La wilaya de Bouira connaît depuis quelque temps une certaine ébullition sociale, conséquence de plusieurs années de marasme mais aussi d’un climat sécuritaire défavorable à l’essor économique de la région durant la décennie noire. Toutefois, depuis l’arrivée du nouveau wali et malgré un certain “remue-méninges” effectué par le premier responsable de la wilaya, le front social n’arrête pas de bouillir. Les ouvriers qui déplorent les conditions de travail dans lesquels ils exercent, le pouvoir d’achat érodé et aussi le recrutement qui s’effectue dans une opacité récurrente font que les nerfs sont à vifs. Une situation déplorable qui malheureusement perdure et risque de s’inscrire dans le temps si les autorités ne prennent pas les devants pour faire la lumière sur tous les dossiers qui paraissent “louches”. Bouira, à l’image de nombreuses autres wilayas du pays, demeure encore victime d’une bureaucratie qui ne dit pas son nom et qui se cache derrière de faux-fuyants. En s’inspirant d’exemples concrets, on comprend aisément le ras-le-bol généralisé au niveau d’une wilaya où les choses ne se passent pas aussi normalement qu’elles devraient l’être. Jusqu’à l’année dernière, les multiples concours organisés chaque année dans différents secteurs étaient, pour des raisons que l’on ignore, trop souvent annulé par la Fonction publique à la dernière minute. Pourquoi ?
Question légitime mais qui, à Bouira, ne peut trouver de réponse sensée. Le constat est vérifiable et les nombreux jeunes postulants à des concours nous avaient affirmé à l’époque que la Fonction publique n’est pas toujours disposée à donner des explications sur ces annulations. L’année dernière, au mois de mai, la population de Bordj Okhriss est sortie dans la rue pour exprimer son mécontentement. Une population qui n’a pu être manipulée par une poignée d’individus distillant des ragots. Idem pour les citoyens de Haizer qui exigeaient simplement et purement le départ du premier magistrat de la commune.
Il s’agit là en fait d’une accumulation de problèmes, de doléances soulevées, de préoccupations quotidiennes qui ne trouvent aucune oreille attentive. Au mois de décembre dernier, ce sont les habitants de M’chedallah qui ont cadenassé les portes du siège de l’APC, une semaine durant, afin de contester la liste des bénéficiaires des 140 logements. Récemment encore le 21 janvier dernier, des dizaines de citoyens de la commune de Ain Turk, 5 kilomètres à l’ouest du chef-lieu de la wilaya de Bouira, ont assiégé le siège de la mairie, avant d’y pénétrer et de saccager les bureaux du service de l’état civil, et ce, en signe de protestation contre leur condition de vie. Cette émeute aurait eu pour origine l’attribution de 160 postes de travail, accordés à l’APC dans le cadre de l’emploi des jeunes. Une opération qui ne se serait apparemment pas déroulée dans la transparence.
Les routes nationales, les chemins de wilaya et même des pistes en terre battue sont fréquemment bloquées par des citoyens qui veulent se faire entendre des autorités. Ainsi considérée comme méprisée, reniée et rejetée par les pouvoirs publics, la population vouée à elle-même est fragilisée et demeure exposée à toutes les manipulations. Les desseins de certaines structures politiques étant souvent malsains et inavoués, il n’en faut pas plus pour utiliser de pauvres citoyens crédules pour ajouter de l’huile sur le feu. Un feu attisé par le malaise social qui couve dans plusieurs localités de la wilaya et qui s’est manifesté lors de la dernière présidentielle. Les habitants de quelques villages et hameaux avaient, dés les premières heures de la matinée, manifesté leur colère quant au scrutin qu’ils considéraient comme “vain et inutile”. Le changement par la continuité ne menant à rien, il serait urgent de mettre en place un dispositif crédible et fiable pour permettre aux citoyens de renouer avec la sérénité et la confiance envers les pouvoirs publics. Mais là encore, malgré les instructions présidentielles visant à éradiquer certaines pratiques malsaines, comme la corruption, le favoritisme et le clientélisme, les ronds-de-cuir se complaisant dans un système hermétique, ne sont pas près de se préoccuper de l’avenir de leurs concitoyens. Des Algériens qui ne demandent au final qu’à travailler et à se loger dignement.
Bessaoudi Hafidh
