Chérif Hamani, la voix des collines enchantées

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L’année 1983 fut incontestablement l’année du grand cru de la chanson kabyle, et Chérif Hamani, au sommet de son art, était là pour apporter sa note de fraîcheur en signant d’une main d’orfèvre un véritable chef-d’oeuvre de huit joyaux, tous plus beaux les uns que les autres : “Gar-anegh ad d-cehhden” – les larmes nous sont témoins-, “La ttezmegh deg yiman-iw” -remords, regrets et remontrances-, “La ttwaligh deg-i a tetten” – suceurs de sang -, pour ne citer que ceux-là.

A le voir “torturer” les cordes de son instrument de prédilection, l’on peut supposer qu’il est venu au monde avec un mandole dans les bras. Ses doigts taquinent les frettes de l’instrument avec une agilité et une justesse déconcertantes. Les gammes, les octaves et les modes se bousculent au gré de l’inspiration. Rien qu’à le voir jouer, ce grand amoureux de la scène nous offre un spectacle haut en couleurs. Professionnel jusqu’à la moelle, il peut passer aisément d’un acewwiq (prélude musical) de sa Kabylie natale à une touchia des plus compliquées. Tel est le résultat d’un travail de longues années passées dans les conservatoires d’Alger, auprès de grands Maîtres de cette ville qui l’a adopté dès sa prime jeunesse. Natif de Tagragra, village des At Dwala, une région qui a vu naître des artistes de haute facture à l’instar de Cheikh el Hasnaoui, Zedek Mouloud et feu Lounès Matoub ; Chérif Hamani a su rester fidèle durant toute sa carrière – longue d’une trentaine d’années – à son style musical et à ses textes profondément recherchés et très diversifiés. Accordant un intérêt majeur à la sagesse des anciens, sa poésie fait office de passerelle avec le présent. Passant de ce noble sentiment qu’est l’amour, aux maux les plus profonds qui rongent l’âme de son peuple, dénonçant l’injustice sociale, tout en rêvant à un monde des plus utopiques. Extrêmement nostalgique de “la belle époque», il ne rate cependant jamais d’occasion pour glorifier le combat que mènent ses concitoyens en Kabylie en faveur de la démocratie, de l’identité amazighe et de la citoyenneté. Doté d’une voix chaude et envoûtante, rocailleuse et limpide, ses mélodies chargées de complaintes sortent tout droit de ses tripes. Et nul ne peut en rester indifférent. Dans son dernier album (2002), Chérif Hamani nous fait voyager dans les années de ses débuts. Lui, qui ne se destinait pas à une carrière de chanteur, a subjugué l’auditoire par “Lh’ajja n ssuq” la chanson-phare de l’album qu’il venait de confectionner à Paris ; nous sommes en 1979. L’année 1983 fut incontestablement l’année du grand cru de la chanson kabyle, et Chérif Hamani, au sommet de son art, était là pour apporter sa note de fraîcheur en signant d’une main d’orfèvre un véritable chef-d’oeuvre de huit joyaux, tous plus beaux les uns que les autres : “Gar-anegh ad d-cehhden” – les larmes nous sont témoins-, “La ttezmegh deg yiman-iw” -remords, regrets et remontrances-, “La ttwaligh deg-i a tetten” – suceurs de sang -, pour ne citer que ceux-là. Il venait d’asseoir définitivement sa notoriété de chanteur incontournable et imposer son savoir-faire sur une scène où le public reste l’un des plus exigeants.

Karim Bentaleb

in Tamazgha.fr

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