Entre le marteau et l’enclume

Partager

Le secteur de l’éducation dans la capitale du Djurdjura est en effervescence sulfureuse. Les grèves fréquentes et rituelles enregistrées depuis le début de l’année risquent de peser irrémédiablement sur les résultats de fin d’année.

C’est dire sans le risque de nous tromper, que les bons résultats des deux années précédentes, où la wilaya de Tizi Ouzou a occupé allègrement la première place sur l’échiquier national au résultat du bac, ne seront plus qu’un rêve. Cette année, les résultats risquent fort d’être mauvais. Inutile de parler d’un plan qui sera mis en place pour rattraper le retard ! Avec la surcharge des programmes et les fréquents arrêts de cours observés, aucun plan et aucun programme ne permettra de combler les lacunes.

Il est à rappeler que le CNAPEST en est à son 4e mouvement de protestation, dont le premier a paralysé les lycées pendant près d’un mois. Ce même syndicat envisage sérieusement de radicaliser son action. Après la grève d’un mois, la grève d’une journée par semaine suivra inévitablement la grève illimitée. C’est dans tous les cas l’option imaginée par les profs du secondaire.

L’UNPEF, une autre entité syndicale qui gagne en importance en érodant sur le terrain du SETE, a réussi à paralyser certains établissements du primaire et du moyen et à créer des perturbations considérables dans d’autres établissements. La FNTE affiliée à l’UGTA a, elle aussi, appelé à trois jours de débrayage à la mi-janvier.

Le SNTE a également réussi à paralyser 50% des travailleurs de l’éducation à l’échelle nationale, selon les chiffres communiqués par le secrétaire général de cette entité syndicale. Avec toute cette grogne, il est tout à fait clair que les bons résultats sont définitivement enterrés.

Ce que répondent les enseignants

Les enseignants que nous avons approchés à propos des fréquentes grèves et de leurs conséquences sur le rendement des élèves rejettent la faute sur les responsables du secteur. Pour un PES, qui souhaite garder l’anonymat : “Nous sommes aussi des parents, nos enfants aussi sont pénalisés. Mais on ne peut plus vivre dans la misère. Nous avons patienté suffisamment, mais notre patience a des limites”.

Et de rappeler : “Des promesses nous ont été faites lors du 1er débrayage, deux mois après, nous ne voyons rien venir, le bout du tunnel semble encore loin. S’il y a faute, il faut la chercher du côté des responsables”. Un autre professeur du moyen, qui a choisi l’UNPEF tonnera : “On nous a dit que vos renvendications sont acceptées et légitimes.

Le président de la Fédération nationale des parents d’élèves a même exhibé des documents à la télévision, prétextant qu’il n’y a plus raison de poursuivre la grève. Maintenant que rien de concret ne s’en est suivi, ce même président est invité à réagir”.

Un enseignant du primaire relèvera avec regret : “Notre situation est des plus affreuses, nous n’arrivons plus à joindre les deux bouts. La grève nous est imposée. La sourde oreille des décideurs est à l’origine de la tournure qu’a prise la protestation”.

Du côté des parents d’élèves

Il est tout à fait raisonnable que les parents soient inquiets lorsque leurs enfants sont à chaque fois renvoyés de l’école. Certains jugent que les profs ont tendance à exagérer, d’autres au contraire, trouvent que les travailleurs de l’éducation sont dans leur droit d’exiger l’amélioration de leur condition, mais ils doivent par contre trouver un autre moyen autre que la grève pour faire aboutir leurs revendications. Pour M. M. A., père de trois enfants scolarisés : “Ce n’est pas juste de prendre les élèves en otage. Les profs et les responsables doivent trouver, dans l’urgence, un terrain d’entente. Nos enfants risquent gros et ils sont innocents. Sur moi le fardeau de mon père et je suis pourtant innocent, dit le dicton”. Et d’enchaîner : “Si les revendications des enseignants sont légitimes, qu’est-ce que les concernés attendent-ils pour passer à l’action ?”.

Un autre parent voit le contraire : “Nous sommes tous dans de sales draps, nos salaires sont inférieurs à ceux perçus par les travailleurs de l’éducation mais ce n’est pas pour autant que nous allons banaliser la grève. Compromettre ainsi l’avenir de millions d’enfants n’est vraiment pas la meilleure attitude. Où est l’intérêt de l’élève ?”.

A propos de l’intérêt de l’élève

Il faut se rendre à l’évidence et dire que l’intérêt de l’élève n’est pas pris en considération dans ce bras de force qui tend à s’éterniser entre la tutelle et le monde de l’éducation. Les enseignants ayant assez de vivre dans des conditions sociales difficiles tentent, coûte que coûte, de faire aboutir leurs revendications. Ils jouent alors le rôle du marteau et continuent à frapper fort et sans relâche. Les responsables concernés continuent à faire la sourde oreille et à fuir en avant, comme si de rien n’était. Ils reconnaissent verbalement du moins que les points soulevés par les professionnels du secteur sont légitimes mais en contrepartie, ils ne donnent rien et ne lâchent rien et par là, le pourrissement prend son petit bonhomme de chemin. Se rendent-ils compte qu’ils jouent exactement le rôle de l’enclume ? Le marteau frappe et l’enclume ne ressent rien – Et comment ? Puisque ce sont les écoliers qui reçoivent les coups et qui gémissent à haute voix, sans pour autant attirer l’attention ni des uns ni des autres. En conclusion, disons que les écoliers se trouvent vraiment entre le marteau et l’enclume. Un cercle duquel ils n’arrivent pas à s’extirper. Y’a-t-il dans ce pays, dans cette Algérie quelqu’un qui finira pas capter les cris et gémissements de ces pauvres potaches ? Va-t-on enfin passer à l’action pour délivrer les enfants de cet étau qui les prend en otage ? Qui mettra fin au spectre de l’année blanche qui se dessine chaque jour davantage ?

Hocine T.

Partager