Les arts du monde : Ali Amran ou le verbe chanté

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“Gar unebdu d nnisan

Ay jebbden wussan

Yugi wul ad yeste3fu

Rwigh tigad iseqqan

Xrebn i wudan

Hay ixef-iw refd asefru”

Sfina, akk’i d’amur, noir et blanc, en passant par Amsebrid, huriya ou la superbe tabalizt, pour ne citer que celles-ci ; chansons tragiques, douces ou nostalgiques. Dans la poésie de Ali Amran se ressent la majesté des montagnes bleues ou vertes et la beauté des musiques anciennes mises au goût du jour. L’artiste nous fait découvrir la profondeur, la splendeur des mots empreints de l’odeur de la terre natale et des empreintes des bien –aimés ; chants d’amour, d’exil, de douleur et de complaintes. Soutenue par l’ampleur sonore et la puissance de sa voix particulière, il parcourt toutes les nuances de la riche tradition musicale qui est la sienne et évolue au gré des instruments et des courants musicaux. Le tout enrichi par une interprétation personnelle qui donne un caractère exceptionnel à ses spectacles où la parole-  » awal « – dite ou chantée exprime pensée, intégrité et engagement.

 » Imi awal

Kul yiwen issen amek a t imsel

Akken ad icebbeh iman-is

Ma d timsal

S wawal arkel a tent-ndel

Ad ighil lmal d ikef-is

L’universel au bout

de la guitare

Ali amran a une maîtrise certaine du verbe kabyle. Il a compris que la poésie est la littérature qui témoignent et transmettent nos valeurs, son verbe réfléchi, est hérité du patrimoine kabyle renforcé et étoffé par les trois années passées à l’Institut de langue et culture amazighes de l’Université de Tizi ouzou après avoir enseigné l’anglais dans un lycée.

Encore tout jeune, il écrit des chansons interprétées par des chanteurs populaires comme Lani Rabah et Hamel Slimane et fait ses premières scènes à l’Université. Dans la troupe de théâtre « Maghres » créée en 1988 et constituée de comédiens et interprètes tels que Saïd Chemakh, Houria Ferhat, Slimane Hamel, Kamel, Belkacem Nabil, Farida Chikri et les metteurs en scène, Omar Zouaoui et Rabah Allam, il chante et accompagne la chorale à la guitare.

Il se dit fasciné par les Beatles, Simon and Garfunkel, Francis Cabrel, Idir, Abranis et bien d’autres. Pour l’amour du beau, il s’imprègne de tous les courants musicaux, folks, Rock, blues… Il élève les mots, les sonorités et les images véhiculés par son art pour en faire des chef-d’œuvres d’harmonie universelle. Après bien des périples, il obtient le premier prix au festival de la chanson amazigh, avec son groupe « Tura ». C’est là qu’ils arrachèrent, le premier prix lors du Festival national de la chanson amazighe et le 2e prix au Festival de musique de la Soummam.

En 2000, il part en France, « Refdagh tabalizt » est un poème avec des paroles qui retentissent douloureusement dans l’exil menaçant,froid et impersonnel. Le tout exprimant plein d’attentes servies par une palette d’impressions qui éclairent le chemin réconfortant des lendemains qui chantent de ce « fou d’espoir ». Ali Amran donne une dimension universelle à la chanson du grand maître du chaâbi Hssissen, (exilé après La Bataille d’Alger à cause de son appartenance au M.T.L.D.).

Ali Amran a beaucoup travaillé pour atteindre ce degré de perfection avec entre autres un grand ingénieur du son et producteur de musique de nationalité anglaise, Chris Birkett.

« Dayen yekfa lhem

Waqil tikelt a

Ezahr yedhem

Yelli tibura trewla

D abrid a d ruhagh

Lekwaghed heggan

Wid is arafghagh

Wid n dihin annef kan

Aqli di lagar

Di tmurt iba3den

Imdanen a lehhun

Wiyid la zehhun

Uliw ay yekkat

Anida lembat

Immi debudgh ar da

Anda nsigh

Adban tafat “tabalizt”.

