Diwan éclectique

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L’auteur du “Diwan algérien” (anthologie poétique qu’il a signée avec Lévi-Valensi en 1967) est décédé lundi 8 août à Tours à l’âge de 75 ans suite à une longue maladie.Celui qui, par une sensibilité débordante et un esprit encyclopédique, a su allier la poésie et la fiction aux études et essais, doit être considéré comme l’un des piliers de la littérature algérienne moderne. Ayant vécu loin des feux de la rampe, il s’est adonné avec fougue et passion à son objet de culte, la littérature. Né le 27 février 1930 à Casablanca, Jamal Eddine Bencheïkh est d’origine tlemcénienne. Il est agrégé d’arabe (1961) et docteur en lettres. De 1962 à 1967, il enseigne la littérature arabe médiévale et la littérature comparée à la faculté de lettres d’Alger. Par la suite, il deviendra enseignant à Paris VIII-Vincennes et à Paris IV (Sorbonne). En 1965, il revit la traduction de la “Muqaddima” d’Ibn Khaldoun dont des extraits ont été publiés chez Hachette. Au sujet des traductions antérieures, notamment celle de De Slane, très appréciée par les spécialistes, il écrit : “Mais toute réalisation ne peut être qu’un jalon et l’effort scientifique ne saurait se suspendre quelle que puisse être sa valeur”. J. E Bencheikh a aussi traduit, en collaboration avec André Miquel, “les Mille et une nuit” (ed. Gallimard). Cette somme littéraire reçoit ainsi, d’après des spécialistes, la meilleure traduction depuis 1704, date à laquelle paru le premier volume de la traduction réalisée par Antoine Galland dans une édition où manquent des scènes et des chapitres entiers (d’après des manuscrits d’Alep datant du 14e siècle). Parfait bilingue, Bencheikh a toujours fustigé la manière dont est menée l’arabisation dans notre pays, comme il a frontalement pris position contre le fondamentalisme islamiste. Après le “diwan algérien” (1967), il publie la “poétique arabe” (ed. Authropos – 1975), une étude portant sur la prosodie, la métrique et la rhétorique arabes. En 1979, parut son recueil de poèmes sous le titre “Demain j’existe” (ed. Shoof-Casablanca). Un autre recueil suivra deux ans plus tard : “Le silence s’est déjà tu” (ed. Smer-Rabah/1981). Les autres plaquettes de poésie de JE Bencheikh jusqu’à 1990 porteront les titres suivantes : “L’homme poème”, “Etats de l’aube”, “Les mémoires du sang” et “Transparence à vif”. En 1997, la revue “Algérie/Littérature action” dirigée par Aïssa Kheladi publie un beau et émouvant recueil de poèmes de Bencheikh sous le titre “Cantate pour le pays des iles”. En matière de fiction romanesque, l’auteur signe son premier ouvrage “Rose noire sans parfum” (ed. Stock – 1998) dans lequel il rapporte des faits remontant à l’aube de l’islam (3e siècle de l’Hégire) période à laquelle Ali fils de Yahia se fait le meneur d’une rébellion d’esclaves qui ébranla l’empire de Baghdad. “Les écrits politiques” (ed. Seguier – 2001) est un livre qui rassemble une masse d’articles que Jamal Eddine Bencheikh a publiés entre 1963 et 2000 dans différents journaux et magazines (“Jeune Afrique”, “Le Monde”, “Le nouvel observateur”,…). Poète racé, érudit, reconnu par ses pairs, JE Bencheikh appartient à cette catégorie d’intellectuels sagaces et d’aristocrates au sens noble sans concessions.

Amar Naït Messaoud

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