Anarchie et argent opaque

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En matière d’intérêt, le sport reste ce secteur dont on attend le plus mais qu’on ne soutient pas assez. Sauf, il est vrai lorsque l’enjeu en vaut la chandelle. Comme toutes ces compétitions de haut niveau ou en général les pouvoirs publics mettent le paquet. Mais si cette attention devrait arriver en amont, par une attention particulière, des moyens pour s’assurer une bonne préparation, des entraîneurs qualifiés qui savent dénicher les talents, il n’en est rien concernant nos clubs. Les clubs de football algériens sont gérés non pas par un staff aux mérites avérés, mais par des présidents, souvent autoproclamés, qui se contentent de vendre et d’acheter, à coups de centaines de millions, des joueurs et qui se servent très souvent de la trésorerie du club au lieu de la renflouer. A ce propos, le Conseil des ministres de mercredi dernier, consacré en grande partie au sport, a voulu surfer sur la vague de l’euphorie populaire née au lendemain de la qualification des Verts aux deux coupes d’Afrique et du Monde, pour définir les moyens d’asseoir une politique visant à braquer les projecteurs sur le sport, vecteur très porteur, en référence à tout ce que le football a engendré comme élan de patriotisme. Or, l’argent à lui seul ne suffit pas. Il est vrai qu’il constitue le nerf de la guerre, mais en l’absence d’une politique de gestion basée sur des paramètres scientifiques et rigoureux, et surtout orchestrée par des hommes ayant fait leurs preuves, il n’y a pas beaucoup à espérer, sinon à voir toute cette manne financière servir aux transferts douteux, à l’achat de joueurs qui ne méritent même pas, pour certains, qu’on y consacre un budget, et malheureusement souvent à se voir dévier de sa trajectoire initiale. Ce pourquoi, force est de souligner qu’en l’absence d’une étude sérieuse et d’une politique ambitieuse, le sport trouvera d’énormes difficultés à prendre son envol et les médailles ne pleuvront pas sur les sportifs. De par le passé, notamment dans les années 1970, la réforme sportive initiée par le pouvoir de l’époque, avait fait son chemin et réalisé des résultats probants en faisant “marier” les clubs avec des sociétés nationales et pas des moindres. Ainsi, on a vu la JSK s’affilier à la Sonelec, l’USMA à la Sonelgaz, le NAHD à la compagnie de navigation CNAN et bien d’autres. Ainsi, il a été constaté que non seulement les clubs se sont retrouvés avec des sponsors fidèles et généreux mais plus encore, les joueurs étaient considérés comme professionnels puisqu’à la fin de leur carrière, ils étaient maintenus dans ces sociétés comme travailleurs. De cette politique, des grands noms ont pu émerger tels les Madjer, sociétaire du NAHD, les Fergani, Menad, de la JSK. De plus, suite à cette prise en charge des clubs par ces sociétés, les compétitions africaines et maghrébines comptaient dans leurs rangs des clubs algériens. La Coupe d’Afrique des clubs champions, gagnée haut la main par le Mouloudia d’Alger en 197, n’est pas sans lien avec cette politique qui a permis à l’Algérie d’émerger de son anonymat

La volonté politique inhibée par la gestion chaotique des présidents de clubs

Il est bien établi aujourd’hui que les présidents de clubs font la pluie et le… mauvais temps dans les clubs qu’ils sont censés tirer vers le haut.

En effet, hormis cette fâcheuse manie de s’ingérer dans le volet technique, en principe exclusivement réservée aux techniciens, comme cela se fait ailleurs, il se trouve qu’ils donnent cette certitude, et les exemples sont légion, qu’ils gèrent les clubs comme s’il s’agissait d’une propriété privée. Il est même arrivé qu’ils dictent la liste des joueurs rentrants et décident des joueurs à libérer et à recruter. Ce constat est généralement bien établi dans les clubs qui charrient des sommes d’argent colossales. La JSK, à l’image de bien d’autres clubs du pays, en est l’exemple le mieux indiqué. Avec l’apport des sponsors, et pas des moindres, à l’image de Peugeot, Djezzy, Soummam, le club n’arrive toujours pas à se faire une place au soleil et les jeunes catégories sont souvent confrontées au manque de moyens. Des sources très fiables et très au fait des arcanes du club phare du Djurdjura ont assisté à des rencontres des minimes et cadets qui patientaient dans les couloirs menant aux vestiaires pour se faire prêter des chaussures de foot. Et pourtant, d’autres disciplines sont inscrites dans les armoiries du club. Le handball, cette discipline qui a valu bien des titres au club, est dans une situation d’abandon suite à un manque de maillot ; la natation qui a donné naissance aux Kebbab et bien d’autres se résume aujourd’hui à des potaches qui barbotent dans les eaux de la piscine olympique de la ville sans aucune perspective, parce que le nerf de la guerre justement est orienté vers les footballeurs pour le résultat qu’on connaît. Aujourd’hui, les pouvoirs publics décidés à faire le nettoyage dans ce secteur ont compris que le sport doit revenir aux sportifs. Et pour ce faire, le récent Conseil des ministres consacré au sport et aux moyens de le sortir de sa léthargie a largement évoqué les entraves qui ont fait que ce secteur est resté le parent pauvre de l’émancipation et qu’en dépit de quelques résultats probants, cela ne doit pas dire qu’on est sortis de l’auberge. Le récent succès des Verts ne doit être aucunement pris comme finalité. Mais plutôt comme un commencement dans cette politique engagée par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, qui entre dans son projet de retour des équipes nationales algériennes dans les grands concerts des nations.

L’argent, ce nerf de la guerre qu’on utilise à mauvais escient

Une chose est certaine : si les comptes des clubs étaient soigneusement épluchés par des commissions placés à cet effet, il n’y aurait jamais eu autant de gâchis et les clubs en auraient sûrement bien profité. C’est pourquoi, l’IGF a du pain sur la planche dans ce secteur budgétivore. Ainsi, les responsables seront dans l’obligation, et ils n’ont guère le choix, de justifier le moindre centime dépensé. Une transparence qui permettra de donner les vrais bilan moral et financier de fin de règne. Et tout ira bien dans le meilleur des mondes. Comme cela, on se bousculera moins au portillon des clubs pour l’élection des présidents, car il n’y aura pas de tarte à se partager mais seulement du travail à faire.

Ce n’est qu’à ce prix que le sport reviendra aux sportifs.

Zafane Ferhat

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