A son retour au bercail, il y a un petit lustre, “Lounès” veut faire familiariser cette catégorie de sport dit “noble art” dans sa région natale — il naquit plus précisément dans la fameuse cité des “Combattants” de Draâ Ben Khedda (Tizi Ouzou), une cité datant de l’époque coloniale et dont il reste en 2006 quelques vestiges encore habités. Kheladi Rezki est un fou du rire, de blagues, de sports, particulièrement de “son” sport à lui, la boxe thaï, un un mot, un bon vivant au cœur gros comme ça. ll est de ces philanthropes capables de se dévêtir pour habiller un démuni, ou de jeûner pour l’en nourrir.
Tout enfant déjà, il était ami de tous, et tous étaient ses amis.
Lounès n’aime pas l’impossible, il ne le reconnaît d’ailleurs pas. Il fonçait tête baissée pour des “exploits”, notamment en sport comme en aventure, tolérant en tout. C’est vers 1968 que l’enfant de la cité des “Combattants” de Draâ Ben Khedda quittera son quartier pour se retrouver en France, dans ce pays où tous les moyens existent pour évoluer et réussir, pour peu que la volonté soit de son côté. Et Lounès, dans ce domaine, en déborde. Il ne tardera pas à en créer son milieu, aux Yvelines plus précisément.
“Je suis classé 10e en Europe”
L’amateur des arts martiaux, au point où il s’adonnait tout enfant dès les années 80 à la discipline du karaté, il en acquerra de belles techniques d’autodéfense.
Deux années et c’est déjà suffisant pour son ambition qui veut changer, évoluer vers une autre discipline, plus attrayante, la boxe thaïlandaise qui “autorise” les coups, des pieds et des mains. Avec un groupe d’une dizaine d’amis des banlieues, en France, ils seront les premiers à “importer” cette discipline au pays après un voyage en 1987 dans la lointaine Thaïlande justement. “Je m’entraînais avec Belabel, les frères Ouadhi, je suis classé 10e en Europe. Vers la fin des années 80, j’a combattu à Nice dans les grandes salles de France (Yerres notamment) où les grands champions ont évolué, comme Kappler et Cantamici ; nous étions les premiers à avoir pratiqué la boxe thaï”, dira Lounès, tout sourire dehors.
Jamais irrité sur le ring ? — “Parfois, si j’ai combattu une fois un champion d’origine africaine et dont j’ai remarqué le manque de punch dès ma montée sur le ring. Ne voulant pas l’humilier, je le préservais au fil de 3 rounds, avec mon objectif de le vaincre aux points, lorsqu’il me foudroie d’une droite à la tempe, au point de voir des étoiles. Mon adversaire doutait certainement de ma forme et voulait évidemment, me vaincre. Me rendant compte de mon erreur, je me suis irrité aussitôt avant de l’envoyer au tapis “d’un” direct. J’ai tout de suite regretté le coup, effrayé même, de peur d’avoir sur la conscience la mort d’un adversaire sur le ring. Dieu merci, il s’en est sorti sans grand dégât, et le combat fut arrêté”, se rappelle encore notre champion. “J’ai battu de grands champions tels Christophe Omar, Corali, devant des milliers de personnes. De nombreux champions et leurs managers redoutaient d’organiser des combats contre Kheladi”, affirme “Lounès” en évoquant la détention de sa ceinture de champion de France dans la catégorie A des mi-moyens (68 kg).
“Des Thaïlandais me saluaient sur la voie publique”
Parti tout enfant en France, Lounès ne “reviendra” qu’après avoir bouclé ses 40 ans, toujours “enfantin”, terrassé par une tenace nostalgie de revoir son quartier natal, des membres de sa famille, des amis… et pour terminer la construction de sa maison dans son ex-Mirabeau natal.
“Je me rappelle agréablement, dit-il, des citoyens thaïlandais me saluant sur la voie publique en leur sympathique manière, en signe de respect et de reconnaissance, au lendemain d’un combat — que j’avais gagné évidemment — dans cet état du sud-est asiatique et diffusé en direct à la télévision locale. J’en répondais de même pour ce merveilleux public, sans savoir si je réussis ou pas mes salutations gestuelles”.
Sur 25 combats en mi-moyen (68 kg), il n’en perdit que 2 aux points et par “voix” des juges, “tandis que le reste, c’est-à-dire 23 combats, je les avais tous gagnés par KO”. Notre quadragénaire champion s’entraîne aujourd’hui tantôt à Draâ Ben Khedda, tantôt à la salle Tazerout de la Nouvelle-ville (Tizi Ouzou) où il suit des entraînements tout en aidant des jeunes dans la pratique de cette discipline dont le niveau, ici, est très faible. “Il m’arrive parfois de rire à en pleurer, c’est mon caractère… Et je fais corriger le geste de la bonne manière ensuite”, dira encore le champion, indiquant avoir fait trois fois des stages en Thaïlande, plus précisément à Bangkok, la capitale, à l’île de Hongkong (Chine) avec une équipe de champions français, les frères Desjardins, les premiers adeptes de la boxe thaï en France, René et Antoine Desjardins. La plupart des boxeurs battus par Kheladi au cours de compétitions “sont devenus de très bons amis avec moi aujourd’hui”, note encore Lounès, qui ambitionne de faire apprendre ce “calmant art” dans la région. Lounès ne veut pas admettre le qualificatif “violent” pour cette discipline, bien au contraire, “elle adoucit toute forme de nervosité”, estime-t-il convaincu.
Antar Boufatis