Tizi-Ouzou se pare de poésie et de liberté

Que dire de la reprise de la chanson de Assam Mouloud “Aqlalas” qui, interprétée par notre artiste, ressemble à de l’eau de source magiquement suspendue entre les rayons d’un soleil printanier.

« Ray ulac », « bghigh akemhemlagh », « tilufa », « brid », « awiyi », superbe chanson au texte sublime de beauté et de simplicité

« Awiyi gher Lpari

Lukan di labyu lkaghed

Emmène-moi à Paris

Même dans un avion

en papier

Tout est dit sur l’exil des incertitudes …Ali Amran le chante partout, au Zénith de Paris, à Tanger, Helsinki, Barcelone, Amsterdam et maintenant à travers la Kabylie.

J’ai assisté à son spectacle donné dans la soirée du 3 juin à la cité universitaire de jeunes filles de Tizi-Ouzou.

C’était un de ces soirs où voltige une douce brise presque imperceptible. Comme des fleurs, les jeunes étudiantes, habillées pour la plupart de robes kabyles chatoyantes pour accueillir l’Artiste, parsemaient la cour de la cité se répandant en bandes joyeuses.Elles étaient dans l’attente de l’arrivée de leur idole.

Elles s’agglutinaient déjà aux barreaux qui séparent la scène du public ; les unes s’éparpillant comme des papillons cherchant la branche la plus confortable pour s’y poser.

Au dessus de la scène,sur un monticule élevéd’autres filles,se voulant discrètes, étaient assises sous les branches basses des arbres silencieusement protégées par l’obscurité de la nuit.

Après l’euphorique passage de Belaid Branis à l’occasion de la sortie de ‘talwit « , son premier CD et qui mérite que l’on y revienne, Arezki Azouz,en habitué de la scène,annonce la prestation de Ali Amran. C’est la frénésie…

Avec son sourire, sa simplicité son charme et son élégance, Ali, souple comme un roseau, remplit la scène de sa présence. Il promet une délicieuse invitation au voyage chantant. Captivéle public féminin boit le moindre mot, la moindre note de musique dans un silence quasi religieux jusqu ‘au moment ou « tazla n wussan », « aqlalas » ou « acawrar » invite l’insouciante jeunesse à danser pour ensuite,impressionnant moment, reprendre d’une meme voix des chansons à textes. Mais les chansons de Ali Amran parlent au public, il a une voix pure comme l’eau de nos sources d’antan, puissante comme nos chênes, il tire de sa guitare des sons doux, tristes, gais, emplit le silence de cette nuit de printemps, de sa voix limpide qui remplit l’immensité du ciel.

Moment sublime lorsque sur scène ne se font entendre que les légendaires bendirs avant d’entamer un instrumental des plus délicieux.

Communicatif, sympathique, Ali, présente « musicalement » les talentueux musiciens qui l’ont accompagné durant cette mémorable soirée divinement achevée avec « tabalizt » chanson étonnante qui, encore une fois a du donner des frémissement de bonheur au grand Cheikh, là où il est.

Ali Amran vit en Finlande avec son épouse et ses deux petits garçons qui parlent kabyle…

Brodé de ses genêts, sous les étoiles brillantes comme de petits diamants, paisible et sereine Tizi-Ouzou s’endort, fière de son enfant qui chante si admirablement la liberté.

« Inid a Huriya

Bghigh nek yidem anili

Am yefrax

Yetfarfiren deg igenni

Anessu lahrir I tayri

An3ali seb3a igenwan

A tixar gar lghaci

Wid il3aben s usennan

Aha, akker a Huriya

Dunnit ur t tetraj ara

Anebges an3adi

A Huriya.”

“Huriya.”

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