Les vicissitudes de la vie

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1re partie

«Amachahou rebbi ats iselhou Ats ighzif anechth ousarou» (Ecoutez, que je vous conte une histoire, Dieu fasse qu’elle soit belle, longue et se déroule comme un long fil).Un proverbe kabyle dit : “D’aâmoud’ ith H’aqrendh ara-k Yaâmoun ! (c’est le bout de branche dédaigué qui risque de t’éborgner!”.C’est ce qui est arrivé à toute une famille dont les cent enfants terrorisaient et brimaient la population de toute une région. Ils s’attaquaient aux plus démunis et aux faibles qu’ils opprimaient. Voici leur histoire d’après un conte du terroir. Jadis, vivait un homme nanti qui avait des terres, des figueraies et des oliveraies. Pour ne pas utiliser une main-d’œuvre étrangère à la famille, il épouse plusieurs femmes qui lui donnent cent garçons. L’aîné de ses enfants, maintenant adulte, est très méchant. C’est lui le chef de ses frères et c’est lui qui les emmène chaque matin aux champs. Fort du nombre, ils tabassent tous les jeunes garçons rencontrés sur leur chemin.Ils se moquent de tout le monde et défient tout le monde. Un jour, de retour des champs, ils rencontrent le fils unique d’une veuve qui joue avec des glands (Aveloudh). Ils l’entourent et lui disent en chœur :“-Efkanagh-d aveloudhMaoulach ad gridh d’eg aloudh !(Donne des glands, à chacun de nous, sinon tu vas finir dans la gadoue !)”Pour se défendre l’enfant leur dit :“-Aqlakoun d’i miaNek ghori âchra D’aouzghi aya Our zemiragh ara !(Vous êtes centJe n’ai que dix glands Impossible à faire !)”L’ainé, plus méchant que tous les autres, lui dit : “Si vous étiez dix avec dix glands chacun, vous pourriez nous satisfaire tous, mais comme tu es seul, et que tu n’as pas la quantité voulue, tu vas nous le payer”. Et, c’est la curée. Les cent frères donnent des coups à l’infortuné garçon et lui déchirent sa gandoura rapiécée. C’est en larmes et en sang, qu’il rentre à la maison. En le voyant dans cet état, sa mère court vers lui. Il lui apprend qu’il vient d’échapper à un lynchage de la part de la famille des cent garçons. Craignant pour son fils, la veuve va se plaindre à l’Ag’ellid’ (roi) du pays, auquel elle dit :“-Mon fils a failli être lynché par cent garçons méchants. Si tu ne les arrêtes pas dans leur lancée, quand ils seront tous âgés, c’est de ton trône qu’ils vont s’emparer !”Les paroles de la veuve ayant fait mouche, l’Ag’ellid’ se gratte la tête, réfléchit quelques instants, et lui dit : “-Que faire contre eux ?-J’ai une idée, majesté ! Avant qu’ils ne deviennent grands et encore plus puissants, arrête-les maintenant. Mets chacun dans un sac et jette-les à la mer ! Ainsi, tu te débarrasseras d’eux et tu sera heureux !” L’Ag’ellid’ trouvant l’idée bonne, la met à exécution sur le champ. Il commande cent sacs de toile, mais il n’y avait à portée de la main que cinquante sacs. Qu’à cela ne tienne, pour se débarrasser de ses ennemis potentiels, il les arrête et les met deux par sac, qu’il fait porter par cinquante mules. Ses sicaires doivent les charger et jeter à la mer du haut d’une falaise. Arrivés sur les lieux, ils déchargent leurs bêtes et les laissent paître. Il ne leur reste plus qu’à grimper au sommet de la falaise. Harassés par la longue marche qu’ils viennent d’effectuer, les hommes chargés de la basse besogne sont fatigués et décident de se reposer. Pendant leur repos, l’aîné des cent garçons qui avait un coutelas sur lui, déchire son sac. Une fois libéré, il éventre les autres sacs et libèrent tous ses frères, sans que les sicaires ne s’en aperçoivent et courent rejoindre la forêt pour se cacher. Après s’être reposés, les sicaires s’aperçoivent avec effarement que tous les garçons se sont échappés. Pour éviter tout châtiment à leur retour au palais, leur chef leur dit de garder le silence et ils éviteront la potence. Pour que personne ne découvre les sacs éventrés, ils les lestent de pierres et les jette à la mer. De retour de mission, ils rendent compte à l’Ag’ellid’, en lui disant, que les cent garçons sont à l’heure qu’il est dans le ventre des poissons. Le veuve et son fils sont heureux. Plus personne ne les rendra malheureux. Il n’y a que les parents des disparus qui sont désespérés. A présent, tout le monde peut se venger, il n’y a personne pour les protéger.

Benredjal Lounes

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