Une voix et des espoirs

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On ne s’attendait pas à écouter un album aussi riche en musique et en poésie. Comme l’habitude est une deuxième nature, on est enclin à classer tout jeune s’adonnant à la chanson dans le giron de la musique rythmée où, on a eu à le constater et à le vérifier, ces jeunes délestent encore plus cet art un peu plus que ce qu’ils pensent apporter à la chanson kabyle.

Ce constat amer nous pousse, en tant que mélomanes, à se poser des questions sur l’absence de critiques, même si nous sommes parmi cette frange qui devait apporter un regard critique sur la musique kabyle, en particulier et l’art en général. La chanson kabyle ruinée par un travail où l’amateurisme le conjugue au ridicule, s’est retrouvée, après des décennies de gloire otage d’un commerce informel ou les fêtes n’en finissent pas pour autant.

La chanson est réduite à de simples compositions n’obéissant à aucune règle régissant le métier, les boites à rythme et les synthétiseurs feront le reste. Ils remplaceront nos « artistes », tout simplement.

Sans trop s’étaler sur le sujet, des voix nouvelles malgré les mœurs du moment, viennent embellir les recoins dévastés par le non-stop et la chanson commerciale. Le cas de Hacene Laïche est édifiant à plus d’un titre.

Il est seulement à son deuxième album, mais son travail reste parmi les mieux réalisés pour cette année. L’album comprend seulement sept chansons, dont une instrumentale. L’album intitulé Smah, “le pardon”. Edité chez les éditions Syphax de Tizi-Ouzou, Hacene récidive avec Ur Nettemse3qal, Am Kem, Aha Kan, Ig 3eddan, Tamaghra, et enfin, Ur nettems3qal en instrumental.

Avec une touche de maître, Hacene choisit le chaâbi comme genre musical, mais d’autres genres de musique viennent enrichir son opus.

Hacene, maîtrisant tel un précepteur son sujet, puise sa poésie d’un langage pur et éthéré. Evoquant plusieurs sujets sans s’enorgueillir, tout de même, Hacene retrace à travers chaque poème des histoires qui ne seront que celles que peut endurer tout un chacun. Même pour les chansons élaborées sous des airs qui peuvent, dans le fond, donner envie de déhancher, Hacene en musicien délicat, conçu une rythmique appropriée où le genre dominant dans tout l’album laisse sentir le mot raffiné et agréable de la poésie. Les arrangements, un autre point culminant de tout l’album laisse s’exciter sous les mélodies envoûtantes et les accords délectables de son instrument fétiche, la mandoline.

Il découle de l’album cette assurance d’un travail ficelé avec délicatesse et surtout la dureté de sa réalisation.

Donc, il faut avant tout reconnaître à Hacene Laïche d’avoir travaillé dur pour enfin de compte confectionner un travail qui le propulsera au rang des artistes prometteurs. Son travail attrayant et agréable à l’écoute, d’abord sur le plan musical et ensuite sur le plan de poésie. Son album offre, à la fois cette satisfaction de l’existence de jeunes artistes défiant les regards sournois des concepteurs d’un idéal fictif pour la chanson, et ces envies d’écouter sans interruption cet album.

M. Mouloudj

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