Authenticité et simplicité

Partager

Auteur, compositeur, musicien, chef d’orchestre, comédien… la carrière de Cheikh Noreddine est des plus prolifiques. Artiste polyvalent, formé sur les tas, il a été le premier chanteur kabyle avoir été diffusé sur les ondes de la Radio. Son répertoire de plus de 400 chansons a forgé le goût de plusieurs générations d’auditeurs mélomanes. Une pléthore de chanteurs a connu la gloire grâce à l’aide et aux précieux conseils que ce pionnier de la chanson kabyle ne manquait pas de leur prodiguer. Natif du village Aguemoune (Larbaâ Nath Irathen) en 1918, Cheikh Noreddine y a vécu jusqu’à l’âge de 17 ans. Son père était Cheikh n’Taddarth, il assurait les prières au village. En 1935, Cheikh Noreddine rejoint son frère, garçon de café à Alger.

Il a d’abord travaillé à la pêcherie dans le bar maritime qui était le lieu de rendez-vous cosmopolite des navigateurs. Après un bref passage aux sports nautiques, il ouvre avec un associé une gargote rue Violettes (1937). Une année qui a marqué les débuts de Cheikh Noreddine dans le monde de la chanson. Allo tricité, Akhali khali ou encore Anfiyi adhrough, étaient les premières chansons enregistrées chez Pathé Marconi, sur proposition de son directeur, M. Fenkil. Onze chansons au total étaient regroupées dans un disque, qui était alors cassable et en 78 tours. Dans ces chansons imagées, le vécu était dépeint avec réalisme et simplicité. Quelques cours pris au conservatoire d’Alger, lui ont permis d’apprendre les rudiments de la musique. Cheikh Noreddine investissait une bonne partie de ses économies dans l’achat d’instruments de musique qu’il revendait quand il était à court d’argent. En 1938, la radio fait appel à ses services.

Les programmes comptaient à l’époque deux émissions par semaine qui diffusaient des chansons andalou et chaâbi. Cheikh Noreddine était entouré à la radio d’artistes de renom, tels que Cherifa, Amar Ouyakoub, Aârab Awzellague, Idir Said et Zerrouk Allaoua. Il faut dire que le statut d’artiste avait à l’époque une connotation péjorative, dans une société kabyle rigoriste à souhait. Le père de Cheikh Noreddine ne voulant pas s’opposer de front à la carrière artistique de son fils, lui recommande néanmoins, de ne pas composer de chansons susceptibles d’offusquer autrui.

Même la radio de l’époque prenait soin d’avertir les auditeurs avant de diffuser des chansons paillardes. Sur la feuille de route, ces programmes étaient répertoriés sous la mention “chansons légères”.

Si Cheikh El Hasnaoui avait osé bousculer les us en introduisant le thème de l’amour dans ses chansons, c’est parce qu’il chantait en France et devant un auditoire exclusivement masculin. “Il faut lui rendre hommage, car il a rendu ses mots à l’amour, figé jusque-là dans une illustration éculée”, disait de lui Cheikh Noreddine. Sa complicité avec Slimane Azem s’est traduite par une profusion d’œuvres. Des sketches mettant en scène les valeurs humaines et où il campe des rôles avec gaieté et un grand sens du comique. Les chansons interprétées, souvent en duo, étaient d’une admirable pertinence : la vie de l’exil et l’espoir d’un retour parmi les siens, la condition de la femme kabyle, la problématique identitaire et les travers de la société y sont ainsi passés au crible. La conquête du 7e art a hissé Cheikh Noreddine à l’apogée de sa carrière. Ses rôles interprétés dans Les hors la loi, Elise ou la vraie vie, Patrouille à l’Est, Chant d’automne ainsi que dans de nombreux téléfilms ont, en effet, achevé d’asseoir l’aura d’un homme qui, sa vie durant, ne s’est pourtant jamais départi de son humilité.

N. Maouche

Partager