révolution culturelle “berbère”. La JSK gagne, toujours. La mue est qualitative. Que de symboles finissent par faire corps avec la Kabylie : chanteurs (Ferhat Imazighen Imoula, Matoub, Slimane Azem, Aït Menguellet, Farid Ferragui…), poètes (Ben Mohamed…), hommes de théâtre (Mohia…), écrivain (Mammeri, Djaout…). Et la JSK qui s’assigne un rôle d’autant plus catalyseur. Toujours est-il, la machine de “désamazighisation” mise en branle, s’accélère. Finalité : sinon écraser, du moins diaboliser le symbole- repère berbère. Là où il se trouve. C’est pour ainsi dire le rôle moteur de la JSK dans le bouillonnement culturel embryonnaire : une Kabylie qui ressuscite ses hommes. Ses symboles : Massinissa, Jugurtha, Juba, Jean et Taos Amrouche, Feraoun, Abane Ramdane, Krim Belkacem,… A ce propos, Salem Chaker écrit dans Imazighen Assa-a: “Par delà les fluctuations conjoncturelles, la revendication berbère est profonde, durable et non réductible.” Bravant les affres de la clandestinité, arach n tmanyin (les enfants de 80) réussissent à y semer les germes de la contestation. Dans les cœurs. Les bourgeons fleuriront le 20 avril 1980. La lutte devient publique. L’Algérie s’interroge sur la Kabylie. La JSK se bat encore.
Un devenir…à reconstruire
Depuis les années 1990, le mépris est grandissant. Qui n’a d’égal que l’amnésie du “butin” de leurs aînées. Victimes, eux, les jeunes montagnards. Descendance des gaillards des années 1970 et 1980, issue de la Kabylie profonde. Les portes de la JSK leur sont interdites.
A la JSK, on mouille son maillon pour la Kabylie. Avant tout. Et naturellement pour la terre de Abane. Pour peu qu’on batte leur rappel, le déluge peut attendre : les montagnes kabyles regorgent d’exceptionnels talents.
Au train où vont les choses, la JSK risque de se tirer deux balles dans les pieds. Aux travers des rapprochements douteux, la JSK risque le renoncement. Elle ne doit rien au “système”, elle a tout imposé par la vertu de l’effort. Son histoire.
Le dépit devant le déclin de la JSK se manifeste, déjà. On savait difficile de nous arracher de nos rêves, surtout ceux de l’enfance : la JSK transcende ces rêves-là parce qu’elle est passion collective, audacieuse et consubstantielle.
Désormais, admettons-le, nos illusions nous pèsent. Tizi s’est métamorphosée ; la JSK dégradée ; avril folklorisée…
La Kabylie se normalise… Face aux connivences banalisées, depuis l’assassinat de Matoub, face aux machiavélismes des courtisans nouveaux, face aux pourfendeurs de nos dignités intimes – dont la JSK –, face à tous ceux qui mettent leurs vanités contre le sens de l’Histoire, le destin déjà hypothétique de la JSK fait naufrage. Oui : la Kabylie ne finit point de s’isoler. Orpheline.
En perte de repères, depuis Matoub.
Les anciens supporteurs se sentent seuls. La JSK est livrée – désarmée – aux voracités de tous acabits. Regardons ces quinquagénaire, supporteurs désappointés posant leur regard condescendant sur la gérance de la JSK. Qui s’éternise à maintenir le statu quo.
Nous ne l’oublions pas : les machinations de circonstances, encombrantes, trahissent de monstrueux desseins. Non : l’étoile JSK ne peut pas, ne doit pas s’éclipser. Tronquer ses “principes”. Elle doit “jouer son foot”. Et gagner.
Sinon, depuis quand la JSK se mésestime ? Ne livre plus bataille, aphone et apathique. Méconnaissable. Elle tend à s’oublier dans des passions improbables, à commencer par celle du business. Et sa professionnalisation mal pensée. Hâtive. Sans relief, aux horizons obscurs.
Les joueurs doivent fidélité aux grandeurs dont ils ont hérité. La JSK nous doit de redevenir elle-même : un sigle ambassadeur. Une lumière citoyenne au service des “siens”, de l’Algérie. Un modèle. Un cas d’école dont se reconnaîtront les voix asservies. La JSK a besoin de sang neuf pour continuer à porter haut les valeurs; idéaux des martyrs qui la peuplent. Elle doit renouer avec son identité. De croire, de nouveau, en elle- même ; en défrichant des chemins salvateurs. Retrouver son cordon ombilical qui la lie à “sa” Kabylie. Et partant à l’Algérie plurielle des Lumières.
Qu’on l’épargne des accointances déroutantes ! Irréversibles. Finie la zizanie…L’allégeance, les compromissions, les déchirements qui la guettent ruinent sa culture. Elle ne doit plaire qu’à ses “fans”. Et à la terre qui l’a vu naître. Au dessus de tout soupçon, la “fierté” JSK est un jalon de l’âme démocratique ! La famille JSK doit retrouver sa lucidité, sa perspicacité et son courage, autour du club atteint.
Un sursaut : voilà le remède. Mais, surtout, un retour aux sources. Et une projection sereine quant à l’avenir qui la fuit. Il est à espérer qu’elle continue de servir de locomotive d’expression aux luttes présentes. L’amazighité, ce n’est pas acquis ! Malgré la mondialisation. Et le socle constitutionnel “Tamazight langue nationale”…
Moh Arezki. K
Suite et fin…
[1] Assène un ancien joueur de la JSK, in liberte-algerie.com, article de M. Haouchine, ‘’La JS : son rôle dans la réappropriation de l’identité amazighe’’, 18 avril 2006.
[2] Kateb Yacine, Préface à La question berbère dans le mouvement national algérien, 1962-1980 de Amar Ouerdane, éd. Epigraphe.p.189, 90.
[3] “L’alternative démocratique révolutionnaire à la catastrophe nationale”, Avant- projet de plate forme politique, du FFS, mars 1979, p.24.
[4] Amar Ouerdane, La question berbère dans le mouvement national algérien, 1962-1980, éd. Epigraphe. P.189-190.
[5] Cf. Conférence des anciens de la JSK, à Tizi-Ouzou, 17 avril 2006. op.cit.