Malgré les difficultés liées au froid, un montagnard ne peut pas concevoir un hiver sans neige. On s’en plaint, on s’inquiète mais on aime bien la neige. Elle a quelque chose de magique. Les gens avouent qu’ils n’y peuvent rien de toutes façons, et s’en accommodent comme une fatalité. Il n’y a que le manteau blanc pour créer cette ambiance particulière. Le rituel commence dès le lever du jour. Les hommes sortent tous, même ceux qui, d’habitude, ne quittent le village que, forcés et contraints. Ils doivent tous, selon l’expression consacrée “monter à Michelet” pour ramener du pain. Ils prennent d’assaut les boulangeries qui arrivent difficilement à faire face à une demande subitement accrue par on ne sait quel phénomène. Les ventes sont plus importantes que durant les beaux jours. “C’est à croire que la neige ouvre les ventres”, commente-t-on. On ne cherche pas à se faire transporter. On sait, par expérience que les routes restent impraticables, pendant une matinée, une journée ou plusieurs. C’est selon les quantités de neige qui s’abattent sur la région. Du coup les bottes, les burnous où les parkas refont leur apparition. Tout le monde est paré pour la situation. La procession d’hommes, les femmes s’aventurent rarement dehors, s’étire sur plusieurs kilomètres. On marche dernière les pas des “lèves tôt”, les premiers qui ont eu l’audace de tracer le chemin. Les courses terminées, on rentre se terrer chez soi et souvent on se rappelle ce que disaient les anciens : “A Rebbi fked ametchim anetch aneqim anelf iyezgaren alim”.
A. O. T.
